Fahrenheit : preview
Avec Omikron en 1999, alias The Nomad Soul, jeu ô combien reconnu par les joueurs, Quantic Dream, studio français,et son PDG, David Cage, avaient une ambition: faire de la narration interactive. Fahrenheit entre dans un mouvement de continuité. Tout est dans le concept du «Story driven». Dans un jeu classique, l’histoire n’est qu’un alibi pour donner une signification aux scènes d’actions. Pas dans Fahrenheit. Le scénario est mis au centre, et le joueur en sera le principal acteur et pourra la modeler. En un mot, y entrer.
Pourquoi faire un jeu atypique comme celui-ci? Afin d’effectuer un virage à 180° par rapport à ce qu’est la majorité des grands jeux actuels: du basique, avec une narration «débile», qui donne l’impression que le joueur est pris pour quelqu’un de stupide. L’objectif est de rendre au scénario ses lettres de noblesse sans pour autant mettre le gameplay au second plan.
L’histoire de Fahrenheit verra une intrigue passionnante se mettre en place. Lucas Kane, la trentaine, sans histoire, dîne un soir dans un petit resto à New York. Soudainement, il va entrer dans une sorte de transe et poignarder sauvagement un homme dans les toilettes. Tout de suite après, il retrouve ses esprits. Que va-t-il faire? Ou plutôt, qu’allez-vous faire?
C’est à ce moment que vous commencerez à jouer, après une intro digne d’un film. Ici, pas d’inventaire, de jauges multiples, de menus à n’en plus finir. Dans le même registre, pas de caméra dans le dos. On peut switcher entre 4 caméras placées dans la pièce où l’on se trouve, et une vue subjective. Un choix original qui ne gêne nullement la progression.
Ce sera à vous, désormais, d’écrire l’histoire. Celle-ci se déroule selon le principe de l’élastique, expression employée par David Cage: si un script demeure, il est très large, et on purra l’étirer à loisir. Chaque action du joueur a une conséquence. Choisissez de cacher le corps de votre victime, de nettoyer le sang qui vous couvre et de cacher l’arme du crime, et vous pourrez vous enfuir sans trop de dégâts. Par contre, si, sous l’effet de la panique, vous faites le choix de vous ruer hors des toilettes, la situation risque fort de déraper… Tout le jeu se déroule sous ce schéma: une foultitude de choix se pose à vous, et la plupart amènera une situation différente, ou aura une répercussion sur la suite de l’aventure. La liberté, les possibilités ne sont pas infinies, bien entendu, mais ça reste très large. Pour comparaison, David Cage nous a parlé des livres dont on est le héros. Fahrenheit, c’est un peu le même système, mais multiplié par 100.
A la manière d’un film, on ne suivra pas Lucas pendant tout le jeu: on incarnera 6 ou 7 persos en tout, chacun ayant un rapport avec l’intrigue, et dont les histoires, toutes très fouillées, s’entremêleront. Pour exemple, vous visiterez deux fois le lieu du crime, l’une dans les baskets de Lucas, l’autre dans celles de deux policiers, Tyler et Carla, menant l’enquête.
Le gameplay est inhabituel, comme tout le reste du jeu. David Cage ne voulait pas qu’il se résume à une suite de 10 ou 20 mouvements, chacun cantonné à une touche du pad, comme c’est le cas dans l’immense majorité des productions actuelles. Dans Fahrenheit, l’interface se veut intelligente et dépendante de la situation. On contrôlera son personnage somme toute assez classiquement dans ses déplacements basiques, mais chacune de ses actions plus spécifiques sera contextuelle, et changera en fonction de la situation. Elles seront exécutées au stick analogique pour la plupart, et iront dans le sens de du contexte: votre perso doit se baisser, vous aurez à incliner le stick vers le bas. Il doit pousser une porte, vous devrez incliner le stick vers le haut. Lorsqu’un effort physique sera effectué, vous devrez, à la manière d’un Track and Field, enclencher rapidement et en rythme les gâchettes, faire vous aussi un effort en quelque sorte. Un système adaptatif, caméléon, qui se révèle fort plaisant à jouer tout en étant très simple et immersif, car on fait les «mêmes mouvements» que son perso.
Une place importante est laissée aux dialogues, mais le joueur sera libre de les faire durer très longtemps ou bien d’abréger s’il veut passer à autre chose. A un sujet correspond une direction de stick, et un temps limite s’écoule. S’il se finit, la conversation s’arrête. Rien n’est imposé, tout est accessible. Cela jouera sur les relations entre persos. Encore un impact direct sur l’histoire.
Des phases plus musclées rythmeront l’aventure. Reprenant le concept des quick time event, elles sont une suite de pressions rapides à faire au bon moment, toujours aux sticks, et toujours dans le sens de l’action. Baser ces scènes sur ce gameplay, et non sur des commandes pré-calculées (A = Saut, B = Coup de poing, etc) a permis au développeur français d’aboutir à des scènes d’actions variées. Vous ne ferez jamais deux fois la même chose: il y aura du combat, de la poursuite, du tir, et j’en passe.
Autant vous le dire franchement, sur les points de l’histoire et du gameplay, le jeu nous a clairement emballés. C’est rafraîchissant, ça change de ce qu’on a l’habitude de voir et on ne s’ennuie pas une minute. L’aspect graphique, qui pouvait inquiéter au vu des screens et vidéos du jeu, n’est pas catastrophique. Si Fahrenheit ne tient pas le haut du pavé, il est quand même déjà plus beau qu’un GTA (A qui l’on pardonne les errances en matière technique), et a son style, assez esthétique.
Au rayon des défauts, il n’y a guère qu’une certaine rigidité dans les commandes de déplacement des personnages à noter. Les musiques sont bien fichues, les doubleurs anglais assurent, l’animation tient la route (Surtout au niveau des visages, très expressifs).
Encore une bonne idée: des bonus seront accessibles, comme les scènes d’action qui pourront être refaites, des artworks, de petits reportages sur le travail de Quantic (Tout le jeu a été réalisé en motion capture, dans le studio du développeur, un des plus grands d’Europe) et même des mini-jeux ou vidéos non intégrées au soft.