The Secret of Monkey Island : Special Edition
Oui, The Secret of Monkey Island sur Xbox Live Arcade, ça fait un moment qu’on le fantasmait, mais sans trop y croire quand même. Pensez donc : le jeu est sorti il y a une éternité (1990), n’avait jamais connu de remake depuis, et propose un gameplay suffisamment rigide pour décourager n’importe quelle velléité d’adaptation au pad. C’est pourquoi on est aujourd’hui extrêmement heureux de voir que LucasArts a osé le faire, et dans les règles de l’art. Cette Special Edition contient à peu près tout ce dont on rêvait : une mise à jour graphique, des doublages vocaux (le jeu d’origine n’en proposait pas), des musiques réenregistrées et un dispositif d’aide intégré.
La plupart de ces améliorations apportent un vrai plus au titre. Les doublages notamment, tout sauf au rabais. LucasArts a fait appel aux doubleurs des épisodes suivants de la série pour assurer une cohérence d’ensemble, et cela marche vraiment très bien. Les dialogues sont vivants, entraînants et c’est un plaisir de les redécouvrir sous cet angle nouveau. Les thèmes musicaux réenregistrés ont aussi bénéficié d’un réel soin : on conserve les partitions tout en abandonnant le côté un peu digital des pistes d’époque.
Le seul vrai souci vient des choix artistiques de la mise à jour visuelle. D’un niveau très inégal, elle est loin de valoir, en termes de niveau de réalisation, les jeux d’aventure un peu plus récents de LucasArts, et notamment le troisième épisode de la série, qui était un vrai dessin animé interactif. Ici, c’est tout juste passable, et c’est justement sur ce point qu’on sent que The Secret of Monkey Island : Special Edition est un essai de la part de l’éditeur américain, pour voir si de tels remakes peuvent avoir un avenir aujourd’hui. Ce qui équivaut forcément à un budget limité. On est nécessairement un peu déçus.
C’est là qu’on apprécie une des meilleures idées de Special Edition : une simple pression sur Select permet de repasser sur la version d’époque, avec graphismes et sons d’origine. Manque de chance, quand on effectue ce saut dans le passé instantané, les doublages disparaissent eux aussi. On aurait bien aimé, à ce niveau, que LucasArts s’aventure à un petit paradoxe temporel.
How appropriate ! You fight like a cow !
Ces considérations techniques passées, on peut enfin se replonger dans ce qui est encore aujourd’hui une des aventures les mieux écrites de l’histoire du jeu video. Special Edition conserve mot pour mot chaque réplique du titre original, et on peut donc pleinement savourer la qualité des dialogues brillants concoctés par Gilbert, Grossman et Schafer. Monkey Island, c’est un univers fantaisiste basé sur la piraterie, centré autour d’un héros un peu candide, Guybrush Threepwood, et de son némésis, le capitaine maudit LeChuck. Avec ce premier épisode, on revit les premiers pas des personnages principaux de la saga, l’apprentissage du combat à l’épée (qui se révèle être un combat de répliques plus hilarantes les unes que les autres), l’exploration de Monkey Island, la rencontre mémorable avec les cannibales, etc.
Plus qu’un jeu, The Secret of Monkey Island est un spectacle permanent, un ballet où tout est minutieusement réglé, où chaque réplique fait mouche. Le fait qu’il s’agisse d’une comédie n’y change pas grand-chose : l’abondance de détails subtils démontre l’énorme travail de conception en amont et le talent des quelques personnes à avoir travaillé sur le jeu.
C’est au niveau du gameplay que Monkey Island accuse (un peu) le coup du fait de son grand âge. La navigation s’effectue, comme sur PC, à l’aide d’un curseur, ce qui n’est pas très pratique sur 360. On s’y fait heureusement plutôt bien, mais la rigidité qui découle de ce type de commandes demeure jusqu’à la fin de l’aventure. C’est le prix à payer pour vivre une expérience différente, basée avant tout sur l’exploration et les conversations avec les PNJ plutôt que sur les fusillades dont on n’a que trop l’habitude aujourd’hui.
Un autre aspect marquant du jeu, ce sont ses puzzles particulièrement retors. Marque de fabrique des jeux LucasArts des années 90, les énigmes tordues sont souvent marrantes quand on en trouve la solution, mais très stressantes avant. A l’époque, le truc, c’était de tout essayer. Absolument tout, même ce qui pouvait paraître totalement ridicule à première vue. Aujourd’hui, dans Special Edition, LucasArts expérimente un compromis qui nous a semblé assez intelligent : une pression prolongée sur la touche X permet d’afficher un indice à l’écran, pour mettre le joueur sur la piste, mais sans rien lui révéler. Deuxième pression, deuxième indice, un peu plus marqué. Une troisième pression indique le chemin à prendre et l’action exacte à effectuer pour avancer. Ces tips totalement intégrés et progressifs sont un ajout de taille à l’accessibilité du titre, lequel ne laissera personne frustré. Certains vieux réacs feront sans doute la gueule, mais eh ! C’est ça aussi, le progrès.