Jeux

Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth

Aventure | Edité par 2K Games | Développé par Bethesda Softworks

8/10
360 : 27 octobre 2005
14.11.2005 à 20h12 par

Test : Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth sur Xbox

Enfin, après cinq années de développement chaotique, le jeu Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth est enfin disponible dans toutes les bonnes crèmeries. HeadFirst, les concepteurs du jeu, ont-ils réussi leur pari : adapter fidèlement l'oeuvre de Lovecraft en jeu vidéo ? La réponse tout de suite.

Les personnes qui, comme moi, attendaient depuis les «années de l’age d’or des jeux d’aventure» une adaptation enfin fidèle de l’oeuvre de Lovecraft sur nos consoles vont enfin être récompensées de leur patience. Mais avant de disséquer la bête, effectuons un petit retour sur les adaptations de Lovecraft en jeu vidéo.

Yog-Sottoth

1989 : The Hound of Shadow sort sur les ordinateurs 16 bits de l’époque. Il s’agit du premier jeu entièrement basé sur un scénario directement inspiré du mythe de Cthulhu. Il s’agissait d’un jeu d’aventures textuel (comme The Pawn ou bien the Guild of Thieves, avec des images fixes pour représenter le lieu où l’on se trouvait), mais qui comptait de nombreux éléments du jeu de rôles Call of Cthulhu, comme déjà la création du personnage au début du jeu où l’on devait répartir des points dans de très nombreuses compétences différentes. Ensuite, il s’agissait de taper des actions à effectuer à l’aide de mots-clés. Au final, l’aventure était palpitante, et il s’agit là d’un des meilleurs jeux d’aventure de l’époque.

1992 : Un certain Frédéric Raynal sort un jeu qui va faire grand bruit dans le microcosme d’alors du jeu-vidéo. Un jeu dont la renommée va très vite franchir les frontières franco-françaises pour très vite devenir une référence à travers le monde : ce jeu, vous l’avez compris, c’est Alone in the Dark. Il ne s’agit rien de moins que le premier survival-horror de l’histoire. Bien avant Resident Evil et consorts. Pour l’époque, la réalisation est révolutionnaire, alliant des personnages et des objets en polygones sur des fonds en bitmap. Le jeu s’inspire des écrits de Lovecraft, et nombreuses sont les références au mythe de Cthulhu que l’on note tout au long de la progression dans ce passionnant jeu. Plusieurs suites seront développées suite au succès phénoménal du premier, mais aucun n’arrivera à la cheville de celui-ci. Espérons que le dernier en date prévu sur Xbox360 pour l’année prochaine revienne aux sources et nous fasse replonger avec bonheur dans les limbes de l’imagination de Lovecraft.

1993 : Profitant du succès de Alone in the Dark, Infogrames se dit : ‘Tiens, mais ils ont l’air d’aimer ça Lovecraft, si on leur faisait un jeu d’aventures ?’. Aussitôt dit, aussitôt fait. Shadow of the Comet est donc un jeu d’aventures, mais contrairement à The Hound of Shadow, ce n’est plus un jeu d’aventures textuel. La technique a évolué, et on parle alors de point n’ click, comme tous les jeux d’aventure de l’époque, et notamment les cultissimes Lucasart, comme Day of the Tentacle. Au final, Shadow of the Comet s’avère être une excellente aventure, avec un scénario très Cthuluien, et pour lequel la technique un peu dépassée du jeu se fait très vite oubliée pour qui prend le temps de se plonger dans l’aventure.

1995 : Infogrames récidive. Après Shadow of the Comet, et possédant toujours la licence de tous les produits estampillés Lovecraft, il nous sort deux ans plus tard Prisoner of Ice. Il s’agit toujours d’un point n’ click, mais cette fois-ci le jeu sort sur CD et est accompagné de superbes cinématiques qui ne font que nous immerger un peu plus dans un scénario toujours aussi bien pensé. Un excellent jeu d’aventures.

Et après me direz-vous ? Et bien après plus rien. Ou plutôt plus rien concernant les adaptations fidèles de Lovecraft. Alors certes, Resident Evil peu de temps après, mais le scénario n’aura alors plus rien à voir avec le mythe. Il y aura bien également Silent Hill, dont on peut dire que l’ambiance se rapproche beaucoup de certains écrits de Lovecraft, avec un bestiaire très inspiré des créatures ‘innommables’ décrites par l’auteur. D’autres survival-horror sortiront alors, mais les scénarios n’auront strictement plus rien à voir, plus près des légendes de fantômes avec des titres comme Project Zero ou Forbidden Siren.

Shub-Niggurath

Et c’est alors que les petits gars de HeadFirst vont intervenir. En 2000, ils récupèrent la licence officielle de Chaosium qui détient tous les droits sur le mythe de Cthulhu. Et là ils se décident à faire un jeu d’horreur basé sur le mythe, qui serait une combinaison d’aventure et d’éléments d’action. La tache est immense et le projet est censé sortir fin 2001 sur PC. Oui mais voilà, les voies des développeurs sont impénétrables, et il faudra attendre 4 ans de plus pour voir leur petit rejeton sortir, non plus sur PC mais sur Xbox pour notre plus grand bonheur (qui sait, peut-être ont-ils disparu de notre dimension pour être conseillé par les Grands Anciens eux-mêmes ?).

Mais aujourd’hui, le jeu existe bien, je le tiens dans mes mains. Et la première chose à noter est la grande réussite de la jaquette qui est vraiment un modèle du genre. Elle représente un profond très stylisé du plus bel effet. Ayant à peine eu le temps d’arracher le plastique protecteur, je me dépêche d’enfourner la galette dans la console, je branche l’ampli et j’éteins la lumière. Il est déjà 23h, et un monde d’horreur vient de s’ouvrir à moi. L’histoire reprend la trame générale de la nouvelle intitulée ‘Le cauchemar d’Innsmouth’, une des plus connues de l’auteur, qui narre comment le héros va découvrir l’existence d’un culte secret dans une ville entièrement repliée sur elle-même. Cette nouvelle fera d’ailleurs l’objet d’une adaptation cinéma assez réussie sous le nom de ‘Dagon’, et réalisée par un des maîtres du genre, Stuart Gordon. Dans le jeu, vous jouez le rôle d’un détective privé, et alors que la partie débute,vous accompagnez un inspecteur avec une équipe de policiers à ses côtés pour essayer de déloger une bande de fanatiques qui se sont réfugiés et barricadés dans une maison. Là déjà, le décor est bien planté, et l’ambiance est bien présente. A peine rentré dans la maison, et sans trop en dévoiler, des graphismes vieillis exprès pour ressembler à un vieux film et une bande son délicieusement stressante vous immergent dans l’histoire. Tout est fait pour accentuer encore cette immersion, avec notamment l’absence complète à l’écran d’indications, que ce soit votre état de santé ou quoi que ce soit d’autre. Il n’y a rien d’autre que le jeu à travers la vue du héros, probablement une première d’ailleurs dans le monde du jeu vidéo avec représentation graphique à la ‘FPS’. Pour en finir avec l’histoire, sachez juste que la première scène dans cette maison ne dure pas plus de 15 à 20 minutes, et celle-ci terminée, la suite du jeu se déroule … 7 ans plus tard. La suite du jeu sera justement une recherche de ces années perdues, en réalité de ce qu’a fait le héros durant tout ce temps. A ce sujet, il sera victime de nombreux flashbacks tout au long du jeu, qui vous en apprendront plus sur son passé. Les amoureux de Lovecraft et les connaisseurs du mythe de Cthlulhu seront aux anges tant les références sont nombreuses dans le jeu. Tout y est très fidèle, et c’est un plaisir d’arpenter les rues d’Innsmouth qui seront très familières à ceux qui ont déjà lu la nouvelle.

Nyarlathotep

Toute la première partie du jeu sera une enquête dans la ville d’InnSmouth. Vous devrez enquêter sur la disparition d’une personne dans la ville. Vous vous rendrez très vite compte que vous êtes le malvenu ici, et il faudra faire preuve de malice et de débrouillardise pour obtenir des informations. Au bout de quelques heures, un évènement surviendra qui fera de vous une personne non grata à Innsmouth. Il s’agit sans doute du meilleur passage du jeu, et sans doute d’un des meilleurs moments vidéoludiques de ces dernières années. Vous serez le gibier, et toute la ville voudra votre peau, Sachant que vous n’aurez que vos jambes pour vous sauver, ne possédant à aucun moment d’armes pour vous défendre. Un très grand moment qui mérite à lui seul l’achat de ce jeu, même pour les personnes ne connaissant pas la nouvelle. Pour la dernière partie du jeu, vous disposerez d’une arme, enfin de plusieurs armes, qui vous permettront de vous défendre un peu mieux. Et je citerai d’ailleurs ici ce qui est le défaut majeur du jeu, à savoir sa jouabilité, notamment pour les phases de FPS. Alors certes ce n’est pas insurmontable, mais je comprends très bien que cela puisse en décourager certains, rendant le jeu artificiellement difficile. Mais avec du courage et de la persévérance, on arrive sans problème à progresser, et on ne se retrouve jamais vraiment coincer. A noter aussi certains bugs de collision avec des ennemis qui dépassent parfois des portes, mais rien de très grave. Votre santé est gérée via un menu qui représente toutes les parties de votre corps, et gère donc les blessures de façon localisée. Vous devrez donc vous soigner au fur et à mesure que vous serez blessé, sans quoi vous ferez vite une hémorragie et la mort viendra très vite vous happer. Et avec ce système de santé, on attaque ce qui est sans doute la plus grande réussite du jeu, à savoir la perception du monde extérieur. C’est bien simple : VOUS êtes Jack Walters, le héros. Ainsi, une blessure à l’oeil et votre vision s’en trouvera troublée. Trop de monde, vous prenez peur et le pouls s’emballe, ce que l’on ressent à travers la manette. De la même manière, à un moment, vous devrez franchir des poutres avec le vide en dessous. Le héros ayant le vertige, votre vision sera troublée et vous verrez double. Vous devrez alors regarder un point fixe en regardant le plafond par exemple pour vous calmer et retrouver une vue à peu près nette. De la même manière il y a un indicateur de votre santé mentale, et vous pouvez très vite avoir des angoisses si vous voyez trop de choses ‘innommables’. Toute cette perception permet d’avoir des sensations de jeu inédites, et un gameplay rafraîchissant même s’il est un peu rigide à travers les commandes du héros.


Inutile d'en rajouter sur ce jeu, la meilleure façon de l'apprécier étant de le découvrir par soi-même, seul, dans le noir, avec un bon casque sur les oreilles. C'est une expérience de jeu unique, qui va beaucoup plus loin dans l'immersion du joueur que nombre de jeux de ce type comme Silent Hill ou Resident Evil, pour citer les plus connus auxquels ils seront forcément comparés. Rajoutez à cela un scénario en béton et une durée de vie assez importante pour un jeu de ce type, et vous obtenez un excellent jeu qui plaira à tous les joueurs avides de sensations fortes, d'expériences nouvelles, et qui n'ont pas froid aux yeux (pour rappel, le jeu est interdit aux moins de 18 ans).

+

  • Excellent scénario tiré du 'Cauchemar d'Innsmouth' de Lovecraft
  • Bande son très immersive qui met bien dans l'ambiance.
  • Durée de vie très longue
  • Gameplay novateur

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    • 15/20
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    • Pas forcément toujours au top, mais indéniablement racé et instaurant une ambiance unique.
    • Laisse à désirer pour les phases de FPS, mais mérite qu'on s'accroche.
    • Très longue. Il y a, de plus, divers niveaux de difficulté que vous pouvez débloquer une fois le jeu terminé.
    • Tout bonnement excellente, participe à l'immersion dans le jeu.
    • Tiré du 'Cauchemar d'Innsmouth' de Lovecraft, rien à ajouter ...
    • Un très bon jeu de Rôles/Aventures/Action/Survival, qui grâce à un gameplay renouvelant les codes du genre et innovant sur beaucoup de points, constitue un premier essai très réussi. Pour les fans de Lovecraft, vous pouvez rajouter 3 points à la note.
    • 14/20
    • Certes très loin des meilleures FPS sur Xbox, mais ce n'est pas de là que le jeu tire son intérêt.
    • Jouabilité un peu raide en mode FPS.