Dossier > La durée de vie des jeux vidéo
La durée de vie d’un jeu vidéo est source de vifs débats parmi les joueurs. De l’avis général, elle serait même en constante baisse. Il est de bon goût de brandir alors, en guise de preuve ultime, le si décrié Call of Duty. La licence est à juste titre l’exemple parfait de cette évolution du jeu vidéo. Si la durée de vie moyenne est certes en deçà des normes actuelles, elle n’en reste pas moins supérieure aux jeux de notre enfance. En outre, divers procédés existent permettant de rallonger considérablement celle-ci une fois le solo bouclé, chose faisant cruellement défauts à ces jeux que l’on se complait à vanter. C’est également une pente glissante pour les développeurs et pour l’industrie. De leur point de vue, le but du jeu, si j’ose dire, est de vous accrocher suffisamment longtemps pour que vous ne pensiez que le plus grand bien de leur bébé, mais pas trop pour que vous puissiez vous jeter sur le deuxième épisode déjà en vente aussitôt le premier terminé. Les développeurs ont alors recours à diverses ruses afin de contenter aussi bien les fans que les joueurs occasionnels.
Chapitre 1 : Plus c’est long, plus c’est bon
Il s’agit dans un premier temps de la durée de vie par défaut du titre. Cela correspond, pour la majorité des jeux, au mode solo. Vous vous en doutez, elle varie d’un titre à un autre. Ainsi, un titre comme Portal ne dépassera pas les quatre ou cinq heures, tandis que les déboires de John Marston vous tiendront en haleine une bonne vingtaine d’heures. C’est en grande partie sur la base de celle-ci que les joueurs jugent la durée de vie d’un jeu. Et à raison. Refaisons appel au sieur Marston un instant. Le joueur lambda tâchera de venir à bout de l’aventure principale. Il remplira les diverses missions dans l’espoir de connaître le fin mot de l’histoire et, une fois cet objectif remplit, rangera le jeu dans un coin pour ne plus y toucher, voire le revendra. Dès lors, il est donc légitime que le joueur occasionnel s’oriente vers un titre comme Red Dead Redemption en lieu et place de Portal (indépendamment des qualités intrinsèques de l’un et l’autre, seul prévaut la durée de vie ici, nous le rappelons). Cependant, pour les autres, les fans, les joueurs désireux de sucer le jeu jusqu’à la moelle, les développeurs vous ont réservé bien des choses (voir plus bas). C’est là également que nous nous rendons compte que les jeux de l’époque n’étaient pas forcément plus longs. En effet, ces derniers avaient une durée de vie par défaut extrêmement courte (sauf exception, tel que les RPG). Les jeux se terminant en moins d’une heure étaient légions. Super Mario Bros sur Nintendo se bouclant même en moins de dix minutes pour qui utilise les warp zones ! A contrario, cette faible durée de vie était contrebalancée par une difficulté bien plus relevée que la moyenne des jeux actuels.
Chapitre 2 : Plus c’est dur, plus c’est bon
Nous possédons tous au moins un jeu rangé dans un coin, au fond d’une caisse, que nous n’avons jamais réussis à terminer malgré une bonne quinzaine d’années à essayer sans relâche. Teenage Mutant Ninja Turtles, Punch-Out, Super Ghouls ‘n Ghosts, Alex Kidd in Miracle World, Golden Axe ou encore Bart vs Spaces Mutants. Des noms qui font trembler n’importe quel joueur ayant osé s’y frotter. Ces jeux ne doivent leur longue durée de vie qu’à leur extrême difficulté, relevant parfois du sadisme pur et simple. Car pour un joueur maitrisant le jeu, à peine quelques heures suffisent pour en venir à bout. Mais avant d’en arriver là, des mois et des mois, pour ne pas dire des années, d’essais infructueux auront été nécessaires. Rien d’étonnant donc à ce que les jeux rétro nous semblent infiniment plus longs que leurs homologues actuels. Certes, la difficulté aujourd’hui est bien moindre qu’à l’époque, mais est-ce un mal ? Car celle-ci était en parti dû à des gameplay approximatifs mais aussi et surtout une absence de sauvegarde, nous obligeant à recommencer le jeu dans son intégralité à chaque Game Over. Venir à bout de Teenage Mutant Ninja Turtles n’est plus une illusion à l’aide d’un système de sauvegarde. De même, imaginez-vous recommencer Ninja Gaiden ou Call of Duty (aussi court soit-il) depuis le premier niveau à chaque mort. En outre, Ninja Gaiden est la preuve que les titres à la difficulté extrême existent encore aujourd’hui. Qui plus est, la génération de joueurs actuels souhaite-t-elle réellement des jeux à la difficulté relevée ? L’arrivé de patchs visant à abaisser la difficulté par défaut d’un jeu comme Catherine, ainsi que les nombreux guide vidéo sur internet tendent à prouver le contraire.
Chapitre 3 : Les aventuriers de la carotte perdue
Une fois le jeu terminé, deux solutions s’offrent à vous. Ranger celui-ci et passer dans votre boutique favorite pour vous lancer dans une nouvelle aventure. Ou alors, fouiller le jeu de fond en comble à la recherche de secrets cachés. Dans le cas présent, les trucs pour vous scotcher la manette à la main ne manquent pas. La structure des niveaux, truffés de passages secrets et autres easter egg (littéralement œufs de Pâques) est peut-être la plus vieille astuce auquel ont recours les développeurs. Tout le monde, ou presque, connait les fameuses warp zones de Super Mario Bros, intelligemment cachées. Qui encore ne s’est jamais accroupi sur chaque tuyau dans l’espoir de trouver un niveau bonus ? Ces passages secrets, ces niveaux bonus, ont, dans un premier temps, vocation à récompenser le joueur pour sa persévérance et sa passion, en lui faisant gagner un temps précieux, ou en le gavant de bonus. Et n’oublions pas encore de faire référence aux indétrônables Doom et Duke Nukem 3D et leurs niveaux labyrinthiques fourmillants de passages secrets. Mais rapidement, ces secrets ont évolué au-delà de la simple récompense. Désormais, ces derniers ont principalement vocation à amuser le joueur et, plus rare, lui fournir de précieuses informations sur le scénario du jeu. La série des Halo est l’exemple parfait en matière d’easter egg. Le premier épisode contient déjà quelques secrets, comme le célèbre Grunt assoiffé du dernier niveau. Dès lors, chaque épisode a connu son lot de secrets, plus ou moins importants. Autre exemple, dans Halo 3, fouiller les niveaux à la recherche des terminaux vous permettait ainsi d’en apprendre davantage sur le passé des mystérieux forerunners. Quand au dernier épisode en date, il est possible, en cherchant bien, d’apercevoir le Master Chief en cours de jeu. Ces secrets peuvent considérablement prolonger la durée de vie du jeu, pour peu que vous soyez un minimum fan du titre. Dans Resident Evil 2, il aura fallu des années aux joueurs pour découvrir le secret suivant : ouvrez et fermez 50 fois de suite le bureau de Wesker et vous trouverez une photo de Rebecca Chambers. Dernier exemple en date, il a fallu que les développeurs en personnes révèlent l’existence d’une pièce secrète dans Batman : Arkham Asylum, jusqu’alors inconnue de tous les joueurs, celle-ci ne révélant rien de moins que l’existence du deuxième épisode actuellement en développement. Une première, tant les joueurs sont d’ordinaire de vrais Sherlock Holmes en herbe. Mais ces secrets comptent uniquement sur la passion des joueurs. D’autres exploitent leur avarice. Ainsi, les développeurs leur feront miroiter de nouvelles armes ou costume en échanges de quelques heures de jeux supplémentaires. La recherche d’objets est également le nouveau truc à la mode. Quel que soit l’intérêt derrière (pour la frime ou pour en apprendre plus sur l’histoire du jeu), presque tous les jeux du marché actuel y ont recours. Les plaques CGU dans Gears of War ou encore les enregistrements audios de Bioshock.
Chapitre 4 : Succès déverrouillé : AAA
Là, nous abordons une des pratiques qui a le plus souffert de l’évolution des jeux vidéo : le scoring. Auparavant, les jeux dont la durée de vie ne reposait que sur l’acharnement des joueurs à vouloir battre le score du mystérieux AAA étaient légions. Pac-Man, Donkey Kong, Space Invarders et bien d’autres. Pleinement justifiée dans les salles d’arcades, cette quête du prestige a perdu de sa superbe avec l’arrivé des consoles de salon. Le joueur n’étant plus alors que le seul participant dans cette course vers la première place, tenter de faire le score parfait n’a plus guère d’intérêt. Par ricochet, c’est finalement le jeu lui-même qui perd de son intérêt. Ce genre de titres n’ayant que très peu de niveaux, voir un seul dans les cas les plus extrêmes, le joueur se détourne très vite d’eux. Il est bon de penser que l’arrivé du jeu en ligne aurait ranimé cette frénésie. Que nenni ! Des titres comme The Club, ou dernièrement Bulletstorm témoignent du peu d’estime que portent les joueurs à cette pratique. Finalement, à cette mode s’en est substituée une autre, celle des succès. Désormais, l’objectif premier n’est plus de posséder le plus gros score, mais le plus de succès. Certains joueurs n’abdiqueront que lorsqu’ils auront débloqué l’intégralité des succès d’un jeu. Ce qui peut prendre quelques jours, comme quelques mois, suivant la difficulté de celui-ci. De quoi, là encore, rallonger considérablement la durée de vie d’un jeu. Finalement, les succès associent la pratique du scoring à celle des défis que les joueurs se lancent. Terminer le jeu dans le mode de jeu le plus difficile, avec uniquement le cutter plasma, sans gamer over, etc… C’est donc logiquement que nous en venons à la maîtrise du jeu par le joueur. Un joueur désireux de maîtriser son jeu favori passera de nombreux mois à s’entraîner, ausculter le jeu sous toutes les coutures. C’est particulièrement vrai pour les jeux compétitifs tels que les jeux de combats ou les FPS.