Xbox, Game Pass et fin des exclusivités, nous en sommes où ?
A tête reposée
Microsoft, avec sa marque Xbox, est, depuis 2001 et le lancement de la première Xbox, un acteur majeur dans l’industrie du jeu vidéo. Cependant, ces dernières années, la stratégie de l’entreprise a évolué de manière significative. Après la réussite de la Xbox 360, c’est l’échec cuisant de la Xbox One en 2013 et de la stratégie TV TV TV de Don Mattrick qui ont posé les jalons des dix dernières années. Avec la sortie de la PlayStation 5 (PS5) et de la Xbox Series X en 2020, la compétition Playstation / Xbox a pris une nouvelle dimension. Celles-ci sont d’ailleurs arrivées dans un contexte on ne peut plus inédit et particulier.
Depuis 2020 et l’arrivée du Covid, l’industrie du jeu vidéo connait en effet une mutation franche. Après une période d’expansion massive, véritable lune de miel vidéoludique, l’industrie du jeu vidéo traverse une période de turbulences financières. En 2023, de nombreuses entreprises, y compris des géants comme Electronic Arts et Epic Games, ont procédé à des licenciements massifs. En partie due à une correction du marché après le boom des jeux vidéo pendant la pandémie de COVID-19, la crise est aussi due aux coûts de développement des jeux qui ont explosé, rendant ainsi difficile la rentabilité pour de nombreux studios. Très clairement en retard, avec un rapport de 5 PS5 installées pour 1 Xbox Series, Microsoft doit donc nécessairement se démarquer. Avec en plus les « années Covid » et la crise financière, Xbox et Microsoft tentent d’avancer … quitte parfois à nous perdre.
La stratégie récente de la firme de Redmond semble se focaliser sur deux épicentres : le jeu à la demande via le Game Pass, et plus récemment la fin des exclusivités consoles. Une dernière option qui fait jaser, pose question et peut nécessiter d’y réfléchir à tête reposée avec le plus d’objectivité possible. Historiquement, les exclusivités ont été un pilier central de la stratégie des consoles de jeux. Microsoft a en effet adopté une approche différente en rendant certains de ses jeux disponibles sur des plateformes concurrentes comme la PlayStation et la Nintendo Switch. Cette décision, bien que risquée, vise à élargir l’audience de Xbox et à générer des revenus supplémentaires pour réinvestir dans de nouveaux jeux et franchises.
Phil Spencer, a récemment expliqué que cette stratégie permet de toucher un public plus large et de renforcer la marque Xbox, même en dehors de ses propres consoles. Par exemple, des jeux comme “Sea of Thieves” ont connu un succès notable sur PlayStation, prouvant que cette approche peut être bénéfique. Il semble d’ailleurs que cette stratégie mettant en avant le Game Pass et l’accessibilité sur de nombreux supports, autres que ceux estampillés Xbox, portent ses fruits. Les bénéfices de la marque sont très positifs cet été et tendent à donner raison à la logique de marché, et rassurent quant à la rentabilité de l’achat d’ABK. Mais notre cœur de joueur se déplait à croire que la marque Xbox se résume à une logique de rentabilité exclusive.
Indiana Jones et le Cercle Ancien a par exemple récemment cristallisé les crispations des « fans ». Mais c’est sans oublier que le jeu n’était à l’origine pas censé être exclusif avant l’acquisition de Bethesda par Xbox. Il avait déjà été question de ces exclusivités « au cas par cas ». Loin de se voiler la face, Phil Spencer et Xbox ont bien conscience du retard pris sur les parcs installés de consoles. Xbox n’est d’ailleurs pas la seule, même si elle reste la principale entreprise, à explorer la « fin des exclusivités consoles ». Nintendo, célèbre pour ses franchises exclusives sur ses propres consoles, a déjà exploré le marché des jeux mobiles et Sony a commencé à publier certains de ses titres phares sur PC. Comme pour les développeurs et les éditeurs, rendre les jeux disponibles sur plusieurs plateformes peut augmenter les ventes et les revenus.
La première conclusion serait alors de se dire « autant jouer sur PC ». Mais notre petit doigt nous dit que celle-ci serait un brin simpliste et sans prendre en compte les différents publics auxquels la marque peut s’adresser. Si l’on ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de sa propre lorgnette, la question de la fin des exclusivités peut avoir une réponse binaire, type «c’est la fin des consoles Xbox». Mais si nous élargissons notre vision, d’autres possibilités sembent s’offir à nous. Certes le jeu sur PC est souvent considéré comme la quintessence du jeu vidéo en raison de sa flexibilité, de ses performances supérieures et de sa vaste bibliothèque de jeux. Cependant, il peut être intimidant pour les débutants en raison de la complexité des configurations matérielles et logicielles nécessaires. Et ce, sans prendre en compte le coût d’un setup PC complet. Poser juste son pad, manette simple ou contrôleur adaptatif nécessite souvent un certain niveau de maitrise. Ainsi, la facilité et le coût de cette accessibilité sont, trop souvent, des éléments non pris en compte.
Jouer sur console, et non sur PC, peut alors s’avérer être beaucoup pus simple pour un public qui souhaite jouer en picorant. On pense alors à jouer à un petit Balatro depuis son canapé sans avoir à se questionner si notre PC est en mesure de le lancer, ou se faire une petite session d’un jeu solo narratif indépendant comme l’on consommerait un bon film un vendredi soir, que l’on soit chez nous, en vacances, ou sur notre mobile. Il semble que la stratégie future Xbox s’oriente vers cet objectif. Cela fait en effet plusieurs années que Xbox tente de rendre « le jeu accessible pour toutes et tous partout et tout le temps ». Avec donc en premier lieu la question de l’accessibilité.
- Accessibilité des supports. La fin des exclusivités permet à un plus grand nombre de joueurs d’accéder à des jeux auparavant réservés à une seule plateforme. Quel vrai amateur de jeu vidéo ne souhaiterait pas voir son jeu préféré rendu accessible au plus grand nombre ? Cela peut enrichir l’expérience de jeu pour de nombreux joueurs qui n’ont pas les moyens d’acheter plusieurs consoles. Cela peut améliorer l’expérience multijoueur et créer des communautés plus dynamiques. En revanche, la fin des exclusivités peut poser plusieurs problématiques, comme des défis techniques pour les développeurs, un risque de saturation du marché avec une concurrence accrue pour les plus petits studios, qu’il conviendra de soutenir et protéger.
- Accessibilité des contrôleurs et des accessoires. Avec son programme adapté et l’accompagnement des joueurs en situation de handicap, Xbox s’est très clairement placé dans une démarche d’inclusivité et d’accessibilité à l’ensemble des publics auxquels la marque s’adresse. La récente annonce du Joystick adaptif Xbox va complètement en ce sens, et montre que Xbox continue de s’inscrire dans cette démarche d’inclusivité, sans se contenter de son premier Xbox Aaptative controler
En plus de l’accessibilité, la réussite et l’expansion de Xbox pose une question ô combien essentielle, mais trop souvent invisibilisée. Celle de l’humanisation de l’industrie vidéoludique. Dans ce contexte de crise, les choix humains prennent en effet une importance cruciale et les décisions prises par les dirigeants de Microsoft et d’autres entreprises influencent directement la vie des développeurs et des joueurs. Il est essentiel de reconnaître l’humanité derrière chaque jeu vidéo, des créateurs passionnés aux joueurs dévoués. Les affaires concernant les harcèlements en tout genre, la place faites aux femmes ou les périodes de crunch durant lesquelles les lois du travail (qui diffèrent d’ailleurs d’un pays à l’autre…) ont largement été mises à mal se sont multipliées ces dernières années. Les conditions de travail précaires et la culture du crunch qui caractérisent l’industrie ont plusieurs fois été mises en lumière. Les développeurs sont souvent soumis à des semaines de travail exténuantes, et les décisions des dirigeants peuvent entraîner des conséquences dévastatrices sur les employés. Est-ce parce que les langues se délient (enfin ?) ou parce que les abus se multiplient, difficile à dire. Quoiqu’il en soit, il est à espérer que les conditions de travail de toutes les actrices et acteurs aillent en s’améliorant.
En ce sens, Xbox a déjà mis en place plusieurs mesures pour améliorer la vie professionnelle et personnelle de ses développeurs. En mettant en place des programmes de soutien à la santé mentale pour lutter contre le stress et l’anxiété ou en adoptant une politique de travail hybride, permettant aux employés de travailler à distance une partie du temps. Cette flexibilité aide les développeurs à mieux équilibrer leur vie professionnelle et personnelle. Xbox publie d’ailleurs régulièrement des rapports de transparence pour montrer les efforts déployés pour créer un environnement de travail sûr et inclusif. Ces rapports incluent des données sur la modération proactive des contenus toxiques et les initiatives pour améliorer la sécurité et le bien-être des joueurs et des employés. A l’inverse, Blizzard par exemple, AVANT son acquisition par Microsoft, a bel et bien connu ses « difficultés » (doux euphemisme….) du temps de Bobby Kotick. Un procès a en effet révélé des comportements inappropriés et un environnement de travail hostile pour les femmes.
Désormais dans le giron de Xbox, on espère une amélioration pour le futur quant à la toxicité au travail dans ses studios ABK. Car sans pour autant être de perdreau de l’année, on peut imaginer qu’une entreprise de l’envergure de Microsoft-Xbox-Bethesda-Activision-Bilzzard-King (…) ne pourra se passer d’un service de prévention des risques liés au travail, ce qui n’est pas le cas de plus petites entreprises ou éditeurs. Et si Xbox est dans une logique de marché, propre à faire des bénéfices certes, on peut imaginer et espérer que ceux-ci puissent permettre d’offrir aux humains qui peuplent l’entreprise des conditions de travail dignes et humains. Toujours ce jeu d’équilibriste donc. Rentabilité, satisfaction des joueurs, satisfaction des actionnaires, bien être des employés… autant de données à prendre en compte, qui ne peuvent se résumer à 240 caractères sur Twitter. N’en déplaise à certains. Sans être d’une candeur et d’une naïveté dignes de Voltaire, on peut se plaire à espérer que Microsoft et Xbox songent à protéger leurs employés et créateurs, pour développer de véritables œuvres vidéoludiques propres à élever le jeu vidéo au rang qui mérite d’être le sien.
Microsoft reste un géant du High-Tech avec ses imperfections, loin d’être exempt de défauts. En fin de compte, l’avenir du jeu vidéo dépendra de notre capacité à innover tout en respectant les personnes qui rendent cette industrie possible. Nous espérons que Phil Spencer, Sarah Bond et Satya Nadella nous promettent un avenir meilleur et plus inclusif pour tous les actrices et acteurs de l’industrie. La fin des exclusivités dans le jeu vidéo reflète en ce sens une évolution vers une industrie plus inclusive et accessible. Bien que cela présente des défis, les avantages potentiels pour les joueurs et les développeurs sont significatifs. Les choix humains, tant au niveau des dirigeants que des développeurs et des joueurs, joueront un rôle crucial dans la réussite de cette transition. Avec une approche équilibrée et une attention portée aux besoins des joueurs, l’industrie du jeu vidéo peut continuer à prospérer et à innover. Toujours plus d’humanisme, c’est tout ce que nous souhaitons.