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03.09.2011 à 11h39 par |Source : Rédaction

Dossier > Le FPS solo ou l’illusion ludique

L’histoire du FPS est riche en titres d’exception, mais vous êtes-vous déjà demandé comment fait un FPS solo pour vous raconter une histoire ? Cinématiques, événements scriptés pour renforcer le spectacle des campagnes solo, ces procédés ne sont pas les seuls artifices dont disposent les développeurs pour impliquer le joueur dans une aventure. Petite tentative de décryptage des techniques de narration dans ce genre si particulier.

Note : Ce dossier contient de nombreux spoils. Les références se concentrent volontairement et en priorité sur les titres Xbox 360pour une illustration du propos qui ne cherche pas à être exhaustif et encore moins à établir une encyclopédie du FPS.

Préambule : Je ne me vois pas donc je suis

FPS, pour First Person Shooter ou jeu de tir à la première personne en français. La vue à la première personne permet au joueur de se plonger différemment dans le jeu, un peu comme dans un livre dont vous êtes le héros qui vous parle parfois à la deuxième personne. On parle de vous et ça se passe maintenant. On tente ainsi de gommer la distance entre récit et lecteur. D’ailleurs, La modification de Michel Butor, un roman français de 1955 débutait déjà par cette phrase : « Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre… » Eh oui, le livre dont vous êtes le héros n’est pas le premier essai de narration à la deuxième personne ! Avec le FPS, on nous promet un peu le passage à la première personne, l’implication du joueur dans l’histoire prend une dimension supplémentaire et supprime une dernière barrière entre le récit, le personnage et vous, le joueur. On passe du « vous regardez par la fenêtre » à « je regarde par la fenêtre, et c’est parce que j’ai décidé de le faire ». Le rapport au récit est donc unique et inventé par le genre. Pour autant, la simple vue à la première personne ne suffit pas à intégrer le joueur dans un récit et un level-design ainsi que différents artifices renforcent l’illusion du spectacle. Si le fait de ne pas voir son avatar permet au joueur de s’immerger dans l’action (illusion d’un champ de vision), la conclusion est donc aussi simple qu’animale, je ne me vois pas donc j’y suis.


1/ Les origines : Doom Vs Half-Life ou Dédale Vs Homère

Si ce dossier n’a pas l’intention – et encore moins la prétention – de faire un panorama exhaustif du FPS, faisons un peu de mythologie fondatrice et remontons quelques années en arrière à une époque où l’on parlait encore de doom-like. Doom ne fut certes pas le premier FPS (on parle d’habitude de Wolfenstein 3D même si là encore les avis divergent) mais il posa dès le départ trois principes que Half-Life, son grand rival pour la postérité, viendra plus ou moins contester.


Le premier est le level-design en labyrinthe (Dédale donc, mais vous connaissez sûrement mieux sa fille, on la suit à la trace). Avec Doom les niveaux n’étaient pas linéaires, et par-dessus tout ils imposaient de nombreux aller-retour. A l’inverse, Half-Life posait un découpage linéaire des niveaux, comme autant de chapitres à la transition plus subtile qui faisaient progresser le joueur dans le scénario (Homère, pas le fan de Donuts, l’autre).

Le deuxième principe posé par Doom est la vague d’ennemis. On pénètre dans une salle et il faut la nettoyer des ennemis qui, selon leur genre (tir, corps à corps) vous agressent. A l’inverse, là où Half-Life frappa un grand coup, c’est avec le comportement des ennemis faisant tout en apparence pour vous supprimer. Une illusion de comportements crédibles qui, là aussi, renforçait l’immersion du joueur dans l’histoire. N’oublions pas que les deux partagent un amour démesuré pour les mécanismes à activer et les boutons verts sur lesquels il faut, bien évidemment, toujours appuyer. Pour filer notre comparaison, Doom (Dédale) nous soumet une énigme alors qu’Half-Life (Homère) nous raconte une histoire (saupoudrée d’énigmes certes).


Enfin, l’ultime divergence trouve sa source dans la direction artistique très forte des deux titres. Alors que Doom, puis Quake, proposent des univers de science-fiction fantaisistes, Half-Life s’efforce de retranscrire des environnements plausibles et, disons pour simplifier, « réalistes ». Un environnement crédible, théâtre d’une action impliquant toujours plus le joueur. On se souvient tous des premiers pas de Gordon dans le complexe de Black Mesa où il côtoie des scientifiques qui vaquent à leurs propres occupations. Si Doomrestera dans l’histoire du jeu vidéo pour avoir posé les principes du gameplay des FPS, Half-Life s’inspirait déjà des procédés de narration des autres medias et posait les grandes lignes retranscrites aujourd’hui encore avec application. Encore une fois, Alors queDoom (Dédale) peuple son univers de Minotaures, Half-Life (Homère) se concentre sur l’humanité de Gordon Freeman, un scientifique, pas un surhomme. Osons le parallèle, il est un peu le Hector du Jeu Vidéo, moins fort mais plus attachant, ou celui qui, comme Ulysse, triomphera par la ruse (et un bon pied de biche).


2 / Procédés narratifs : un lourd héritage

Le jeu vidéo est-il le huitième art annoncé par beaucoup ? Ou bien tout simplement un produit culturel qui se contente de recycler des codes préexistants comme le fait la publicité ? Le flou ne risque pas de se dissiper avec le mélange des genres de plus en plus prononcé et ce n’est pas un hasard si l’on retrouve dans les FPS l’héritage de nombreux procédés littéraires et bien sûr cinématographiques. En tête, on trouve le fameux flashback, utilisé par exemple dans Medal of Honor, où l’on est projeté dans une bataille à bord d’un hélicoptère qui s’écrase. Pas plus d’informations pour nous expliquer le pourquoi de notre présence. Perte de connaissance et hop, nous voilà quelques heures plus tôt pour remettre en ordre les événements qui nous ont conduit jusqu’à ce crash. Simple mais pas forcément efficace. Plus élaboré qu’il n’y paraît le découpage des Modern Warfare nous fait suivre plusieurs protagonistes dans des scénarios plus ou moins simultanés qui finissent toutefois par se croiser. Ce procédé de timeline croisée est hérité des séries américaines, mais aussi du feuilleton littéraire d’une manière plus générale. Chaque fin de chapitre fait office de cliffhanger et il faudra avancer dans une autre histoire pour récupérer la précédente. Pour le coup, c’est aussi efficace qu’accrocheur.


Enfin, le Deus Ex Machina théâtral, a lui aussi été recyclé dans des titres comme FEAR. Même si ces apparitions plus ou moins divines ne sont pas là pour débloquer définitivement une crise comme dans les tragédies grecques, elles agissent sur le déroulement là où tout semblait bloqué (une porte qui s’ouvre par magie, des objets qui s’effondrent avec tout autant d’opportunité). Il est loin le temps où l’on parcourait les salles monotones d’une station martienne sans âme. Notons, un peu à part dans ce genre, et plus First Personn Slasher que Shooter, la série des Condemned qui joue avec les angoisses du joueur, la peur du noir, des environnements labyrinthiques et un scénario particulièrement sombre. S’ils n’utilisent aucun procédé particulier (et abusent même des écrans de TV comme vecteurs de communications paranormaux), ces deux titres se démarquent en jouant uniquement sur un sentiment : l’angoisse. Un pari osé qui fonctionne plus ou moins selon les joueurs et qui, à l’instar des slashers movies, se suffit souvent à lui-même. Une bonne frousse remplace parfois une bonne idée !

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