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Splinter Cell : Double Agent Xbox 360

Infiltration | Edité par Ubisoft | Développé par Ubisoft

8/10
360 : 19 octobre 2006
30.10.2006 à 17h12 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Splinter Cell : Double Agent Xbox 360 sur Xbox 360

Colérique, violent, désabusé, telles sont les dénominations qui qualifient désormais un agent en proie aux doutes et que nous découvrons, pour la première fois, profondément humain. Quel homme, en ce bas monde, ne s’est pourtant jamais retrouvé en phase de questionnement personnel suite à un drame. Toutefois, le doute n’étant pas forcément sans profit et vu que « ce qui ne tue pas rend plus fort » comme le soulignera, à juste titre, le colonel Irving Lambert en ce début d’épisode, Sam Fisher saura trouver en lui cette force indéfectible qui nous pousse à accepter ce que la raison même aurait auparavant éloigné de nos pensées. A tord ou à raison, il accepte alors une mission à double tranchant, la pire de sa vie...

Les certitudes s’écroulent dans un monde qui vacille dangereusement

Dès Novembre 1952, sous la présidence de Harry.S.Truman, la National Security Agency fut en charge de coordonner et d’assurer la protection des systèmes gouvernementaux américains. Dans les années 80 – bien que l’information ne fut rendue publique qu’en 1999 – les Etats-Unis s’associèrent à la Grande Bretagne, au Canada, à l’Australie et à la Nouvelle Zélande en vue de créer l’unité Echelon (pacte autrement dénommé « Ukusa Group »). Echelon devint l’organisme spécialisé en décryptage d’informations passant par les réseaux Internet, téléphoniques et fax grâce à des mots clés constituant des « dictionnaires » – lesquels sont traités à vitesse prodigieuse par le biais de super ordinateurs (les Crays) et grâce à l’appui de quinze stations d’écoute dont les plus connues sont Fort Meade (siège de la NSA) et Guantanamo. Si, officiellement, Echelon n’a pas d’homme sur le terrain, l’information doit parfois être récupérée à la source et, c’est à partir de ce postulat, qu’intervient notre agent rompu à tous les exercices de style en cours d’opération. Après une brève mission d’introduction avec un classique désamorçage de missile à la clé et une évacuation par hélicoptère, une série de rapides séquences cinématiques – commentées par Irving Lambert et faisant office de générique – nous apprennent avec une pudeur appréciable et sans fioriture inutile que la fille de Sam Fisher a été mortellement blessée lors d’un accident de voiture. Notre homme traverse alors une mauvaise passe, cherchant la bagarre dans les pires bouges des environs jusqu’à ce que son supérieur et ami de toujours lui propose une infiltration suffisamment suicidaire pour attiser un regain d’intérêt chez un héros qui n’a, de toutes façons, plus rien à perdre. L’affaire du moment concerne un groupuscule dénommé la JBA – pour John Brown’s Army – dont les échanges captés laissent sous-entendre de mauvaises intentions. La menace est suffisamment prise au sérieux pour que l’on suggère à Sam Fisher d’approcher un des « lieutenants » du mouvement, enfermé au sein de la prison de Ellsworth (Kansas). L’agent a six mois pour s’offrir l’amitié de ce Jamie Washington et mettre au point un plan d’évasion pour les deux afin de s’en assurer définitivement la confiance.

Voici telle qu’apparaît la véritable situation de départ de ce quatrième épisode, offrant un nœud complexe d’interactions avec les membres de la JBA et avec les supérieurs de la NSA puisque il s’agira de garantir un taux de confiance suffisamment élevé auprès des deux parties pour poursuivre cette périlleuse intronisation chez les terroristes. Au commencement, deux remarques nous viennent à l’esprit : d’abord, pour la première fois, la menace vient de l’intérieur du pays avec appui de citoyens américains (après la Georgie, le Timor oriental, la Chine et la Corée) et ensuite les stigmates de ces semaines d’effondrement sont merveilleusement portés à l’écran. C’est, en effet, un personnage dont l’apparence a changé qui nous apparaît, avec des cernes plus prononcées, un teint pâle, le crâne rasé et couvert de petites cicatrices. Ne se contentant pas, toutefois, de poser quelques détails physiques, les créateurs ont octroyé à Sam Fisher un air patibulaire, lui-même souligné par une démarche presque insolente et un caractère plus cynique que jamais. Une fois investis les locaux de la JBA et prêt à endosser son rôle (de composition) de mauvais garçon, c’est un compte à rebours qui démarre requérant d’accéder au plan final des terroristes sans jamais se faire prendre ou se décrédibiliser.

Lorsque le rôle devient trop pesant à jouer…

Comme tout acteur qui s’investit à fond dans un rôle, le danger sera de perdre de vue ce pour quoi on a été engagé. A diverses reprises Sam Fisher devra faire face à des choix ou, du moins, dans l’obligation de leur donner un ordre de priorité. Comme disait René Descartes, si l’homme est libre de choisir entre le bien et le mal, c’est en vertu de son libre arbitre ; mais qu’il choisisse l’un ou l’autre, les vérités éternelles subsistent. L’affirmation est applicable présentement puisque malgré la présence de trois fins différentes et le pouvoir de décider de la mort de trois personnes en cours de jeu, la trame restera grosso modo la même en fin de partie. Ce système décisionnel s’avère intéressant de prime abord, mais vient surtout renforcer un scénario basique au sein duquel un groupuscule anti-américain veut poser une bombe. Par ailleurs, garantir un taux de confiance chez les deux parties se révèle ne pas être bien difficile. En fait, vos objectifs seront constitués de missions primaires et secondaires auxquelles il faudra attribuer un ordre parfois, faute de temps. Cependant, si votre barre de confiance baisse d’un cran d’un côté ou de l’autre, il suffira seulement de passer en objectif prioritaire, lors du niveau suivant, celui requis par la partie qui tend à ne plus vous suivre. Bref, le mieux reste de remplir toutes les tâches et, à défaut, d’alterner les camps. Avec un brin d’habileté, vous ne nuirez jamais totalement à vos relations avec l’un ou l’autre. Par contre, si vous vous faîtes prendre lors de certaines actions, c’est l’échec garantit. Par exemple, toutes les parties des locaux de la JBA ne vous seront pas accessibles alors si l’on vous y surprend, la barre descendra assez vite après une première sommation et si quelqu’un vous voit utiliser du matériel de la NSA chez les méchants, vous êtes bon pour recommencer au dernier checkpoint.

Les amateurs de virées percutantes peuvent tout de suite passer leur chemin. Le principe repose encore et toujours sur cette infiltration qui a fait le succès de la saga et plus qu’auparavant une bonne dose de tactique sera nécessaire. Afin de saluer dignement le passage au next gen, les développeurs ont introduit un niveau de difficulté supplémentaire et perceptible de par ses environnements en plein jour et des gardes qui patrouillent souvent à deux désormais. En conséquence, le joueur reste dans l’obligation de piocher parmi la vingtaine de mouvements afin d’évoluer en toute discrétion même si les créateurs nous surprendront une nouvelle fois en introduisant de nouveaux exercices. Dans cette aventure, vous pourrez nager – y compris sous la banquise – et attaquer un ennemi en vous positionnant sous lui et en brisant la glace afin de lui saisir les chevilles et le tirer vers vous ou vous déplacer près d’une berge et attraper un garde circulant dans le coin. De même, vous serez amené à contrôler un saut en parachute ou un hélicoptère en perte de vitesse, à forcer des coffres, à vous glisser sous des véhicules ou des meubles pour vous cacher et à décrypter un mail sous forme de Sudoku (outre les classiques crochetages de serrure et piratages de données). Les séquences dédiées au désamorçage de la bombe, à la fabrication d’ogives, au parcours d’entraînement et au stand de tir apparaissent presque comme des mini-jeux sans omettre de préciser que viendront se greffer, en sus, des objectifs personnels nécessitant de trouver des dossiers ou de scanner des empreintes digitales, vocales ou rétiniennes.

D’agent du gouvernement à globe trotter sans foi, ni loi

Comme il a été mentionné dans le paragraphe précédent, plusieurs scènes se déroulent maintenant en extérieur et en pleine journée ce qui ne fait plus de l’ombre notre meilleure alliée. Il en découle chez les ennemis une meilleure vision – ces derniers vous repérant à plusieurs dizaines de mètres même si l’on dénote une légère exagération lorsque ils vous visualisent aisément sous le blizzard ou quand un soleil presque blanc se reflète sur la glace et nous aveugle personnellement. A la limite, passons, puisque le challenge s’en retrouve plus croustillant et que ce choix de passages diurnes laisse entrevoir magnifiquement le travail qui a été réalisé au niveau du level design. Certes, on reste en terrain connu avec des niveaux se situant dans une usine ou sur un super tanker, à contrario on appréciera particulièrement les scènes à Shangaï, dans les quartiers de la JBA et à Kinshasa où les environnements sont plus « ouverts » que précédemment. Bien sur, il subsiste des endroits où le cheminement n’offre guère de variantes mais, pour la première fois, Sam Fisher est littéralement lâché dans la nature lors des niveaux susmentionnés. Autant dire que sans l’appui du PDA pour consulter objectifs et plan 3D des environs, il serait quasiment impossible de poursuivre surtout lors des séquences avec timing tant les configurations sont complexes. Dans cette perspective, vous êtes libre de remplir les objectifs dans l’ordre que vous aurez décidé (à quelques exceptions près) et d’opter pour différents chemins, y compris les plus audacieux car il est même permis de grimper sur un dragon géant dans la scène de l’hôtel en Chine pour descendre plusieurs étages ou de littéralement exploser un énorme aquarium pour surprendre des gardes. L’imagination vous sera profitable car le nombre d’ennemis n’a pas été revu à la baisse. De plus, ils adoptent maintenant des attitudes plus tangibles, se retournant à plusieurs reprises durant leur ronde, et réagissant activement au moindre coup de feu (attendez vous à ce qu’une alerte soit alors déclenchée et qu’une poignée de gardes se ruent sur vous). Leur écoute auditive a également été améliorée et se placer derrière eux pour les étrangler en devient périlleux. Au moindre soupçon, ils se dirigeront vers l’endroit où vous êtes et héleront un autre garde afin de signaler un problème. Du coup, mieux vaut se faire tout petit et invisible la plupart du temps.

Heureusement, les décors recèlent de nombreuses caches où se glisser subrepticement en comptant les pas des patrouilleurs avant de rejoindre le point suivant. Vous pourrez toujours saisir un objet quelconque et le jeter afin de capter momentanément leur attention toutefois. Dans la même lignée, les membres de la JBA seront, par principe, constamment soupçonneux envers le « petit nouveau » que vous êtes, aussi attendez vous à ce que la situation vacille d’un moment à l’autre si vous n’êtes guère prudent. La modélisation des personnages s’en tire honorablement grâce à des mouvements étudiés comme la démarche de ceux-ci, bénéficiant désormais d’un certain balancement qui rend l’ensemble plus crédible visuellement parlant. On remarque même que les personnalités respectives ont été approfondies car, outre un supérieur plus amical et un héros à la fois laconique et dur, les têtes pensantes de la JBA se constituent d’Emile Dufraisne – personnage charismatique très à l’aise dans son rôle de méchant, de Carson Moss – le chef de la sécurité un peu bourru, de Enrica Villablanca – jeune femme intelligente mais mal dans sa peau et de Jamie, le benjamin de l’équipe qui s’avèrera être tout en contrastes. On regrette presque de ne pas avoir plus d’échanges avec eux et d’en apprendre peu sur leurs passés respectifs (hormis ce qui est décrit dans le livret). Enfin, puisque l’on évoque la partie visuelle, on soulignera l’effort apporté aux textures des éléments de décors – du rendu de la glace qui craque sous nos pas aux reflets rouillés sur le revêtement des tuyaux, en passant par la sueur sur la nuque de Sam Fisher et même cette quasi impression de sable dans les yeux sous les tirs croisés en République Démocratique du Congo. Accompagnée d’une musique toujours en phase avec l’intensité du moment (composée par Michael McCann), d’effets sonores irréprochables et d’une borne de dialogues parfaitement calée et tangible, l’immersion est totale et garantit bien quelques palpitations de cœur par moments.

Sam Fisher ne sera plus jamais le même

Même les meilleurs ont leurs failles et si notre héros en dévoile quelques unes comme un penchant pour la bagarre, le titre n’est également pas exempt de critiques à la fois dans le fond et dans la forme. On accroche sur quelques détails qui nous chatouillent les narines comme le fait de débloquer une bonne partie des armes au fur et à mesure de la progression alors qu’elles auraient pu être utiles avant et que l’arsenal complet ne sert absolument pas lors de la mission finale. De surcroît, vous ne pourrez guère sortir vos armes dans l’ensemble sous peine de déclencher une alarme, le moindre coup de feu étant perçu. Par contre, le fait de ne pouvoir assommer de personnes dans les locaux de la JBA rend l’expérience plus prenante. Du scepticisme aussi du côté du comportement des membres de la JBA dans l’hypothèse où vous choisissez d’éliminer Enrica en lui faisant porter le chapeau, en effet n’est t’il pas curieux qu’ils acceptent cette version sans émettre aucun doute alors que vous êtes nouveau et qu’elle a été loyale envers l’organisation pendant plusieurs mois. Evidemment, ces constatations ne noient pas un gameplay, de toutes façons, terriblement efficace. On aurait pourtant préféré une histoire nous changeant des sempiternels poseurs de bombe et un level design plus approprié à certains gestes comme le saut en grand écart qui trouve peu d’occasions dans cet épisode. Enfin, pourquoi clore systématiquement l’histoire avec une scène casse pied – en l’occurrence le désamorçage de la bombe – alors que l’on vient de passer un temps précieux à évoluer comme un serpent tapis dans l’ombre. Recommencer 25 fois cette presque ultime séquence a tendance à plus énerver en fin de jeu qu’autre chose, d’autant plus que la durée du titre est moyenne (compter une douzaine d’heures au grand maximum pour dix niveaux la première fois où vous jouerez).

Enfin, si la saga des Splinter Cell a toujours davantage brillé par son mode solo, à contrario de l’autre production inspirée par Tom Clancy, Rainbow Six qui attire une grosse communauté online, le soft propose plusieurs modes via le Box Live. Dans la veine de Splinter Cell : Chaos Theory, on retrouve un mode versus à trois contre trois (doté d’un temps de chargement assez long) et des challenges en coopération avec six missions par niveau de difficulté et s’axant principalement autour du vol de fichiers avec des défis « double agent » et « meilleur agent ». L’interface d’accès a été légèrement simplifiée et se consulte aisément, toutefois les niveaux en Live ne reflètent définitivement pas l’expérience en solo mais auront toujours le mérite d’offrir quelques heures de jeu en plus si vous accrochez.

Même si la vie a essayé d’ébranler notre héros, cette dernière mission nous montre combien seule sa propre mort pourra arrêter Sam Fisher. Sa colère de départ est utilisée à bon escient et lui permet ici de refaire surface nous laissant espérer, au passage, de le retrouver une nouvelle fois sur support next gen. Nous ne parlerons pas ici d’inégalités dans le jeu mais plutôt de quelques aspects qui tendent à nous titiller un peu bien que nous serions malhonnêtes de ne pas citer l’effort fourni sur l’ensemble du travail. En effet, aucun des grands domaines (niveaux, graphismes, modélisations, ambiance sonore, animations) n’est critiquable à proprement dit. Hormis un scénario un brin basique et un mode Live un peu terne, cet épisode réserve de très belles scènes et des moments même parfois difficiles (à noter qu’il est interdit aux moins de 18 ans). Ceux qui pensaient que notre agent n’en sortirait pas la tête haute sont à côté de la plaque !

+

  • La méthodologie Ubisoft paye encore
  • Des scènes chronométrées qui stressent
  • C’est esthétiquement réussi
  • L’idée de l’agent double qui perd ses repères
  • Un level design remarquable avec temps variable !

-

    • Quelques défauts techniques (freeze, blocage)
    • Des temps de chargement assez longs
    • Des modes Live un peu ternes
    • La durée de vie est moyenne