Jeux

Ion Fury

FPS | Edité par 1C Entertainment | Développé par Voidpoint

4/10
One : 14 mai 2020
13.05.2020 à 17h57 par

Test : Ion Fury sur Xbox One

La furie et la foi

Qui était joueur PC dans les glorieuses années 90 se rappelle à jamais des noms d'ID Software et 3D Realms. Deux grands développeurs et précurseurs dans le domaine du FPS, se tirant la bourre via des séries de sharewares toutes basées sur le même modèle de shooter bourrin et pointu. Si le premier a révolutionné cette année sa propre licence avec un Doom Eternal magistral à tous les niveaux, le deuxième décide de rendre hommage à son lointain passé via l’édition de Ion Fury, spin-off officiel de sa licence phare Duke Nukem dont les droits appartiennent désormais à Gearbox.

Ion Fury nous place dans les bottes à talons de Shelly Harrison, fliquette du futur chargée de maintenir l’ordre dans la ville futuriste de Neo DC en proie à une attaque unifiée de la pègre locale. Voila à quoi se résume l’intrigue de la nouvelle production de 3D Realms -disponible dans un fichier lisez-moi et sous la forme de quelques vignettes en début d’aventure- préquelle du Bombshell sorti en 2016 sur PC. Un jeu dont on n’aura probablement jamais la chance de voir la couleur sur consoles de salon. La seule information vraiment importante à retenir est que Ion Fury se déroule dans le même univers que celui de Duke Nukem et si l’on n’aura pas la chance de croiser sa coupe à la brosse durant l’aventure, les références sont multiples et redondantes, histoire de le faire entrer de force s’il faut dans la tête de ceux qui posséderaient une mémoire de poisson rouge.

Sur le papier, Ion Fury a tout de l’idée de génie : revenir aux racines du genre et reprendre 23 ans après la suite spirituelle de Duke Nukem 3D, là ou 3D Realms s’était arrêté. Moteur d’époque, philosophie intacte, si le contrat d’intention est bien rempli, il faut peu de temps pour se rendre compte que là où les développeurs de l’époque donnaient l’impression de déborder d’idées neuves à chaque nouveau couloir, ceux de Voidpoint Games peinent à dépasser le stade de l’élève copiant sa leçon sans jamais donner l’impression de l’avoir comprise ou assimilée. Le jeu nous invite à arpenter une ville futuriste sans réelle cohésion artistique, faites de copier-coller brouillons et de lieux jamais vraiment originaux. Les niveaux semblent bien dénués d’idées neuves et le level design, d’une banalité épuisante, donne l’impression d’arpenter un vulgaire fan-made, avec pour seule idée géniale celle de placer une carte d’accès le plus à l’opposé possible de la porte qu’elle est censée ouvrir.

ion fury test 1

Pire encore les développeurs, misant énormément sur la verticalité, on se retrouve souvent à devoir faire face à des séquences de plateformes à la difficulté particulièrement retorse. Cela est lié à la course automatique couplée au déplacement à la manette. Il est évidemment possible de désactiver la course auto, mais cela n’arrange pas vraiment les choses, l’activation du sprint avec le stick gauche étant particulièrement capricieuse. Issu du passé lui aussi, le système de carte d’accès coloré est couplé à une carte aussi détaillée qu’illisible et dont vous ne pourrez essayer de déchiffrer le chemin qu’en temps réel, en restant donc à la merci d’un ennemi isolé. Pire encore, l’absence totale de légende ou de marqueur sur cette même carte, vous oblige à bien mémoriser le chemin et la position des portes fermées. Autant dire que si vous êtes du genre à vous perdre dans votre propre musée, vous risquez de rapidement haïr les développeurs d’Ion Fury.

Concernant le gameplay en lui-même, Ion Fury reprend la jouabilité de Duke Nukem 3D et il faut admettre que le tout a très bien vieilli. Shelly Bombshell se déplace très bien et même si la précision n’est pas forcément de mise à la manette, on s’y retrouve rapidement. Malheureusement, en règle générale, les armes manquent clairement de patate et d’originalité. N’espérez pas écraser vos ennemis avec un équivalent du Shrinker, l’arsenal est limité à cinq pauvres armes à feu et deux explosifs. Rien n’est d’ailleurs bien engageant, entre la mitraillette qui tire des boulettes enflammées et le magnum qui malgré son tir secondaire permettant de se la jouer Red Dead Redemption, semble plus proche du pistolet à eau de Eat Lead que de celui de l’inspecteur Harry. On n’a jamais l’impression balistique de puissance, pourtant essentielle dans les soft de la grande époque. Reste le fusil à pompe pour quelques sensations bienvenues et des effets gores appréciables, ainsi que dans une moindre mesure (on est loin du compte), la mitraillette gatling. Concernant le corps à corps, l’impossibilité de donner des coups de pompes dans la tronche des punks, comme ce bon vieux Duke, oblige à s’équiper d’une matraque électrique qui sert plus à décoder des semblants d’énigmes liées à des panneaux électriques à recharger qu’au ravalement de façade lors de contrôles d’identité. Le tout est évidemment couplé à un système de défilement des armes via la croix directionnelle, peu pratique et absolument pas adapté à la rapidité de l’action.

ion fury test 3

En plus de devoir subir un arsenal peu réjouissant et un level design profondément ennuyeux, il faut savoir que le jeu propose une difficulté particulièrement mal équilibrée. Dès le mode normal, les ennemis sont sans pitié et il faut penser à sauvegarder souvent pour ne pas prendre le risque de devoir recommencer un bon quart d’heure en arrière. Le moindre sprite adverse semble viser aussi bien que Chris Kyle et les dégâts sont légèrement abusés, votre barre de vie fondant comme neige au soleil. Heureusement l’intelligence artificielle semble être restée en confinement car les ennemis se retrouvent souvent coincés contre un mur, vous permettant de fuir ou de les contourner.

Au rayon des bons points, on note tout de même une très grosse présence de passages secrets et d’objets cachés, ajout idéal pour les plus mordus, ainsi que des références sympas à la pop culture parsemées un peu partout, notamment le club d’ouverture judicieusement baptisé «Le Tech Noir». Le jeu est par ailleurs intégralement traduit en Français, jusque dans les décors, bien que les voix restent en Anglais et ne sont bizarrement pas sous-titrées. On apprécie également que le FOV soit configurable, même si une bonne nouvelle ne semblant jamais aller sans une mauvaise, il faudra faire avec l’absence totalement impardonnable de la possibilité d’inverser l’axe Y du stick droit. Heureusement, un passage dans l’application contrôleurs de la Xbox One vous permet de remédier à ce problème. Si la campagne solo ne suffit pas à calmer vos ardeurs, une mission supplémentaire est accessible via le menu du jeu, ainsi qu’une arène avec munitions infinies pour se remettre de l’extrême radinerie du jeu en termes de munitions durant l’aventure principale. N’espérez pas trouver le moindre mode multijoueur en local ou en ligne par contre, Ion Fury est une expérience solo pure et dure.

ion fury test 2

Est-ce le fruit de l’époque ou tout simplement une grande timidité des développeurs, à moins que cela soit lié au scandale provoqué par une blague lors de la sortie du jeu sur PC l’année dernière ? En tout cas Ion Fury est sage, bien trop sage. N’espérez pas glisser quelques dollars dans le string d’un Chippendale ou entendre mademoiselle Harrison baver devant un mannequin d’une vitrine d’Abercrombie. Le jeu se contente de quelques effets gores et vannes de l’héroïne -qu’il est même possible de désactiver pour satisfaire le bien être des plus fragiles- pour tenter d’ajouter un peu de caractère à un jeu finalement bien lisse et bien triste. Techniquement le jeu respecte parfaitement le cahier des charges rétro et le moteur de 3D Realms rend toujours aussi bien malgré le temps qui passe. On regrette toutefois une finition particulièrement lamentable, le jeu tournant à 60 FPS mais se permettant régulièrement des chutes de framerate importantes ainsi qu’un nombre assez rédhibitoire de saccades constantes et cela même sur Xbox One X. Les musiques très répétitives pourront également vous pousser à la désinstallation avant même d’avoir pris le temps de finir l’histoire, aussi longue et excitante qu’un après-midi à la campagne.

4/10
On aurait aimé qu'Ion Fury nous fasse l’effet d’une gigantesque madeleine de Proust vidéoludique et nous ramène au bon vieux temps de la coupe mulet et du lit toujours fait par maman. Malheureusement, dès l’interminable premier niveau, le level design totalement insipide, la déception globale que suscite l’arsenal, couplés à des soucis techniques impardonnables, nous ramènent immédiatement sur terre : Ion Fury a l’odeur de la pâtisserie de tata, mais n’est finalement qu’une vulgaire viennoiserie vendue sous emballage plastique en grande surface.

+

  • On dirait vraiment un beau jeu de 96
  • On peut shooter dans des cranes comme dans un ballon de foot
  • Donne envie de réinstaller Duke Nukem 3D : World Tour

-

    • On dirait un jeu médiocre de 96
    • Le framerate est une catastrophe
    • Arsenal globalement raté
    • Beaucoup trop sage et trop lisse
    • Difficulté abusée dès le mode normal
    • Level design sans aucune créativité