Jeux

Fable

RPG | Edité par Microsoft Studios | Développé par Big Blue Box

8/10
360 : 08 octobre 2004
05.10.2004 à 09h13 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Fable sur Xbox

Jouer à Fable, c’est un peu comme arriver pour la première fois de sa vie à Tokyo, déflorer sa première compagne, réussir son Bac, ou encore en terminer avec une constipation carabinée. On ne peut s’empêcher de dire « ça y est, j’y suis ». Bref, beaucoup d’attente, de fantasmes, d’espoirs, et ce sentiment d’accomplissement enivrant. Mais passée l’euphorie de la première fois, la joie laisse généralement place à davantage de réflexion, et on relativise. Evidemment, après autant d’attente, Fable ne peut échapper à un sentiment de déception, c’est évident. La question qu’on se pose surtout, c’est de savoir si le jeu terminé justifie l’attente qu’il a suscitée. Mais pour le moment, planons encore un peu, et…

Imaginez… un funeste dessein

Vous sortez d’une lumière bleutée, votre corps vient de se rematérialiser près de la comté paisible d’Oakvale. Votre robe sombre prend les reflets mordorés du soleil couchant et s’accorde parfaitement avec les nombreux coquelicots qui poussent sur les chemins. Des oiseaux pépient dans les arbres avant de se coucher, ils chantent vos louanges car eux, contrairement aux villageois, n’ont pas entendu parler de vos sinistres exploits. La poule qui caquette près du pont non plus, n’ayant pas prêté attention aux rumeurs parlant d’un nécromant sanguinaire et impitoyable… Les habitants s’enfuient à votre approche, lâchent ce qu’ils tenaient dans leurs mains, et courent se calfeutrer chez eux. Il est vrai que même ceux qui n’auraient pas eu vent de votre ignominie prennent peur à votre seule vue. Car vous avez les yeux écarlates et les feux de l’enfer s’accrochent à vos cheveux. « Mange ta soupe, sinon le Grand Pervers va venir ! », « Au secours, l’Ogre flatulent arrive, cachez vous ! » sont des phrases que vous appréciez, finalement…

Mais vous êtes dans un bon jour et leur attitude méprisante vous fait sourire. Quel dommage qu’un garde mal embouché vous réclame cent pièces d’or pour un simple livre « emprunté » dans l’armoire d’un villageois. Pas question de payer, et vous ne supportez guère que ce milicien lève son arme contre vous. Mais les hurlements qu’il crie pendant qu’il grille sous vos éclairs en ramènent d’autres. Vous décidez donc « équitablement » de raser le village. Vous avez une réputation à préserver, même plus, à défendre ! Il ne restera que des ruines. A grand renforts de flamme et de drain de vie, vous ne laissez ni garde, ni femme, ni enfant en vie. Vous en avez vu d’autres, plus proches de vous, vous implorant à genoux et votre bras n’a jamais tremblé… alors ces manants… Vous lancez un rire blafard de triomphe que personne n’entendra.Vous serez encore plus laid et repoussant, et encore plus rejeté dans les autres villages. Vous vous vengerez de plus belle. Votre destin est un fleuve de haine et de sang ! Quelle vile délectation !

Imaginez… une idylle héroïque

Vous êtes nimbé d’une lumière rougeâtre, votre corps vient de se remettre des tortures infligées par des gardes sans scrupules. Vous croupissez dans des geôles moisies près du comté paisible de Bowerstone. Votre peau usée et vos cheveux couleur pureté prennent les reflets blanchâtres de la lune qui visite à peine votre cellule, et s’accordent parfaitement avec les nombreux squelettes qui jonchent le sol alentour. Les soudards qui vous tiennent à l’œil n’ont que faire de votre renommée, ils prennent même plaisir à vous humilier davantage. Vous qui avez défendu la veuve et l’orphelin, avez rendu les chemins sûrs et sécurisants. Vous qu’on acclame partout où vous faites irruption, qu’on donne comme exemple aux petits enfants pour qu’ils soient sages. Vous dont les femmes rêvent la nuit, vous l’homme aux innombrables maîtresses et aux multiples garçonnières. Vous l’étalon à la verge de centaure et à l’endurance siffrédique. Vous le héros des héros, n’êtes plus qu’un jouet abîmé, une loque famélique à la barbe crasseuse…Heureusement, vous gardez l’espoir de sortir un jour et alors… ils connaîtront tous le souffle putride de votre haine et de votre vengeance ! Mais, que se passe t-il ? Voilà que vous rêvez de meurtre sur des gardes peu malins qui n’ont pas le choix de leur travail. Serez-vous assez fort pour rester droit et pur, et ne pas tâcher votre réputation du sang des bourreaux ? Le prix du Bien comme du Mal se paye très cher dans Fable, les grands destins s’écrivent avec un encrier de larme et de courage. Commencez-vous à comprendre ce qu’est être un véritable Héros ? En avez vous le cran ?

Découvrez… un monde magnifique

Jouer à Fable, en plus de vivre sa propre expérience et de s’essayer à tous ces petits détails qui rendent le monde d’Albion si vivant, procure un émerveillement total face à la réalisation magnifique du jeu. Très sincèrement, j’ai rarement vu aussi beau (au sens artistique du terme). Les décors sont à tomber à la renverse, l’architecture des bâtiments est extrêmement complexe (il n’y a quasiment aucune ligne droite, tout est en courbes), la modélisation des personnage est ahurissante de finesse et les textures sont globalement très belles. Toutes les ombres sont dynamiques, les animations des personnages et des monstres superbement vivantes, les cieux colorent délicieusement chaque endroit, et un léger effet de flou rend l’univers à la fois magique et éthéré. En plus de cela, l’ambiance sonore est elle aussi absolument somptueuse. Qu’il s’agisse des musiques enchanteresses (toutes dans le ton du travail de Dany Elfman, qui a composé la musique d’introduction), des dialogues parfaitement doublés et écrits, ou encore des bruitages de vos sorts et armes très convaincants, l’ambiance de Fable est l’une des plus réussies de l’histoire du jeu vidéo, rien de moins. Même après avoir terminé l’aventure, on reste pantois devant le travail des artistes de Big Blue Box et Lionhead, tellement le niveau atteint impose le respect. Et finalement le seul bémol que l’on retiendra dans ce tableau idyllique, ce seront les quelques ralentissements qui parsèment le jeu (pas très fréquents mais assez présents dans les grands villages). A côté de ça on fait quelques loopings au septième ciel vidéoludique, planant dans un univers d’une cohérence rare, témoignant que toutes ces années de développement sur Xbox n’ont pas servi à rien.

Devenez… ce que vous jouez

Comme tout RPG, Fable propose une personnalisation de son personnage assez poussée. Vous avez à votre disposition plusieurs magies (éclairs, furie, ralentissement du temps etc), avez le choix entre plusieurs armes que vous pouvez améliorer à l’aide de runes, et pouvez décider de votre look. Là où Fable va un peu plus loin, c’est évidemment dans l’impact qu’aura chacun de vos choix d’évolution sur votre renommée et sur l’image que vous véhiculerez. Ainsi, vos actes, votre look, vos techniques de combat et même votre langage conditionneront votre image, et il vous faudra faire attention àchacun de vos choix pour ne pas rompre l’équilibre que vous souhaitez atteindre. A côté de cela, le système d’évolution est quant à lui très classique, puisque vous obtenez des points d’expérience lors de vos différents combats que vous pourrez distribuer selon vos envies à la Guilde, l’endroit où vous vous entraînez. Mais surtout, Fable s’avère extrêmement trippant de par l’influence que tous vos actes ont sur votre look. Par exemple un héros bon aura les cheveux d’un blanc pur auréolés de signes bienfaiteurs, alors qu’un joueur plus sadique finira avec de belles cornes bien stylées. On s’amuse à choisir ses fringues selon ses envies, on décide de sa coupe de cheveux et de sa barbe (à noter que la mode est au chauve à Albion… on sent que ce sont les frères Carter qui sont à la tête du projet), et les tatouages seront de précieux atouts pour dissuader vos adversaires ou charmer vos prétendantes.Entre cela et une multitude d’autres petits détails, Fable parvient à donner le sentiment que son héros est bien unique, et motive même à refaire le jeu pour explorer d’autres aspects.

Déchantez… vous n’êtes pas face à ce que vous croyez

Après quelques heures de jeu sur Fable, j’étais tenté de crier au génie, d’aller en Angleterre lécher les pieds des frères Carter, et de renommer Xbox Mag « Fable Mag ». Seulement voilà, au bout d’une dizaine d’heures je suis retombé sur mes pieds, et la magie de Fable s’est quelque peu ternie à mes yeux. Non pas, comme le pensent certains j’en suis sûr, que j’aie été déçu de ne pas trouver tous les petits détails passés à la trappe dont nous abreuvaient les développeurs depuis des années. Personnellement je trouve que Fable remplit déjà admirablement son contrat en ce qui concerne la richesse des possibilités offertes et des petits délires trippants, et je me contrefous de ne pas pouvoir décapiter un enfant ou de me battre avec une poêle à frire. Le concept prédominant de renommée est vraiment intéressant et le choix de devenir qui l’on veut très bien ficelé (rien que le fait d’être bon ou mauvais est beaucoup plus profond que dans Kotor). Non, ce qui m’a gêné, c’est que ma légère déception de la dizaine d’heures de jeu s’est vue confirmée par la suite, et surtout par la fin. D’un, Fable est très court. En prenant votre temps pour bien faire les quêtes et développer votre personnage, comptez 15 heures environ, ce qui en fait l’un des jeux du genre les plus courts jamais joués. Certes c’est déjà pas mal, et finalement puisque le concept du jeu est également basé sur la rejouabilité, ce n’est pas forcément un problème très pénalisant. D’autant plus que tout le monde n’a pas le temps de passer 50 heures sur un jeu, moi le premier. Seulement voilà, une fois l’aventure terminée, je ne peux qu’être frappé de la pauvreté de celle-ci. Je ne dirais pas que le scénario est mauvais, il est juste très classique et complètement prévisible, ce qui à mes yeux est déjà une jolie déception. Surtout que la fin est d’une pauvreté incroyable pour un jeu si important en développement depuis si longtemps, laissant au joueur un goût d’inachevé désagréable. Par ailleurs, Fable est un jeu d’une linéarité assez déconcertante pour son concept. Oui vous avez des quêtes annexes qui permettent de varier les plaisirs, et globalement on est libre d’aller où l’on veut. Mais malgré cela on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression d’évoluer dans une sorte de couloir scénaristique, et ce ne sont pas les quelques à côtés comme louer une maison, se saouler la gueule au troquet ou se marierdes trouzaines de fois qui donnent de la consistance à l’aventure. En fait, on a l’impression que tous ces petits détails n’étaient là que pour donner l’illusion de monde évolutif, mais au bout du compte j’ai trouvé que le subterfuge ne fonctionnait plus, et je me suis retrouvé face à un jeu au final très classique déguisé en jeu novateur. Enfin, je trouve simplement inadmissible qu’après 4 ans de développement il n’y ait aucune (et j’ai bien dit aucune) différence de scénario selon qu’on soit bon ou méchant (je parle de l’aventure principale). Très sincèrement j’aimerais que l’on m’explique l’intérêt d’être bon ou méchant si ça n’a pas d’influence sur l’histoire elle-même. Sans compter que l’aventure est d’une perturbante facilité, les combats deviennent très vite déséquilibrés entre vous et vos super pouvoirs et des ennemis amorphes et bourrins, et à moins d’être une quille finie elle ne devrait vous poser aucune difficulté particulière.

Résultat, une fois le jeu fini j’ai eu la désagréable sensation d’avoir été un peu trompé sur la marchandise. Oui Fable est super beau, oui il est très agréable à jouer, oui j’ai passé un très bon moment en sa compagnie. Mais qu’on m’explique pourquoi avec des gens qui se prenaient tant la tête niveau brainstorming, Fable passe un peu à côté de l’essentiel : nous conter une histoire prenante, motivante, et surtout en phase avec le concept du jeu. Parce qu’au final, on se retrouve à avancer pour choper des statistiques, et le plaisir d’être bon ou mauvais n’est qu’éphémère. Il semble que ce choix ait été considéré comme une fin en soi, et là ça coince immanquablement, car Fable n’est pas vraiment à la hauteur de ce qu’il aurait pu (dû) être. Pas mal de quêtes manquent de profondeur, ou encore le fait d’être un mage bienfaiteur ou un bandit ténébreux n’a d’influence que sur certaines capacités (bref, que des choses qui ont trait au personnage et non pas à l’aventure elle même). Tout au plus on trouve quelques, et je dis bien quelques, mini quêtes accessibles uniquement si l’on est gentil ou méchant, mais rien de bien transcendant non plus. Et là, pour un jeu qui parie sur sa rejouabilité, y’a un souci, car on a très tôt la sensation d’avoir fait le tour de ce qu’il y avait à découvrir.

Alors, bon ou mauvais, qui sera-t-il ?

Je sens que certains ont déjà explosé de colère à la lecture du paragraphe précédent, que d’autres se disent «j’vous l’avais bien dit », et qu’au final mon propos n’est pas éclairci. Oui Fable est un bon jeu, un très bon même. Entre sa réalisation fantastique, son ambiance unique et ses innovations bien pensées, il reste un excellent titre et est très au dessus de la majorité des productions du genre. On peut même dire qu’il apporte sa pierre à l’édifice et que le travail des frangins aura certainement une influence sur les futurs jeux de rôle. Seulement, et au-delà des promesses non tenues (j’insiste sur le au-delà), il manque quelque chose à l’aventure, une profondeur qui ne vient jamais et dont l’éventualité s’efface avec une fin aussi décevante qu’abrupte. La Fable n’est elle-même pas passionnante, et renvoie l’aventure à une simple course aux statistiques pour choisir son camp. Rien de bien scandaleux pour le genre rétorqueront certains. Peut être, mais à défaut d’être révolutionnaire et parfait, Fable semblait être un jeu ambitieux. Or si sur la forme l’essai est indéniablement et brillamment transformé, conférant au titre une âme riche et particulière, le fond lui concrétise faussement ses ambitions et retombe finalement dans un classicisme que l’idée de départ souhaitait éviter. Fable reste donc un excellent jeu, comparable sans peine aux canons du genre, et il serait vraiment très dommage de passer à côté. Mais je ne peux m’empêcher de me demander où sont passées toutes ces années de développement et toutes ces ressources engagées lorsque je vois le manque de profondeur de la fable elle-même.

Test réalisé sur une version import US par Shann et Mr Tchang. Nous ferons une petite update dans la semaine pour vous parler des doublages de la VF.

Longtemps fantasmé, Fable divisera. Certains lui pardonneront son manque d’ambition dans son aventure en ne le considérant « que » comme action RPG super beau et bien fait, d’autres regretteront ce manque et ne pourront s’empêcher un soupçon d’amertume. Ceci étant tout le monde y jouera très certainement avec beaucoup de plaisir, car Fable est un très bon jeu, à classer parmi les stars de sa catégorie. Toutes ces années de développement n’auront peut être pas permis de faire le jeu profond et révolutionnaire ambitionné, mais au moins on se retrouve face à un jeu de grande classe, à la réalisation épatante et au charme indéniable. Qu’on soit captivé ou bien déçu, Fable reste donc un incontournable sur Xbox, et malgré ma déception je ne peux que vous conseiller de vous y plonger.

+

  • Réalisation enchanteresse
  • Un univers prenant
  • On passe toujours un moment agréable en jouant

-

    • Un jeu absolument magnifique, aussi bien techniquement qu’artistiquement. Une grande performance qui met la Xbox à l’honneur comme rarement.
    • Globalement très bonne, mais la garde est mal placée dans les combats et on a tendance à s’emmêler les pinceaux les premières heures. On regrette l’impossibilité de regarder vers le haut ou le bas quand on veut contempler.
    • Dépend de votre envie de refaire l’aventure. Comptez 15 heures pour faire la plupart des quêtes en prenant votre temps, peut être la moitié si vous tracez uniquement sur la principale. On regrette la trop grande facilité qui ruine un peu le challenge.
    • Musiques sublimes, bruitages somptueux, doublages parfaits. Un sans faute total qui laisse admiratif.
    • Trop court, trop prévisible, trop peu étoffé. C’est le gros point faible de Fable, d’autant plus que l’aventure principale est totalement linéaire et indépendante de vos choix. Ca pourrait passer pour un jeu lambda, mais pas pour Fable.
    • Fable est un très bon jeu dans son genre, à classer parmi les stars de la catégorie. Mais en même temps le manque de profondeur et d'évolutivité de l’aventure fait tâche, et l’empêche d’en faire LE jeu culte espéré…
    • Les animations des personnages sont superbes, cependant on note des ralentissements dans les grands espaces et certains combats suchargés.
    • Un concept largement sous exploité
    • Scénario pas du tout à la hauteur