1st Look > Child of Light
Sous sa couche « arty » largement mise en avant par une D.A qui emprunte aux techniques de la peinture appuyée par des musiques mélancoliques jouées au piano et des dialogues écris en vers où la rime domine, Child of Light peut au premier abord paraître aussi sexy qu’une visite à l’aile Denon au Louvre. Avec son côté plateformer 2D, dû aux déplacements qui se font sur un scrolling haut/bas, gauche/droite, comme dans tout bon Rayman qui se respecte, le titre d’Ubisoft a la forme d’un jeu indé qui sent le jeu indé. L’analogie avec le héros sans membre de Sieur Ancel n’est pas fortuite puisque Child of Light utilise le fameux moteur UbiArt Framework, qui a déjà officié sur les éditions Origins/Legends (et que l’on retrouvera dans le prochain Valiant Hearts). Il reprend aussi le système de luciole à déplacer qui permet d’interagir avec la faune et la flore locale et résoudre des énigmes (basées sur la lumière), même si le directeur créatif préfère parler de Mario Galaxy comme référence pour ce procédé. Il est ainsi possible de distraire les adversaires en les éblouissant ou de ramasser des Lums sphères dans un bon timing pour accumuler divers PM, en utilisant le stick droit du pad ou en confiant cette étincelle à un deuxième joueur.
Car le bébé d’Ubisoft, malgré les apparences, n’est pas un jeu de plate-forme comme on en voit par dizaines ces derniers temps. Il place effectivement le joueur dans la peau de la jeune Aurora qui évolue (au sens propre comme au figuré) dans le monde de Lemuria. À pied, au début de l’aventure, jusqu’à ce qu’elle récupère des petites ailes de fée lui permettant de s’envoler à son aise dans les univers du titre. Lorsque le joueur rencontre un monstre au fil de son périple, il peut engendrer un combat en entrant en collision avec ce dernier (ou passer à travers et éviter la violence en l’éblouissant à l’aide de sa petite luciole accompagnatrice). En cas d’affrontement, une arène se charge alors comme dans n’importe quel Final Fantasy, donnant accès au joueur à différents menus lui permettant de gérer l’affrontement (attaque, défense, magie, objets, gestion du groupe, fuite). Chaque action décidée par le joueur interfère sur une timeline d’attaque en bas de l’écran, précisant quand son action et celles des adversaires de l’arène vont s’exécuter. Évidemment, les coups magiques lourds, entre autres, ralentissent cette vitesse d’exécution. Heureusement, se servir de la luciole pour éblouir les méchants pas beaux permet également de ralentir le chargement de leurs actions, luciole qui elle-même possède une barre de PM qui se vide au fur et à mesure de son utilisation.
« La grande simplicité des systèmes de jeu et des mécanismes de combat font du titre d’Ubisoft un RPG simple qui se range dans la catégorie classique, avec comme inspiration principale Grandia 2 et Valkyrie Profile »
Face à ce grand classicisme mâtiné d’efficacité, les combats réussis donnent des points d’XP à dépenser dans, ô surprise, des arbres de compétences. Celui d’Aurora, découpé en trois grandes parties, ne permet cependant pas de créer un gros Bill dans une catégorie unique. En effet, un joueur ne voulant booster que la magie, par exemple, devra revoir ses plans. Dans Child of Light, ce sont les personnages eux-mêmes qui déterminent leurs caractéristiques (le bouffon healer, le nain bourrin, etc). Le joueur, lui, choisit les bonus qu’il préfère débloquer dans les arbres de compétences respectifs, dont les chemins sélectionnés pour accéder aux branches principales contiennent à de rares exceptions près les mêmes bonus à débloquer par rapport à ceux des autres branches. Les pros de la personnalisation à l’extrême tiqueront, mais Child of Light ne s’adresse clairement pas à eux. La grande simplicité des systèmes de jeu et des mécanismes de combat font du titre d’Ubisoft un RPG simple qui se range dans la catégorie classique, avec comme inspiration principale Grandia 2 et Valkyrie Profile, selon le directeur créatif Patrick Plourde qui a pris le temps de répondre à nos questions et jouer à nos côtés. Ce n’est en tout cas pas le principe d’Oculi, ces pierres que l’on peut fusionner pour équiper arme, armure et bijou et ainsi apporter des bonus de dégât ou de résistance, qui peut rompre l’impression de déjà-vu du gameplay général de Child of Light.
Dans ce voyage initiatique relatant du passage de l’enfance à l’âge adulte qui prend place dans un univers « où le meilleur des arts se rencontre » selon le directeur créatif, il va falloir aider Aurora à mettre la main sur des PNJ capables de la rejoindre et ainsi monter une équipe que rien n’effraie. Sept personnages aux aptitudes diverses et variées sont annoncés (à faire monter jusqu’au niveau 99 pour les courageux), même si seulement un seul lascar, en plus de l’héroïne, peut prêter main forte au combat. A noter que lors des déplacements sur la map, la petite troupe n’est pas visible. Seuls les pouvoirs d’Aurora importent donc lors des passages plus plate-forme. Évidemment, l’univers est parfois composé de grosses épines entre lesquelles il faut diriger Aurora sans la blesser et autres joyeusetés plus ou moins létales, ainsi que des passages secrets octroyant la possibilité de mettre le grappin sur des bonus rares. Un petit groupe pour lequel le joueur devrait ressentir pas mal d’empathie, puisque le scénario devrait faire la part belle à l’émotion, la nostalgie, voire la mélancolie selon Patrick Plourde. Nos trois bonnes heures de test ne nous ont en tout cas pas permises d’en apprendre forcément plus, même si l’ambiance sonore ainsi que le visuel très pastel coïncideraient très bien à une histoire plutôt triste. Il faut dire que, testant le jeu en coopération à deux joueurs en local, nous n’étions peut-être pas suffisamment « préparés » à recevoir le message mélancolique délivré. Une coop sympathique surtout lors des combats où la luciole a un rôle important dans le ralentissement des attaques adverses et le healing des héros, demandant aux deux joueurs de bien se synchroniser et d’établir des plans bien sentis pour réussir.
« Évidemment, l’univers est parfois composé de grosses épines entre lesquelles il faut diriger Aurora sans la blesser et autres joyeusetés plus ou moins létales, ainsi que des passages secrets octroyant la possibilité de mettre le grappin sur des bonus rares »
Outre finalement le grand classicisme de ces premières heures sur Child of Light, certains détails peuvent interpeller. Le level design tout d’abord semble très scolaire : une fois le pouvoir de voler acquis, l’impression de se retrouver dans un Insanely Twisted Shadow Planet amputé de son sel peut se ressentir, dans un genre différent bien entendu. Gageons qu’il ne s’agisse que d’un choix émanant des premiers niveaux, à l’instar des deux ou trois énigmes basées sur la lumière et la physique très simples dans la manière de les résoudre. L’accessibilité, ensuite, avec le fait de devoir trouver ses comparses disséminés un peu partout dans l’univers. En jouant en coopération, il nous est arrivé de manquer le premier partenaire et ainsi nous retrouver face à un boss qui nous a infligé branlées sur branlées malgré de longs combats. Nous sommes donc partis nous battre contre la faune locale afin de gagner de précieux points d’XP, sans résultat face au patron. Le géant était vraiment trop fort. Nous n’aurions pas été contre, à ce moment-là, un message contextuel nous indiquant que nous étions juste passés à côté d’un héros. Pourtant persuadés d’avoir raté quelque-chose face à ce pic de difficulté incongru, nous avons rebroussé chemin, cherché à droite et à gauche, remué ciel et terre, sans tomber sur ce vil bouffon pourtant posé quasiment juste en face de l’endroit où l’on récupérait la main après la dernière cutscene. Typiquement le genre de détail frustrant qui aurait pu être évité avec juste un petit message nous indiquant qu’un adjuvant manquait à l’appel pour faciliter l’affrontement, le jeu nous laissant vraiment croire à une réussite possible même non-accompagné. Ce qui est peut-être le cas au final avec un perso boosté et après de multiples combats, comme à la vieille époque.
« Nous voulions faire un JRPG à la Final Fantasy qui ressemble à une toile de l’âge d’or de la peinture » nous explique le directeur créatif Patrick Plourde, « avec des inspirations provenant de tableaux de John Bauer et de peintres de la fin du 19ème ». Avec ses 15 mois de production et toute sa bonne volonté, Child of Light nous a plutôt ravis malgré une grande utilisation de tout ce qui existe déjà un peu partout. Le tout fonctionne bien et semble aussi précis et huilé qu’une horloge Suisse malgré quelques infimes accrocs. Doté d’une durée de vie annoncée comme dépassant la bonne dizaine d’heures pour un premier run, un mode New Game + et de multiples secrets à collectionner, le titre d’Ubisoft promet d’être plus que complet malgré son petit prix, jeu XBLA oblige. Les versions 360 et Xbox One seront, à ce titre, quasiment identiques, avec un 1080p et du 60fps pour la dernière-née de Microsoft, et des succès à 1000G (One) contre 200G (360). Child of Light n’utilisera cependant ni Kinect, ni Smartglass. Enfin, du contenu téléchargeable est d’ores et déjà prévu, débloquant de nouveaux héros et pouvoirs à ceux qui craqueront.
Sous sa couche « arty » et indé stratosphérique, Child of Light se révèle d’une grande efficacité. L’utilisation de tout un tas de mécanismes approuvés depuis des années forment ici une œuvre accessible, malgré quelques menus détails. Si du côté de la direction artistique le titre frôle le sans faute, c’est peut-être le game-design général, qui emprunte autant à la cigale qu’à la fourmi, qui nous a semblé le plus « light » durant notre première lecture. Gageons que le conte écrit par Ubisoft saura faire ressortir sa personnalité dans ses chapitres plus avancés, au risque sinon de se transformer en un livre d’illustrations où le papier calque utilisé pour absorber le travail d’autres fabuleux auteurs sera trop perceptible pour permettre à l’épopée qu’il dépeint de briller de mille feux.