Jeux

Fahrenheit

Survival Horror | Edité par Atari | Développé par Quantic Dream

8/10
360 : 14 septembre 2005
30.09.2005 à 22h33 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Fahrenheit sur Xbox

A l'heure où nous publions ce test, Fahrenheit se vend comme des petits pains partout en Europe. Preuve que le grand public, parfois décrié par les hardcore gamers, peut être réceptif aux jeux originaux. Original, c'est en effet le mot idéal pour parler de Fahrenheit, création peu conventionnelle et réellement prenante qui s'impose comme l'un des titres marquants de cette fin d'année. Vous laisserez-vous tenter par le jeu qui fait dangereusement baisser le mercure ?

Un scénario qui joue les premiers rôles

Fahrenheit, c’est d’abord un scénario. Vous allez suivre l’histoire de Lucas Kane, un responsable informatique à l’existence anonyme qui va se retrouver embarqué dans une sombre affaire de meurtre. Sa vie va basculer un soir d’hiver, dans un petit restaurant new-yorkais, où il va entrer en transe et poignarder par trois fois un autre client. Persuadé que la police ne croira jamais qu’il n’était pas maître de lui lors de l’homicide, il s’enfuit et décide de découvrir seul ce qui l’a contraint à tuer.

Ainsi débute le scénario du soft de Quantic Dream, extrêmement bien ficelé dans sa majeure partie. Le sulfureux David Cage, son concepteur, voulait avant tout redonner une substance à l’histoire, injecter de la matière, de l’âme dans son jeu, et c’est réussi. On se retrouve avec un jeu adulte, au ton résolument mature, et ça fait du bien. Les personnages sont fouillés et attachants, les doublages (disponibles en de nombreuses langues et sous-titres, ce qui est suffisamment rare pour être noté) excellents et les musiques superbes, entre de grandes et graves mélodies orchestrales signées Angelo Badalamenti et des thèmes rock, pop ou funk très bien sentis.

On note des références appuyées au septième art ainsi qu’à certaines séries télé, que ce soit dans la technique (prises de vues, décomptes et écran divisé à la "24") ou dans les situations (flashbacks, visions, scènes inspirées de monuments tels que "Le silence des agneaux" ou "Matrix").

Pendant les deux premiers tiers du jeu, on est totalement conquis et impliqué dans l’aventure, réellement passionnante. Cependant, lors des derniers chapitres, on déchante un peu, puisque peut-être à trop vouloir faire dans le spectaculaire, le scénario perd en crédibilité, parfois à la limite de la cohérence, et met de côté son parfum secret et intimiste du début. Dommage, car l’histoire étant le centre de Fahrenheit, on reste sur sa faim, avec la sensation que pas mal d’éléments sont de trop.

"Avez-vous déjà joué à un jeu vidéo Mrs Morrisson ?"

D’aucuns pourraient croire que mettre le scénario en avant serait préjudiciable au gameplay. La réalité est plus nuancée, même s’il est évident que dans Fahrenheit, on est moins actif que dans la plupart des productions actuelles. Généralement, les phases de jeu vous font contrôler au stick gauche votre personnage, lequel peut interagir avec son environnement lors d’actions contextuelles, toujours commandées via le stick droit. Dès que vous faites agir votre avatar, une petite séquence se lance, montrant l’action réalisée. Il arrive que vous deviez combiner des objets entre eux, que vous ayez à accompagner analogiquement l’action ou qu’un temps limité vous oblige à agir rapidement, sous la pression d’une scène se dévoilant à vous par le biais d’une division d’écran. Vous êtes aussi confronté à des dialogues, relativement nombreux, qui ne sont pas synonymes d’oisiveté puisque c’est à vous de choisir dans quel sens orienter la conversation, en choisissant les sujets que vous voulez aborder dans un laps de temps limité.

De cette manière, Fahrenheit allie habilement l’inaction adoptée devant une cinématique classique et l’action du jeu en lui-même. Si le procédé ne nuit pas à l’immersion (on reste captivé par l’histoire), force est de constater qu’on a déjà vu plus ergonomique : les contrôles sont approximatifs, surtout lors des changements de caméra ou lorsqu’il s’agit de placer précisément son personnage quelque part.

Fort heureusement, certaines scènes n’adoptent pas le même système de commande. En effet, entre deux phases telles que décrites ci-dessus, des séquences demandant davantage d’implication "physique" vous sont proposées. Basées sur des séries de commandes à activer dans l’ordre, elles s’inspirent des quick time events datant de la belle époque de Shenmue. Vous avez soit à incliner vos sticks dans les directions indiquées en couleur à l’écran, soit à appuyer alternativement et rapidement sur les gâchettes, votre manipulation allant toujours dans le sens de l’action (si votre personnage doit sauter en l’air, vous terminez avec les sticks vers le haut, s’il doit faire un effort physique, vous devez vous crever à enfoncer les gâchettes pendant qu’il l’accomplira). Constituant le côté le plus difficile du jeu, ces phases sont loin d’être insurmontables mais requièrent une concentration accrue. Il ne faut pas s’étonner d’avoir à les recommencer plusieurs fois avant d’en venir à bout. Petit bémol : il arrive qu’on ait du mal à sortir les combinaisons demandées et à profiter dans le même temps des combats ou poursuites sur lesquelles on agit, d’autant que ça dure parfois un peu trop longtemps.

En avançant dans le jeu, on se rend compte que le gameplay ne s’arrête pas à ces deux systèmes, certes très majoritaires, mais pas totalement isolés. On trouve quelques moments originaux, comme du déplacement et du tir en vue subjective ou encore une reconstitution de portrait-robot. On aurait aimé les voir plus nombreux.

Dernier aspect important à citer : la jauge de mental. Dans la plupart des niveaux du jeu, vous serez confronté à une interactivité très poussée, vous permettant d’exécuter des dizaines d’actions différentes. Parmi elles, plusieurs agiront sur votre état mental, le dégradant ou l’améliorant. Une barre vous indique constamment où vous en êtes. A dire vrai, on a du mal à voir sa réelle influence, si ce n’est que, dans les très rares cas où celle-ci diminue au maximum, un game over vous renvoie à la précédente sauvegarde. Bonne idée au départ donc, mais peu exploitée.

Tous ces systèmes de jeu prennent place dans l’histoire, où, vous annonce-t-on partout en grande pompe, "chaque action a une conséquence". N’allez pas imaginer une histoire qui pourrait emprunter des dizaines de chemins différents en fonction de vos actes. Non, la trame principale reste la même. Toutefois, ce que vous ferez, direz ou raterez pourra changer certains éléments, vous donner accès à des séquences différentes, en un mot : modifier non pas le fond, mais la forme de l’aventure. Mine de rien, en rejouant, on s’amuse à découvrir ce qui serait arrivé si on avait fait un choix différent la première fois, et la richesse du jeu en ressort grandie.

New York sous la neige…

Côté technique, pas de surprise : Fahrenheit assure le minimum syndical, avec des graphismes tout juste dans la moyenne. Il faut tout de même signaler quelques très bonnes choses comme l’animation des visages, qui elle dépote carrément, à tel point qu’on peut compter sur les doigts d’une main les softs qui font mieux actuellement. Pour les niveaux, c’est moins glorieux. Bien qu’au fond, l’immersion ne s’en trouve pas beaucoup affectée, on se dit que le jeu aurait franchement gagné à être plus beau, ne serait-ce qu’au niveau des textures appliquées. L’inégalité règne, vous l’aurez compris, et ce jusque dans les animations. Parfois excellentes (regardez Tyler marcher), parfois moins bonnes (dans certaines scènes de quick time events notamment), elles ne brillent pas par leur régularité. L’impression qui domine, c’est que Quantic pourrait vraiment faire des jeux magnifiques moyennant (et là on ne sait pas vraiment ce qui manque) plus de temps, de moyens ou d’implication. On peut d’ores et déjà imaginer ce que donnera un Omikron 2 Next-Gen s’il est préparé avec soin en bavant de façon abondante et irrépressible (pas trop quand même, sinon ça pète le clavier).

Oui, Fahrenheit est LA création originale de cette fin d'année. Non, Fahrenheit n'est pas LE jeu du siècle, qui surpasserait tous les autres de par son inventivité et sa simplicité. Trop de lacunes viennent entacher le tableau pourtant dans l'ensemble flatteur du jeu de Quantic, et pas seulement du côté technique. En effet, on ne peut s'empêcher de constater que Fahrenheit ne rend pas la copie parfaite sur ce qui devait être ses points forts : un gameplay innovant et un scénario remis au premier plan. Il serait trop sévère de dire que le pari de David Cage est manqué, surtout quand on voit le succès que rencontre son jeu. Non, on dira qu'il n'est rempli qu'à moitié, et que Fahrenheit constitue une rampe de lancement idéale pour de futurs titres encore plus aboutis. La nouvelle génération de consoles nous les apportera, qui sait, peut-être dès Fahrenheit 2.

+

  • Le début du scénario
  • La mise en scène
  • Une bande-son superbe
  • Un peu d'originalité dans un monde de brutes

-

    • De qualité suffisante pour qu'on ne soit pas gêné, ils restent moyens. C'est mieux au niveau des personnages.
    • Très simple à prendre en main, le jeu n'est pas très difficile. Certaines imprécisions demeurent, notamment au niveau des déplacements/changements de caméras.
    • Jeu très court (comptez moins de 10 heures pour le finir), disposant toutefois d'une rejouabilité tout à fait bonne, Fahrenheit vous propose plusieurs fins et des bonus sympas.
    • Superbe, appropriée, éclectique. Une des toutes meilleures sur Xbox, tout simplement.
    • Il aurait valu plusieurs points en plus sans une fin légèrement décevante. Dommage, car on a rarement vu aussi captivant que le début.
    • Pas une révolution, mais un jeu à essayer absolument, pour sa différence sur un marché de plus en plus stéréotypé.
    • Du très beau travail sur les personnages, visages et corps. Peu de ralentissements, temps de chargements courts. C'est pas mal !
    • La durée de vie
    • Un aspect visuel parfois limite
    • La fin du scénario
    • Beaucoup d'idées... Pas toujours bien exploitées !