Crackdown
Jungle urbaine
La première chose qui frappe dans Crackdown, ce sont ses graphismes. Ils revendiquent une personnalité assez unique, mêlant cel-shading et réalisme, pour un résultat convaincant dans l’ensemble. Propres et tirant bien parti de la HD, ils donnent un style inattendu et original au jeu, qui ressemble finalement à une espèce de comic-book animé. Cependant, ce ne sont pas les visuels à proprement parler qui décrochent la mâchoire, tout simplement parce que depuis Gears of War, la barre est placée un peu trop haut pour qu’on tombe à chaque fois du canapé. Non, ce qui impressionne dans Crackdown, c’est sa capacité, d’une part à afficher simultanément une profondeur de champ énorme et de nombreux éléments à l’écran, d’autre part à faire une utilisation massive et intelligente de Havok, le célèbre moteur physique, utilisé par tout le monde mais maîtrisé par peu.
Derrière l’emballage graphique se cachent en effet de réelles prouesses techniques qu’on remarque à plusieurs reprises quand on avance dans le titre. Celui-ci se permet de proposer des paysages dont les éléments sont visibles sans brouillard artificiel jusqu’à l’horizon. Depuis les plus hauts buildings, on aperçoit, en contrebas, les voitures qui circulent et les piétons qui marchent sur les trottoirs. La fluidité de l’action est, elle, très rarement prise en défaut malgré les nombreux effets utilisés (traces de balles dans l’air, explosions assez réussies, nombreux civils et ennemis, véhicules…). Côté physique, on remarque que presque tous les objets qu’on trouve dans la rue, sur les toits ou autre peuvent être ramassés et jetés avec une gestion des collisions impeccable, de la cabine téléphonique aux véhicules en passant par les canards en plastique du parc d’attraction du coin. Un des défauts de Havok ressort toutefois: le syndrome des personnages pantins, semblables à des marionnettes désarticulées dès qu’ils chutent. En dehors de cela, le bilan est très satisfaisant et permet de se concentrer sur le gameplay, lui aussi très particulier.
Crackdown, le Mercenaries aux stéroïdes
Combien se rappellent de Mercenaries, le jeu des studios Pandemic apparu début 2005 sur Xbox? Plutôt apprécié lors de sa sortie, le soft proposait un environnement totalement ouvert, une intrigue très peu scénarisée et des objectifs simples: mettre le grappin sur une liste de criminels répartis un peu partout sur la carte, dans l’ordre qu’on souhaitait. C’est bien simple, Crackdown emploie à peu de choses près le même principe. Point de vue scénario, c’est le no man’s land. On incarne un héros génétiquement modifié employé par l’Agence, entité résultant de l’union de toutes les polices pour tenter de ramener l’ordre dans la métropole de Pacific City, ravagée par les gangs, point. C’est tout.
Le personnage principal, dont on sélectionne l’apparence en début de partie (on peut en changer à chaque chargement de sauvegarde), ne pipe mot de toute l’aventure. Les ennemis non plus d’ailleurs, excepté des cris caricaturaux, assez drôles au demeurant.Les seules lignes de textes sensées sont celles de l’opérateur qui nous briefe par radio avant les missions et nous donne, de temps à autre, quelques infos et indications. On se retrouve donc lâché sans plus de cérémonie dans cette grande ville divisée en quatre quartiers : trois îles où trois gangs différents font la loi: le cartel latino, la mafia russe et la triade (ou du moins des caricatures très appuyées de ces groupes criminels) et un petit bout de terre central abritant la tour QG de l’Agence. Le but est simple: éliminer les parrains des différentes groupes de malfaiteurs. Peu importe la façon dont on s’y prend, l’objectif est d’y arriver. Mais ce n’est pas aussi simple.
Man on Fire
Dans Crackdown, on est donc totalement libre. Dans la hiérarchie des gangs, constituée environ d’une demi-douzaine de truands, on peut s’attaquer dès le début au chef. Mais, si rien ne s’y oppose à première vue, la tâche est en réalité plus difficile qu’il n’y paraît. Les gros bonnets sont ultra-surveillés et se terrent dans des places fortes qu’il est très difficile de pénétrer. La stratégie la plus efficace est donc plutôt de liquider les fournisseurs d’armes, les entraîneurs physiques, les négociateurs des gangs pour, peu à peu, affaiblir la défense du patron et, en fin de compte, le cueillir en douceur.
Pour ce faire, bien sûr, il faut avoir les moyens de ses ambitions. Le personnage principal dispose de capacités à développer, réparties en 5 catégories: agilité, tir, force physique, conduite et explosifs. Tout au long du jeu, ces compétences évolueront à la faveur d’épreuves spécifiques ou, tout bêtement, des combats qu’on livrera. Mais par rapport à GTA San Andreas, qui incluait lui aussi des éléments évolutifs de ce genre, Crackdown fait dans la démesure. A chaque niveau gagné, l’agent devient de plus en plus surhumain. A terme, après un bon entraînement et quelques heures de jeu (les capacités évoluent assez rapidement si on s’y attèle sérieusement), le bonhomme fait des bonds de 50 mètres lui permettant de sauter de toits en toits, soulève des camions de plusieurs tonnes, tire avec précision et réalise des manœuvres aériennes avec les différents véhicules à sa disposition. Ce système d’upgrades s’avère très gratifiant car ses effets sont immédiatement visibles. L’apparence de l’agent change, ses progrès se voient instantanément et cela donne une grande sensation de satisfaction à chaque niveau supplémentaire grapillé.
Il faut bien ça pour affronter des gangs de plus en forts. Si l’IA, comme dans tout GTA-like, ne vole pas bien haut, les ennemis sont, au fur et à mesure, de mieux en mieux armés, à tel point qu’il est suicidaire de tenter d’aller dézinguer directement les caïds de la triade et de la mafia russe, les deux gangs les plus puissants. Le jeu proposant, qui plus est, trois niveaux de difficulté, inutile de faire un dessin.
De la difficulté d’être un super-héros
On l’a vu, Crackdown base tout son gameplay sur la liberté accordée au joueur. Celui-ci peut conduire son action comme il l’entend, développer ses capacités et amasser des armes dans son coin ou attaquer ses ennemis avec les moyens du bord. Si le concept devrait séduire les amateurs de l’école buissonnière à GTA, il présente quelques faiblesses. D’abord, le titre de Real Time Worlds manque de personnalité. Pas aussi porté sur la caricature qu’un GTA, pas réaliste pour autant, faisant l’économie d’une histoire, peuplé de personnages muets et se tenant dans une ville aux bâtiments désespérément fermés et dénuée de commerces, bars ou autres, Crackdown ne dispose pas du petit plus qui fait vivre davantage une création. En dehors de quelques courses sur les toits et sur les routes de la cité, presque aucune activité autre que la destruction des gangs n’est proposée. Certes, partir à l’aventure dans la ville et explorer les recoins de la carte (aspect du gameplay qui a été volontairement pensé par les développeurs lors de l’étape du level design), aidé par ses capacités surhumaines, est plaisant, mais également lassant au bout du compte.
Un autre des défauts de Crackdown se situe au niveau de son système de tir. Pas très ergonomique, il propose une visée automatique qui nécessite une attention de tous les instants à courte portée et à laquelle on préfèrera souvent la visée manuelle. Dommage, d’autant que le soft dispose de dégâts localisés très bien mis en œuvre (on peut désarmer l’ennemi en lui tirant dans le bras, le faire tomber en visant les jambes, l’achever plus vite en touchant la tête). Dans le même ordre d’idée, le combat à mains nues se résume à des coups de pied imprécis et la conduite, elle, est un peu molle. Sur ce dernier point, monter des niveaux en pilotage aidera à mieux faire passer la pilule, même si, devant le peu de véhicules disponibles, on se dit que l’exploration à pied, plus réussie, a été favorisée par Real Time Worlds.
La version preview du jeu étant très propre, très peu de problèmes techniques ont émaillé notre essai. Seule remarque: un bug de son récurrent et des chargements gelant parfois l’écran. Des problèmes qui devraient être éliminés durant les dernières semaines de développement. Par contre, impossible d’essayer le mode coopératif, qui constituera l’un des gros atouts de la version finale.