Dossier

10.10.2006 à 17h50 par |Source : Rédaction

Conférence : Regards croisés sur l’avenir du jeu vidéo

Un des grands moments de cette première édition du Festival du Jeu Vidéo restera la conférence sur l’avenir du jeu vidéo au cours de laquelle le public a pu avoir la chance d’entendre trois créateurs de talent exposer leur vision de leur travail. En effet, c’est avec plaisir que le jeune Florent Castelnerac (Trackmania), l’expérimenté Eric Viennot (L’oncle Ernest, In Memoriam) et le célèbre David Cage (The Nomad Soul et Fahrenheit) ont effectué un regard croisé sur l’avenir du jeu vidéo. Conférence très intéressante compte tenu de leurs parcours respectifs différents dans ce milieu qui nous passionne tous.

Comment démarrer un métier dans le jeu vidéo ?

Chacun à ainsi expliqué comment il en était arrivé à travailler dans le jeu vidéo. Ainsi EricViennot adécouvert il y a plus de vingt ans les médias numériques et à vu en eux un nouveau support extrêmement ouvert à la création. Issu d’une formation en design plastique, il a continué dans la publicité, puis le multimédia ludo-éducatif et les jeux vidéo. Son premier succès fut le logiciel pour enfants Oncle Ernest, qui permit à son studio de se former aux outils de création mais aussi de pouvoir investir dans d’autres projets. En effet, il suivit un schéma classique, création d’un hit qui fait rentrer des fonds et permet d’investirdans des productions plus risquées et personnelles comme l’est In Memoriam.

De son côté, David Cage, joueur de la première heure, a débuté dans la musique pour publicités et jeux vidéo. Jusqu’au jour où il a décidé d’écrire le jeu auquel il aurait aimé jouer. A ce titre, à plusieurs il a réalisé les bases d’un titre à partir une démo jouable qu’il a présenté à Eidos. Voilà comment est née en 1997 sa boite Quantic Dream qui livra à la fin des années 90, grâce à la vision de David Cage, au support d’Eidos et du chanteur David Bowie, The Nomad Soul, un petit bijou devenu culte sur PC. En son temps, ce fut la production française la plus chère et sur laquelle 50 personnes ont travaillée. Chose énorme pour notre pays et pour l’époque. Après ce succès, sa société a pu lever des fonds privés etinvestir dans une plateforme de motion capture largement reconnue actuellement. Cette nouvelle source de profit lui a donc permis de créer un autre jeu assez différent de la masse des titres actuels, Fahrenheit. Après un début difficile, comme le refus de Sony de voir le titre adapté sur Playstation, ce jeu leur permis de se faire un nom à l’étranger et surtout d’avoir finalement un soutien total de Sony, complètement séduit par le titre. Pour preuve, leur prochain jeu, Heavy Rain, encore mystérieux mais s’annonçant révolutionnaire a été présenté sur une démo technique développée grâce au kit de la Playstation 3. DavidCage a même lancé une petite phrase qui risque de faire couler de l’encre, comme quoi ce jeu serait adapté sur « une bonne plateforme pas encore sortie et qui ne sera pas la Wii ».Son but avoué dans la création de jeux vidéo reste l’idée de retranscrire des sensations non habituelles dans les jeux vidéo.

Le tout jeune créateur de TrackMania, Florent Castelnerac, quant à lui, dispose d’un parcours un peu différent. Issu d’une école d’ingénieur, il a réalisé un stage chez feu Delphine Software avant de rentrer dans une boîte pour créer un moteur de jeu vidéo dans le but de produire des dessins animés. Avec des amis il s’est ensuite lancé dans l’aventure en réalisant des jeux vidéo comme Virtua Skipper 1, 2 et 3. Grâce au soutien de l’éditeur français Focus, il a pu mettre un terme à ses projets et surtout à TrackMania. Selon lui, il existe deux sortes de jeux vidéo. Les jeux vidéos « spectacles » souvent destinés aux consoles d’ailleurs et les jeux vidéos avec des joueurs et vivant de l’activité et des créations de ces derniers. En effet, avec l’avènement d’Internet sur PC, TrackMania, tout comme CounterStrikereste un titre ouvert au joueur et vivant grâce à lui. Pour preuve, il y a plus de joueurs sur TrackMania que sur Xbox 360.Comme quoi avoir un petit budgetne signifie pas condamner le produit final. La communauté autour d’un titre peut le faire subsister et le faire vivre.

Ces trois grands créateurs partagent la singularité d’être indépendants et d’avoir leur entreprise. Cependant chacun à une vision différente de la façon de travailler. L’indépendance implique des contraintes, des pressions et présente d’énormes risques. David Cage et Eric Viennot, de part leur expérience, essayent de cadrer leur créativité, en ne se dispersant pas dans leurs idées et organisant cette créativité durant la phase de préproduction, ne changeant pas de voies du jour au lendemain sur un projet en pleine production. Ils limitent aussi les soirées, weekend et nuits blanches sur la création d’un jeu. Vie de famille et coût de production impliquent organisation et horaires fixes (sauf exceptions).Au contraire, Florent laisse sa créativité l’emporter et avoue même avoir eu une idée le matin même qu’il mettra en place dans la semaine à venir. Ceci venant surtout du fait qu’il dispose d’une petite équipe et donc l’organisation à moins un besoin d’être rigide. De plus, il aime créer plusieurs versions d’un jeu, les proposer aux joueurs, prendre en compte leurs remarques et améliorer le produit final. DavidCage garde tout de même à l’esprit qu’un jeu vidéo est une entité vivante et il se réserve des zones de réglagesen cours de développement. Zonessur lesquelles leur créativité peut tout de même jouer à tout moment de la production. De plus, il aimerait pouvoir créer des jeux vidéo par épisodes, permettant ainsi d’être en interaction constante avec le joueur pour améliorer à chaque fois l’épisode d’après. David Cage en fait l’un de ses objectifs dans ses futures créations. Chose qu’il souhaitait déjà faire à la base avec Fahrenheit.

Devra t’on en venir aux grosses productions ?

Les budgets alloués à la réalisation d’un jeu vidéo ne cessent d’augmente, et nos trois intervenants en sont conscients. Pour Eric Viennot, l’industrie vidéo ludique est un secteur où le manque d’argent génère la créativité. En prenant l’exemple de TrackMania et l’absence de gestion des collisions dans le titre développé par Florent et son équipe de douze personnes, il montre bien que ne pas avoir les moyens de se payer le dernier moteur physique à la mode conduit à avoir des idées originales pour, en quelques sorte, compenser. De son côté, même si David Cage avoue prévoir encore un budget record (pour un jeu français) avec sa prochaine production, Heavy Rain, il déclare qu’un tel soutien financier impose encore plus d’avoir des idées.

Le sujet du marché des consoles est venu faire un tour dans la discussion. David Cage estime en effet que sa société se devait d’entrer dans le marché pour exister. Travailler sur une console reste tout de même un autre défi que sur PC car l’approbation du constructeur reste nécessaire pour voir le titre adapté sur sa machine. Cependant, en général les studios reçoivent plus d’argent que pour un développement sur PC ce qui peut faciliter le travail. Le marché de la Playstation 2, par exemple, est obligatoire pour percer dans le milieu. De plus, l’évolution des consoles actuelles ainsi que l’apparition des disques durs et du online en font de véritables petits ordinateurs, ce qui ouvre la possibilité de réaliser aussi sur ces plateformes des titres épisodiques comme David l’envisage.

Le problème du prix des jeux a aussi été abordé. En effet, tout le monde s’accordera sur le fait que les titres sont hors de prix et notamment sur consoles. Cela est du à la chaîne d’intermédiaires que suit toute sortie classique d’un jeu vidéo. Que l’éditeur prenne sa part du gâteau semble logique pour les trois protagonistes car c’est lui qui prend le risque de poser sur la table des millions d’euros pour la création d’un jeu. De même pour les taxes européennes et françaises, même si elles sont très élevées, aucun des conférenciers ne les critique ouvertement. Cependant il faut savoir que 40% du prix de votre petite boite verte fluo revient au distributeur, qui lui ne prend aucun risque dans la sortie du jeu et renvois même ses invendus… C’est surtout sur ce point que nos trois individus bloquent. Ne parlons pas des développeurs qui gagnent seulement de l’argent sur les ventes si leur jeu est un énorme succès, ce qui est plutôt rare. Alors comment voient-ils le futur ? En limitant les intermédiaires par exemple. Pour ceci, un système de distribution online comme il apparaît de plus en plus sur Internet pourrait être la solution. Ce mode de distribution permet, en outre, à des jeux qui n’auraient pas trouver leur place sur les rayons des distributeurs d’être disponibles pour le joueur. Alors qu’un titre reste trois mois en rayon dans un magasin, il l’est tout le temps sur Internet. Cependant, sur consoles les systèmes online de Microsoft et Sony, même si différents dans le principe, imposeront toujours aux développeurs de donner une part de leurs gains à ces constructeurs.

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