Interview Gears of War 2 – Cliff Bleszinski
Veston sombre, chaîne en or, T-shirt et baskets bleues : on peut dire que Cliff Bleszinski sait mélanger les genres. Le designer s’assied et répond tout naturellement et sans lassitudeaux questions de Xbox-Mag et Xboxygen (chez qui vous pouvez retrouver d’autres questions/réponses), alors même qu’il a accordé une dizaine d’autres entretiens plus tôt dans la journée. Les RP, il est doué pour ça.
Xbox-Mag – Vous avez dit plusieurs fois avoir réalisé que Gears of War 1 n’avait pas un très bon scénario, et vous semblez clairement avoir envie de passer un cap avec le second épisode. Mais un bon script n’est pas quelque chose qu’on décide juste de faire. C’est quelque chose qui nécessite du talent et des qualités d’écriture. J’aimerais savoir quelle a été votre démarche pour créer une histoire à la hauteur.
Cliff Bleszinski – Avant tout, j’aimerais préciser que je n’ai jamais dit que l’histoire de Gears of War 1 était mauvaise. Elle était plus basique que réellement mauvaise en fait. Elle était simple. C’est déjà une grosse différence. Une des choses que nous avons faites a été d’engager un nouveau scénariste, Josh Ortega, qui a vraiment insufflé de la vie dans les personnages de la série. Maintenant que nous en sommes au deuxième épisode, nous commençons à vraiment pouvoir jouer avec les protagonistes qui sont bien installés dans l’imaginaire des gens.
Pour revenir à Gears of War 1, vous savez, je pense que c’est un peu comme avec un film. Personne ne veut faire de mauvais films. C’est plutôt le problème de savoir comment faire la meilleure production possible dans le temps qui nous est imparti. J’admets volontiers que l’histoire de Gears of War 1 était basique, et je pense que Gears of War 2 lui est très supérieur sur ce plan-là.
Xbox-Mag - Epic a développé Gears of War 2 en deux ans, alors que la plupart des grosses productions prennent plus de temps, entre trois et quatre ans. Je pense notamment à Resident Evil 5 dont le développement est en route depuis 2004 ou 2005. Comment vous êtes vous organisés pour conclure un tel travail en deux années ?
Cliff Bleszinski – Je pense que deux ans est une durée de développement raisonnable. Quand un processus dure trois, quatre ans, il peut y avoir du relâchement, le projet traîne et n’atteint finalement pas les objectifs fixés au départ. Ce qui est certain, c’est que nous n’aurions pas voulu finir Gears of War 2 en un an comme, vous savez, Madden NFL ou ce genre de série. Ce n’est vraiment pas le même type de jeu. Quand nous avons fini Gears 1, nous avons réalisé que nous avions quelque chose de grand entre les mains et nous avons presque immédiatement commencé à travailler sur la suite. Nous avons embauché, du coup nous avions beaucoup plus de gens dans l’équipe par rapport à l’époque du premier Gears of War. Dans le même temps, nous ne cessons de nous améliorer dans l’exploitation et l’amélioration de nos outils. Nos artistes et nos designers ont pu réutiliser ce qu’ils avaient fait sur le premier épisode, donc leur travail se chiffrait en heures et non plus en jours. C’est de cette façon que nous avons pu faire beaucoup de choses très rapidement cette fois-ci.
Xboxygen - Alors, Gears of War 3, sur Xbox 360 ou sur la prochaine console de Microsoft ?
Cliff Bleszinski – Nous n’avons rien annoncé à ce sujet pour le moment. Vous savez, ce sont des choses…
Xboxygen - Oui, oui, je sais (rires)…
Cliff Bleszinski – Tout le monde essaye de me faire dire quelque chose là-dessus. A propos d’un prochain Gears of War… J’espère qu’il y en aura un, comme j’espère que Gears of War 2 va bien marcher. Et si jamais il y a un Gears of War 3, j’ai le sentiment qu’il restera sur Xbox 360.
Xbox-Mag – Oui, Microsoft ne va sans doute pas laisser le jeu s’en aller comme ça…
Cliff Bleszinski – Ce sont de bons partenaires. Pas seulement du point de vue marketing et presse, mais aussi du côté développement utilisateur. Ils ont de super installations où nous organisons des tests pour savoir quels types d’armes plaisent aux gens, ce genre de choses, pour être sûrs que l’expérience de jeu est optimale.
Xbox-Mag - Gears of War est un jeu très porté sur l’action. C’est un peu pareil pour l’autre grosse licence d’Epic Games, Unreal Tournament. Certaines personnes accusent ce genre de titres violents, disent qu’ils sont le signe que le jeu vidéo est un médium immature. En tant que créateur, quel est votre avis sur la question ?
Cliff Bleszinski – Pour commencer, je différencierais quand même Unreal Tournament de Gears of War. Unreal est un FPS orienté avant tout sur les matchs multijoueur, il n’a pas vraiment de campagne ou de grand scénario. Oui, Gears est un jeu orienté action, mais ce n’est pas juste ça, c’est aussi un environnement dont vous devez apprendre à connaître les subtilités, et, comme on l’a abordé avant, une intrigue fouillée sur laquelle nous avons vraiment travaillé.
Concernant l’immaturité des jeux vidéo au regard de certaines personnes, nous, chez Epic, sommes dans la catégorie des blockbusters, un peu comme les films de Michael Bay. Je ne vais pas me pointer devant vous et essayer de vous faire croire que nous avons fait Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou quelque chose de semblable (ndlr : le film n’est pas choisi au hasard, c’est le long métrage préféré de Cliff). Oui, il y a des explosions, il y a des monstres, il y a du sang. Par contre, cette fois-ci, et j’espère que les joueurs le remarqueront, il y a un peu plus de « cœur » dans Gears of War.
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Xbox-Mag -Appréciez-vous lefait que la plupart des jeux d’action d’aujourd’hui s’inspirent de Gears of War ? Quandon observe l’évolution de l’ensemble de la production de titres de shoot actuelle, l’impact de votre jeu est assez criant.
Cliff Bleszinski – Je pense que c’est flatteur. Quand vous regardez la réalisation artistique ou les mécaniques de gameplay, le fait que beaucoup de jeux aient adopté le système de couverture ou proposent un mode coopératif, c’est en fait assez libérateur. Parce que lorsque Gears of War est sorti, certaines personnes disaient : « Oh, il n’y a aucune innovation dans ce truc ! ». Et puis petit à petit, on a vu tous ces jeux qui commençaient à reprendre telle ou telle caractéristique du soft. C’était marrant.
Personnellement, j’aime le gameplay d’un Call of Duty par exemple, mais en même temps, c’est une bonne chose de voir tant de jeux adopter le concept de la mise à couvert. C’est tout simplement quelque chose qui a du sens, et qui est très fun à jouer.
Xbox-Mag - D’un point de vue degame designer, de quel élément de Gears of War êtes-vous le plus fier ?
Cliff Bleszinski – L’élément dont je suis le plus fier ? L’ « active reload » (ndlr : le système de rechargement des armes). Rendre dynamique le rechargement d’une arme, donner un bonus quand on le réussit… J’aimerais que davantage de jeux le fassent. J’aime vraiment beaucoup ce système. Mais d’un point de vue plus global, je suis vraiment satisfait vis-à-vis de la campagne de Gears 2. Elle est mieux conçue que dans le premier, il y a plus de moments forts, une meilleure histoire, et je pense que les gens vont apprécier.