Interview exclusive de Yosuke Futami, producteur de Synduality et Sword Art Online
Bonjour Futami-san
1- Vous êtes connu pour avoir produit de nombreux jeux et animes tirés de la franchise Sword Art Online, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
J’ai commencé ma carrière par la production de «Haruhi Suzumiya», puis j’ai ensuite pu travailler sur la production des adaptations issues du Light Novel “Sword Art Online”. Non seulement ses adaptations en jeu vidéo, mais aussi auparavant sur son adaptation en anime. Après des années de travail autour des processus de production des différents jeux consoles SAO, j’ai ensuite pu plancher sur une toute nouvelle production : Synduality. Ce projet inédit se décline également sur plusieurs supports, comme un animé et un jeu vidéo, pour lesquels j’ai participé à la production, mais aussi un light novel et un manga.
2- Pour Sword Art Online, vous avez pu vous appuyer sur un univers imaginé par Reki Kawahara, quel a été le point de départ d’un projet aussi vaste que Synduality ?
Synduality est effectivement une création originale. Dans celle-ci, je voulais explorer les interactions entre humains et intelligences artificielles. C’était le point de départ du concept. Je suis fier d’avoir pu creuser l’idée initiale, notamment grâce à la participation de créateurs issus de différents médias pour arriver au résultat actuel.
3- Avec Synduality: Echo of Ada, comment vous est venu l’idée de faire un jeu d’extraction ?
Dans Synduality: Echo of Ada, le joueur part à l’aventure en compagnie d’une IA. Ce voyage est au cœur d’une partie du jeu. Les premières ébauches n’avaient en effet pas grand chose à voir avec un extraction shooter. C’est à la suite de la sortie de “Shiren The Wanderer” au Japon que l’idée a progressivement germé de faire de notre production un extraction shooter. C’est en s’inspirant de ce roguelike où les défaites simultanées du joueur et de son IA signent la fin de la partie que j’ai pu approfondir la conception du jeu Synduality. Au fur et à mesure de leur aventure, les joueurs peuvent parfois faire la rencontre d’autres voyageurs. Ceux-ci peuvent tantôt se montrer amicaux, ou tantôt franchement agressifs. Finalement, dans ce vaste monde, le compagnon IA nommé Magus est la seule présence en qui le joueur peut avoir réellement confiance.
4- Le titre a l’air d’être un jeu service. Aurons nous droit à un système de saisons avec un Battle Pass ou quelque chose dans ce genre là ?
Oui, le jeu aura plusieurs saisons et pour les accompagner, un Battle Pass nommé “Drifter Pass” sera proposé. Les joueurs pourront augmenter leur expérience ou encore obtenir des récompenses déterminées par leurs différentes actions.
5- Nous avons découvert Synduality: Echo of Ada lors de la première phase de bêta, et nous avions trouvé que le jeu était assez punitif. Avez-vous apporté des modifications concernant la difficulté, ou est-ce un choix de votre part de vouloir créer un sentiment de tension intense chez le joueur dès qu’il pose le pied à la surface ?
Les premiers retours de la bêta ont effectivement évoquer une difficulté excessive du tutoriel. C’est pourquoi nous avons souhaité améliorer un certain nombre d’aspects de celui-ci tout en apportant quelques changements au niveau de l’ergonomie générale. Ainsi, nous pensons que désormais l’expérience de jeu de Synduality: Echo of Ada est bien meilleure qu’au départ. La difficulté, de son côté, ne devrait pas être trop relevée pour les joueuses et joueurs s’étant déjà essayés à différents shooters. Ils pourront en effet compter sur le soutien et l’aide de leur Magus pour les prévenir en cas d’attaque surprise de l’ennemi. Mais au-delà des ennemis environnementaux, ce sont bien d’autres joueurs qui pourront parfois les attaquer pendant leur périple. Nous pensons que l’alternance entre la crainte des attaques d’autres joueurs et le soulagement de retourner à sa base en un seul morceau avec un joli butin crée une certaine tension propre à ce genre de jeu, et le rend unique.
6- Malgré tout, nous avions éprouvé un petit sentiment de solitude, ce qui rendait l’expérience d’autant plus compliquée, entre une faune agressive et les autres joueurs qui vous pourchassent sans relâche. Est-ce qu’il y aura un système de faction dans la version finale afin que l’on puisse également trouver des alliés en jeu ?
Je pense que ce sentiment de solitude vient du fait de ne pas avoir totalement pu prendre la mesure du concept de Magus dans le tutoriel. Cette IA vous accompagnera à chaque instant, vous avertissant de tous les dangers, pour vous aider à prendre les bonnes décisions aux bons moments : opter pour engager le combat ou au contraire une retraite stratégique ? J’encourage d’ailleurs vivement les joueuses et joueurs à prendre le temps de tenir compte des différents indices et conseils que Magus leur offre pour prendre en compte la situation dans laquelle ils se trouvent. Il existera aussi un système de factions. Si vous appartenez à la même faction qu’un autre joueur, vous pourrez jouer d’une certaine manière en «pseudo-coopération». Il ne s’agira en effet pas d’une coopération totale puisque les moyens de communication seront limités. C’est au gré de rencontres uniques que l’expérience de Synduality pourra se faire entre deux parfaits inconnus. Mais rien ne dit que l’allié d’un jour ne deviendra pas rapidement un ennemi en vous trahissant une fois revenus à la base. De quoi ajouter à la nervosité et la tension permanente au sein du jeu, afin d’en devenir accro !
7- On a beaucoup aimé l’anime Synduality Noir et l’histoire de Kanata et son magus. Est-ce que vous pensez que cette partie de la franchise a le potentiel pour être adaptée un jour en jeu vidéo solo ?
L’histoire de Noir se déroule 20 ans après celle d’Echo of Ada. Ainsi, j’aimerais vivement pouvoir continuer à développer la série jusqu’à pouvoir adapter son histoire en jeu vidéo !
8- Comme Synduality, les jeux édités par Bandai-Namco utilisent de plus en plus l’Unreal Engine 5. Est-ce que ce moteur vous a aidé à accélérer le développement du jeu, et envisagez-vous de l’utiliser dans le futur, sur un nouveau projet SAO par exemple ?
L’Unreal Engine 5 a prouvé être d’une grande aide pour le développement de jeux à grande échelle. Sa capacité à gérer les grandes quantités de données nécessaires pour créer des univers entiers photoréalistes, tant en matière d’éclairages que de textures ou d’immensité des cartes en font un moteur de choix pour mener à bien notre projet. Nous avions d’ailleurs déjà utilisé l’Unreal Engine pour le développement de Sword Art Online Fractured Daydream et nous souhaitons pour le futur pouvoir continuer à en exploiter toutes les possibilités.
9- On connait l’attirance du public japonais pour les méchas, savez-vous quels ont été les inspirations qui ont servi à créer les CraddleCoffin ? Ils nous font beaucoup penser aux Koubu de Sakura Taisen !
En fait, l’inspiration ne vient pas des Koubu. Synduality est ici plutôt inspiré par FF6 et Ghost in The Shell. L’IA Magus se joint au joueur dans le Cradlecoffin. Ce dernier est un robot qui peut être utilisé n’importe où, y compris dans les reliefs difficiles liés au monde devasté dans lequel l’action se déroule. Il partage certaines similitudes avec le blindage de l’armure Magitek de FF6 mais aussi avec le Tachikoma de Ghost in The Shell du fait de ses multiples membres inférieurs imaginés pour surmonter les obstacles les plus extrêmes. Le Cradlecoffin est de plus pensé comme un tank ou une voiture dont les pièces peuvent être changées et remplacées. C’est en ce sens que l’illustrateur du jeu Ippei Gyobu a inclus ces éléments de construction du robot au projet.
10- Depuis quelques années, Bandai-Namco semble davantage porté vers des projets cross-media, on l’a vu avec Scarlet Nexus, ou plus récemment avec Sand Land, et même en Occident avec Unknown9. Qu’est-ce qui vous motive personnellement dans ce type de projet ?
Synduality est une création originale, créée de toutes pièces. Au cours du processus de développement, l’équipe d’animation a travaillé de concert avec des créateurs venus d’horizons et de médias divers et variés pour créer un monde unique. C’est en ce sens que je crois que le travail en cross-media permet de créer un univers enrichi des compétences et talents de toutes les équipes.
11- Chaque projet Synduality (manga, anime, jeu vidéo, serial novel) propose une histoire différente, au-delà de l’univers, existe-t-il des passerelles qui permettent de faire le lien entre eux ?
Même s’ils sont la résultante d’une production commune, chacune des différentes adaptations de l’univers de Synduality peut être vécue indépendamment des autres. Chacune d’entre elles choisit à sa façon de partir à l’exploration des interactions entre les intelligences artificielles et les êtres humains. Mais l’ensemble des supports est pensé de telle manière que l’expérience des utilisateurs puisse aller vers une compréhension plus profonde du monde que nous avons imaginé. C’est pourquoi j’invite tous les nouveaux joueurs, lecteurs et spectateurs à ne pas hésiter à approfondir leur expérience via les différents médias.
12- De plus en plus de développeurs japonais s’ouvrent à Xbox, pouvez-vous nous dire si la marque américaine est importante pour vous et si vous avez constatez une évolution positive ces dernières années, peut-être lié à l’influence de Phil Spencer et de Mena Sato Kato, la nouvelle directrice de Xbox Japon ?
Il s’agit là d’un point très important. C’est une véritable chance pour nous de faire découvrir aux joueurs Xbox l’existence du projet Synduality. La Xbox est une plateforme qui se prête particulièrement à ce que nous souhaitons créer compte tenu de ses performances en matière de hardware. De plus, Xbox est de fait la seule plateforme grâce à laquelle nous pouvons nous amuser ensemble avec Phil et Kato-san pour créer des projets exaltants.
Merci beaucoup Futami-san pour vos réponses, et nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé !