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Ancestors: The Humankind Odyssey

Survival | Edité par Private Division | Développé par Panache Digital Games

8/10
One : 06 décembre 2019
24.12.2019 à 16h05 par - Rédacteur

Test : Ancestors: The Humankind Odyssey sur Xbox One

Un joli portrait de famille

Si l’on ne peut être qu’admiratif devant le travail de certains développeurs pour imaginer et donner vie à des univers originaux, on sait aussi que se confronter à l’Histoire est un exercice au moins aussi délicat. Peut-être faut-il un peu moins d’imagination pour porter aux nues un pan réel de l’histoire de l’humanité mais en revanche, la rigueur exigée par la recherche de la cohérence rend assurément le projet périlleux. Alors quand Patrice Désilets, créateur de la saga Assassin’s Creed, prend le pari de nous plonger 10 millions d’années avant notre ère pour nous faire vivre les premiers souffles de l’humanité, c’est un sentiment mêlant curiosité, excitation et une pointe d’inquiétude qui surgit des tréfonds de notre âme de joueur. Et d’être humain.

Bienvenue en Afrique, quelques 10 millions d’années avant notre ère. Comme nous le dit en quelques mots Ancestors : The Humankind Odyssey au démarrage, nous nous apprêtons à prendre la manette pour vivre des instants lointains de l’existence humaine et comme nos ancêtres, nous aurons à découvrir le monde par nos propres moyens. Avec ses beautés et ses multiples dangers. La cinématique d’introduction présente une jungle luxuriante investie par une faune impitoyable. Quelque part, en bas de la chaîne alimentaire qui s’exprime au gré des images, un hominidé et son petit tentent de fuir le danger qui s’abat sur eux. Rapidement seul au monde, le petit être qui ne se tient pas encore debout doit fuir et se cacher, alors qu’il nous revient le soin de prendre les choses en mains. Dans cet environnement inquiétant, la peur du jeune humain s’exprime par une vision trouble, des sons angoissants qui surgissent de partout et les spectres des prédateurs qui semblent fondre sur lui. Après quelques pas dans la jungle, le temps de découvrir les commandes de base et notamment la possibilité de repérer les autres êtres vivants en fonction de leur odeur ou du bruit qu’ils émettent en se déplaçant, on trouve une cachette. L’action passe alors du côté d’un mâle adulte, membre d’une petite communauté composée d’une demi-douzaine d’individus. A lui d’aller retrouver le jeune hominidé dans la jungle, dans un passage prétexte à l’initiation du joueur aux déplacements principaux.

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Notre ancêtre peut se déplacer plus ou moins rapidement, interagir avec les végétaux et minéraux, user de sa voix pour provoquer la réaction d’un congénère dans les environnements. Utile pour mettre la main sur un petit être en détresse. Il peut donc également, comme on l’a découvert précédemment, user de son ouïe et de son odorat pour appréhender les environs. En se concentrant, des points d’intérêt apparaissent au loin mais il est impossible de savoir de quoi il s’agit avant de l’avoir inspecté. Au cœur de tout cela, on retrouve un système de gestion de l’escalade -des arbres comme des parois rocheuses- qui a un petit quelque chose d’Assassin’s Creed sur la forme et une grande ressemblance avec Zelda : Breath of the Wild (WiiU/Switch) sur le fond. Il est possible de se hisser partout, aussi longtemps que l’on dispose de l’endurance nécessaire matérialisée par un rond dont le diamètre se réduit au fil des secondes. Heureusement, nos ancêtres étaient costauds et on peut passer pas mal de temps agrippé, chuter d’assez haut sans craindre l’atterrissage et bondir d’un point à un autre sur des distances remarquables.

Se déplacer avec aisance et vivacité dépend néanmoins de votre attention face aux besoins physiologiques de votre personnage (il est par ailleurs possible de passer d’un membre de la communauté à un autre, rien n’est figé). Il vous faudra boire, manger, dormir suffisamment aussi. On découvre au travers de ces gestes simples un petit bout de gameplay qui ouvre sur la grande complexité du système de jeu d’Ancestors. Toutes les eaux ne se valent pas et s’abreuver là où elle stagne peut conduire à des troubles digestifs ou autres qui, s’ils sont récurrents, vont considérablement réduire la santé et l’espérance de vie de l’ancêtre. Il en va de même pour la nourriture qu’il va vous falloir apprendre à (re)connaitre, pour savoir quels sont les bons aliments, quels sont leurs bénéfices et les éventuels dangers auxquels ils vous exposent. Comme « en vrai », l’apprentissage par l’expérience est la clé de voûte de l’évolution et si vous parvenez par exemple à consommer suffisamment de champignons sans succomber -à chaque mal son remède si vous cherchez- le métabolisme s’adaptera pour faire en sorte que cet aliment ne représente plus un danger à l’avenir. On trouve aussi des éléments qui permettent de soigner certains types de blessures, d’autres qui permettent de mieux résister aux conditions climatiques changeantes : les êtres contrôlés sont sensibles à la pluie qui s’abat sur eux, au froid, à la chaleur trop intense.

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Ces premiers gestes se voient complétés au fil des heures, dans un jeu qui se plait à ne pas vous dire grand-chose. Vous apprendrez simplement comment créer des rapports mâles/femelles pour procréer, ou la façon dont vous pouvez fabriquer une paillasse pour dormir à l’aide de quelques feuillages. Puis le jeu se sert de la chute d’une météorite pour vous envoyer explorer peut-être un peu plus loin et apprendre encore un peu plus de choses. On ne va pas se mentir : pénétrer dans l’expérience Ancestors n’est pas chose aisée. Les informations comme les découvertes se multiplient rapidement et demandent beaucoup d’implication pour être digérées. Néanmoins, il naît rapidement le sentiment très particulier de jouer à quelque chose de véritablement unique en son genre, une expérience d’une singularité rarement observée sur Xbox One. Il se dégage un sens du détail qui témoigne d’un travail passionné. Prenez par exemple cette mécanique toute simple et pourtant riche de sens : il est possible lorsque l’on contrôle un adulte de porter sur son dos un enfant et de l’emmener aussi loin qu’on le souhaite dans nos pérégrinations. Toutes les actions entreprises alors seront assimilées par l’enfant, en vue d’enrichir l’évolution de l’espèce. A chaque fois que vous partirez seul, vous préserverez certes la sécurité des jeunes êtres (le campement principal ne subit pas d’incursions de prédateurs) mais le prix à payer sera peut-être l’absence de transmission d’un savoir durement acquis.

Le dilemme est réel et important dans ce jeu où chaque action compte. Les multiplier ouvre la voie à l’évolution, dans ce jeu qui s’étale de -10 à -2 millions d’années avant notre ère. L’évolution se constate d’abord par des petites choses, comme la possibilité d’utiliser rapidement ses deux mains pour passer un objet d’une à l’autre et surtout faire interagir le premier avec le second. Le jeu ne vous dira pas quoi faire mais c’est là aussi que se situe le plaisir de jouer à Ancestors : prendre une branche d’une main puis lui retirer ses repousses avec l’autre, avant d’utiliser une pierre pour en tailler le bout et se confectionner une arme de fortune fait partie des petites actions qui procurent de grandes satisfactions. On peut aussi utiliser simplement le bâton pour attraper du miel dans une ruche, ou pour faire levier et soulever une roche impossible à manipuler à mains nues. Toutes les actions, de la confection à la cueillette en passant par l’exploration et les interactions sociales avec nos congénères ouvrent la voie à de nouvelles connexions neuronales. Les points gagnés permettent ensuite de « fixer » certaines capacités et connaissances, avant d’entreprendre un saut dans le temps. Le jeu va alors procéder à un calcul du nombre d’années d’avance gagnées au regard de l’Histoire en fonction des bonnes actions entreprises. A l’inverse, le système applique un malus -brutal !- si l’on a perdu des membres de la communauté… Ce qui arrive souvent.

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Il faut savoir une chose avant de se lancer dans Ancestors qui est que non seulement il est très difficile à appréhender au travers de la multitude de choses possibles et qui ne sont -justement ou pas- que seulement esquissées voire pas expliquées du tout. Mais surtout, il se pose comme un jeu de survie extrêmement punitif, dans un monde impitoyable. Peut-être un peu trop ? Cela peut se discuter, notamment face aux prédateurs qui ont tendance à se multiplier comme des petits pains. Si au départ chaque rencontre mêle effroi et émerveillement lorsque se meut au loin un tigre énorme, un crocodile ou un serpent absolument gigantesque, on finit par être agacé par leur nombre et leur capacité surnaturelle à nous retrouver, où que l’on aille. Il est possible d’esquiver, voire tuer ces bêtes avec le bon outil en main, mais accrochez-vous bien car la manœuvre est loin d’être immédiatement assimilable. Les débuts du jeu promettent d’être très tendus dès lors que vous vous aventurez un peu loin, sachant qu’à partir d’un certain point votre personnage commencera à ressentir de la peur et vivra le même moment de terreur que le jeune humain au début du jeu. Moment qui se soldera par la maîtrise de l’inconnu si vous parvenez à trouver la lumière au bout du chemin, mais qui peut très bien conduire à la folie voire la mort du membre du groupe que vous contrôlez. Dès lors, imaginez un peu la tension qui règne lorsqu’il devient question de faire se déplacer toute la communauté d’un coup ou au moment où vous découvrirez que le saut dans le temps à fait évoluer vos hommes et femmes, mais aussi la zone !

Braver Ancestors : The Humankind Odyssey, c’est prendre le temps d’observer les environs, de se créer soi-même ses points de repère, de noter quelque part dans sa tête où se trouve tel aliment qui procure tel bienfait pour palier à un maximum de dangers. Au-delà de la difficulté intrinsèque du jeu, les contrariétés proviennent majoritairement de choix et de contraintes techniques/esthétiques, avec tout en haut de la pile un placement de la caméra bien trop proche du personnage. Le champ de vision est restreint et si l’on comprend la volonté de forcer le joueur à un maximum de prudence, on accepte moins que les prédateurs soient en revanche absouts de cette contrainte : ils semblent pouvoir vous remarquer quand ça leur chante. Le placement de la caméra et ses angles parfois hasardeux est aussi un problème lorsqu’il s’agit de sauter d’un arbre à un autre, on manque clairement de précision. Voilà un héritage très « Assassin’s Creed » dont on aurait aimé pouvoir se passer. A côté de ça, le titre est artistiquement intéressant mais techniquement imparfait, pour un rendu qui manque de netteté, de détails et que quelques effets visuels mal sentis viennent enfoncer (notamment lors d’un empoisonnement, l’horreur). Pas de quoi nuire à l’immersion cela dit et le framerate est de son côté relativement stable, mais un niveau général dans la moyenne, sans plus. D’un point de vu sonore c’est en revanche du tout bon, avec une multitude de sons venus de la nature qui s’entremêlent et s’entrechoquent, sur quelques pistes musicales parfaitement dans le ton d’une aventure pas comme les autres.

8/10
En sa qualité de jeu Xbox One qui veut se placer au plus près des racines de l’humanité, Ancestors : The Humankind Odyssey a pourtant tout d’un objet extraterrestre. C’est un titre qui emprunte parfois ici et là, un peu au passé de son créateur aussi, mais qui use surtout de créativité pour délivrer au final quelque chose qui est plus qu’un jeu, qui résonne comme le témoignage d’une réelle fascination pour un pan aussi riche que mystérieux de notre histoire. Il y a une volonté de placer le joueur dans un rôle d’apprenti humain, de lui faire ressentir l’exaltation qui naît de la réussite quand on est pourtant qu’un faible représentant d’une faible espèce vivante. On a beau avoir connu des expériences difficiles, voire punitives, rares sont celles qui placent à un niveau pareil le sentiment d’accomplissement. Cela étant, et si l’on peut concevoir de devoir fournir beaucoup d’efforts pour pouvoir apprécier une expérience comme Ancestors : The Humankind Odyssey, on regrette que les choses qui nous gênent le plus soient d’ordre technique ou de game design. On ne se sent jamais vraiment en pleine possession de nos ancêtres et si l’on veut bien accepter de se placer en proie, on aurait aimé pouvoir le faire dans les meilleures conditions possibles. Ce qui n’est pas tout à fait le cas ici. En résumé, Ancestors : The Humankind Odyssey est un jeu qui s’adresse aux passionnés, aux curieux, aux joueurs qui ont aussi du temps à consacrer à un apprentissage long et difficile des règles de la vie il y a 10 millions d’années. C’est difficile, c’est parfois un peu injuste mais il en ressort aussi de vrais beaux moments dont il serait dommage de se passer.

+

  • Un travail de passionné
  • Concept qui ne ressemble à aucun autre
  • Idée de l’apprentissage par l’expérience à tous les niveaux
  • Un vrai fournisseur de « il en faut peu pour être heureux »
  • Beaucoup de choses à voir, à faire, à découvrir
  • Système d’escalade à la Zelda
  • Bande-son au poil de primate

-

    • Caméra imparfaite
    • Graphiquement moyen, sans plus
    • Prédateurs un peu trop présents et puissants
    • Il faut vraiment, vraiment, s’investir