Hironobu Sakaguchi, sauveur de la Xbox 360 au japon ?
Final Fantasy ou le pari de la dernière chance
A maintenant 45 ans, on peut dire qu’Hironobu Sakaguchi est un homme comblé. Elevé au rang de légende du jeu vidéo par bon nombre de joueurs et confrères, celui qui en 1987 plaça les dernières économies de Squaresoft dans un RPG à l’avenir incertain peut désormais se targuer d’afficher un parcours exemplaire exempt (ou presque) de faux pas. Et afin d’en comprendre les rouages, rien de mieux qu’un retour aux sources. Après avoir bouclé un cursus universitaire d’ingénierie électrique à Yokohama, Hironobu Sakaguchi débute timidement sa carrière au sein de la société Denyûsha avant de se décider en 1983 à fonder Square, épaulé par Masafumi Miyamoto. Et contrairement à ce que l’histoire pourrait laisser croire, les débuts de la société furent pour le moins laborieux, la faute à des titres souvent trop moyens pour assurer à l’entreprise un semblable de pérennité. Citons parmi ces premiers essais peu fructueux où, à chaque fois Sakaguchi sera crédité comme réalisateur, la série des Death Trap (1985 et 1986), Blassty (1986) ou encore Tobidase Daisakuken (1987). Et alors que l’avenir de la société s’assombrissait de jours en jours, Sakaguchi décida de placer les économies restantes dans un projet au nom évocateur : Final Fantasy, développé pour la Famicom de Nintendo. Le tout non sans humour puisque notre homme nomma le jeu « Final Fantasy – Square’s last creation ». Au final, le jeu dépassera toutes les espérances escomptées en termes de vente et de popularité, affichant encore aujourd’hui une santé de fer et réadapté sur de nombreux supports ces dernières années, GBA en tête. Le jeu arriva d’ailleurs en mars dernier 63ème au classement Famitsu établissant une liste des meilleurs jeux vidéo de tous les temps (bien que l’objectivité de Famitsu soit plus que relative, il est vrai). Et c’est en grande partie grâce à la réussite de ce premier épisode que Square put entrevoir la possibilité de développer de nouveaux jeux sans avoir à craindre les éventuels échecs. C’est ainsi que Sakaguchi endossa une nouvelle fois le rôle de réalisateur les années suivantes sur les volets 2, 3, 4 et 5 de Final Fantasy qui, pour anecdote n’auraient jamais dû voir le jour, Square ayant au départ décidé de faire de Final Fantasy un jeu unique. Entre temps, en 1991, alors qu’il travaille sur Final Fantasy IV, Sakaguchi est nommé vice-président exécutant de Square, puis président de la division USA de Square quelques mois plus tard, crée dans l’optique de transmettre la fièvre FF aux Etats Unis, du moins dans un premier temps…
Un succès incontestable
La carrière de Sakaguchi semblait désormais vouée à un triomphe grandissant, et c’est avec la volonté de conserver la qualité offerte dans « sa » série fétiche qu’il oeuvra sur de nombreux jeux les années qui suivirent. Si l’on se cantonne à ne citer que les plus célèbres, Final Fantasy exceptés, comment ne pas débuter par Chrono Trigger en 1995, RPG qualifié par de nombreux joueurs comme la référence ultime du genre, développé par une équipe surnommée à juste titre « Dream Team », et composée entre autre de Sakaguchi, producteur exécutif et superviseur, Yuuji Horii, à qui l’on doit la série des Dragon Quest d’Enix (qualifiée de “rivale” à celle des Final Fantasy), Akira Toriyama au character design et l’intemporel Nobuo Uematsu à la musique. Sakaguchi supervisa les années suivantes le premier volet de la licence Front Mission (1996), le controversé Super Mario RPG: Legend of the Seven Stars, toujours en 1996, Tobal No.1, ou comment redéfinir les bases du jeu de baston en 3D (1996), le gargantuesque Final Fantasy VII en 1997, qui aida grandement Sony à s’implanter définitivement au japon (ce qu’au passage Peter Moore n’hésita pas à rappeler en septembre dernier…), supplantant Nintendo et sa N64, qui regrettera amèrement d’avoir préféré un support cartouche, mais plus que tout d’avoir pu penser un instant pouvoir se passer des services de Square. En 1998, Sakaguchi s’attaque à Parasite Eve sur Playstation, inspiré de la nouvelle du même nom et qui laissa pantois bon nombre de joueurs agréablement surpris par ce savant mélange d’action et de RPG. Les années 1999 et 2000 sourirent une nouvelle fois à notre homme, qui produira le 8ème volet de Final Fantasy, et qui rencontrera un succès impressionnant bien que décrié par la critique, la faute à une sévère remise en question des bases de la série et à un petit côté occidental déplaisant. Qu’importe, il endossera ensuite le rôle de producteur exécutif pour une floppée de jeux plus ou moins brillants jusqu’en 2000, assurant une fin de vie rêvée à la Playstation : Chocobo Racing, sorte de Mario Kart-like reprenant l’univers des bestioles jaunes, SaGa Frontier 2, Legend of Mana, fantastique mais malheureusement jamais édité en Europe, Front Mission 3, Parasite Eve 2, inférieur à l’original mais toujours aussi recherché et enfin Vagrant Story, révolutionnaire aussi bien dans sa gestion des armes que des combats. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et la série impressionnante de succès fut stoppée avec l’arrivée de la Playstation 2 et son Emotion Engine, offrant pour l’époque des graphismes à faire pâlir toute forme de concurrence.
C’est ainsi que Driving Emotion Type-S, jeu de course pour lequel Sakaguchi endossa la double casquette de concepteur et de producteur exécutif fut littéralement assassiné par la critique et les joueurs, tant l’expérience de Square dans ce type de jeu pouvait paraître insolente face au mastodonte Gran Turismo. Les scintillements à répétition, le manque de détails et le gameplay catastrophique auront raison de la licence, rapidement abandonnée. Et comme si ce magistral revers de médaille, auquel Square et Sakaguchi n’étaient pour le moins pas habitués ne suffisait pas, un second échec couronna cette désastreuse année 2000. Son nom ? The Bouncer, qui fit longtemps rêver un public impatient de pouvoir se défouler sur ce qui s’annonçait comme un magnifique beat’em all sauce 3D mais qui au final ne sera qu’un jeu interactif d’une heure et demi facturé la bagatelle de 60 €. La série noire s’arrêtera heureusement ici pour laisser place à un Final Fantasy IX au top de sa forme, pour lequel Sakaguchi s’investit à fond, puisqu’il assura les rôles de concepteur, producteur et scénariste. L’année 2000 marquera également un tournant dans sa carrière puisqu’il deviendra la 3ème personne à entrer dans le cercle très fermé de l’Academy of Interactive Arts and Sciences’ Hall of Fame, récompensant les figures emblématiques du jeu vidéo, et comptant désormais dans ses rangs Shigeru Miyamoto, Sid Meier, Will Wright, Yu Suzuki ou encore Peter Molyneux. Par la suite, il produira 5 jeux, dont 4 basés sur la licence Final Fantasy, l’intrus étant Kingdom Hearts, mettant en scène avec brio l’univers de Disney dans un RPG savamment étudié. Il est à noter qu’en 2001, Sakaguchi effectuera un léger crochet vers le cinéma en décidant de finaliser un projet en cours depuis 1997, un film en image de synthèse s’inspirant de l’univers de Final Fantasy, nommé Final Fantasy: The Spirits Within. Malgré une réalisation époustouflante pour l’époque, le scénario bancal et les critiques auront raison de cet ambitieux projet, lui “permettant” d’enregistrer des pertes record de plus de 120 millions de dollars, signant de ce fait l’arrêt de mort du studio Square Pictures qui, malgré quelques projets annexes, n’arrivera pas à remonter la pente. L’échec ne restera pas sans conséquences pour Sakaguchi, qui sera rétrogradé. Cette même année, il déposera les noms et logos d’une société : Mistwalker, qui ne verra officiellement le jour qu’en 2004, avec à la vic-présidence le non moins célèbre Kensuke Tanaka, à qui l’on doit le système PlayOnline, utilisé pour Final Fantasy XI.
L’espoir de Microsoft
La création de ce nouveau studio se traduira par l’annonce fracassante en février 2005 du développement de deux RPG exclusif pour Xbox 360 en collaboration avec Microsoft Game Studios, Blue Dragon et Lost Odyssey, tous deux attendus avec une impatience palpable par des Japonais habituellement insensibles à la console de Microsoft. Espérons simplement que l’arrivée de ces deux jeux chamboulera les mentalités hostiles vis-à-vis de la Xbox 360, permettant sans doutes dans le même temps à Mistwalker de continuer une aventure sans doute passionnante. Concernant Blue Dragon, l’implication d’Akira Toriyama au character design et les compositions d’Uematsu rappelleront sans aucun doute de bons souvenirs aux nostalgiques de Chrono Trigger. De plus, la patte de Christian Lorenz Schreuer, qui a notamment travaillé pour de grosses productions hollywoodiennes telles Le cinquième élément, Le jour d’après, The Matrix, Titanic, permettra de proposer un univers permettant à tous, novices en ligne de mire, de s’y retrouver et de ne pas être perdu dans d’incompréhensibles codes propres aux RPG. Famitsu semble d’ailleurs ne pas s’y être trompé puisque le jeu récolte un impressionnant 37/40 (comme quoi il semble qu’ils puissent être parfois objectifs… Mais non, je ne suis pas de mauvaise foi). 3 DVD, du probable futur contenu téléchargeable gratuitement, une soixantaine d’heure de jeu. Un seul mot, patience. Un troisième projet est venu gonfler les rangs du planning de la société. Cry On, futur action-RPG dont on ne sait à l’heure actuelle pas grand-chose, si ce n’est que le jeu sera utilisera le cell shading et sera, à moins d’un retournement de situation, exclusif à la Xbox 360. L’équipe en charge du développement est encore une fois impressionnante, puisqu’on retrouve au design Manabu Kusunoki, qui fit le bonheur des fans de la série Panzer Dragoon, Uematsu aux cymbales, tout en sachant que les rangs de l’équipe ne pourront de toutes façons qu’être gonflés par de nouveaux venus. Terminons enfin par une note positive : Sakaguchi a récemment annoncé le développement d’un second opus à Blue Dragon. Preuve irréfutable que la carrière de cet homme hors du commun n’est pas prête de s’arrêter, et entre nous, c’est tant mieux.