[MàJ] Notre avis sur « Les Histoires de Prince of Persia » publié chez Third Editions
Les milles et unes anecdotes du Prince de Perse
Après le livre intitulé La Légende Final Fantasy X que nous avions passé en revue en 2019, nous retournons faire un tour du côté de Third Editions mais cette fois-ci pour une aventure bien différente. Exit Hironobu Sakaguchi et les RPG Japonais et bienvenue à un jeu américain traitant des légendes perses avec Prince of Persia de l’illustre Jordan Mechner et le tout traité par un fan historique de la licence. Des débuts de Mechner sur Karateka, au film de 2010 avec Jake Gyllenhaal et Gemma Arterton, l’ouvrage est parsemé d’anecdote de développements, rapportées via de nombreux intervenants et sans jamais faire doublons avec «La création de Prince of Persia : Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993″ publié par la même maison d’édition.
L’auteur : Raphaël Lucas
Avant de parler du contenu de l’ouvrage en lui-même, il est intéressant de se pencher sur son auteur, Raphaël Lucas. Journaliste vidéoludique depuis plus d’une quinzaine d’années tant pour Joypad, PlayStation Magazine, Consoles+ ou encore Joystick, il officie désormais chez Jeux Vidéo Magazine. Il écrit aussi des papiers pour la presse web et se lance parfois dans de grands moments d’investigations et d’écritures avec des ouvrages pour Omaké Books, Pix’n Love et bien évidemment Third Edidion. Nous pouvons notamment citer «La Légende de Final Fantasy IX», «L’histoire des RPG», «Au cœur de Bioshock : De Rapture à Columbia», mais également du Castlevania, du Legacy of Kain, le retour sur Peter Molyneux, sur l’histoire générale du Cyberpunk, du The Witcher également .. Bref un auteur touche à tout et passionné !
Plus encore, son rapport à la franchise imaginé par Jordan Mechner est tel que lorsque Ubisoft annonce le reboot de Prince of Persia (2008), ce n’est pas IGN ou autres grands médias américains qui rapportent la première preview, mais bien Raphaël Lucas pour le magazine Joypad !
L’œuvre : L’histoire de Prince of Persia
Après une petite envolée lyrique, l’ouvrage s’ouvre sur la génèse. Non pas celle d’un projet mais bien celle du père du Prince : Jordan Mechner. Nous découvrons alors comment un homme passionné de cinéma, s’est lancé dans l’une des licences vidéoludiques les plus marquantes. Nous y apprenons quels sont les jeux qui ont marqué ce créateur, avec notamment Choplifter, puis comment le développeur a exploré sa vision du jeu vidéo avec des valeurs d‘accessibilité, de partage, et de plaisir avant tout. La vie de développeur de Mechner est étalée, de Karateka, conçu en solo dans son garage, jusqu’au rachat de la licence par Ubisoft sans oublier d’évoquer son rapport avec l’univers étendu et comment il se positionne en tant qu’auteur lorsque d’autres personnes s’occupent de sa licence fétiche.
L’ouvrage en question n’est pas autocentrée sur Mechner, bien qu’il prenne une place prépondérante en début de récit. Après tout il est question d’une licence très précise et on voit mal comment il aurait été possible de traiter l’histoire de Resident Evil sans parler de Shinji Mikami par exemple. Ici c’est également la même chose et le premier gros tiers du livre s’aventure dans la vie du créateur et de comment il a dû batailler afin d’éviter les pièges de l’édition de l’œuvre de sa vie. C’est très intéressant de pouvoir suivre la naissance du projet, sa conception et ce qui souhaitent obtenir un vrai complément d’informations pourront se pencher sur «La création de Prince of Persia : Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993» qui évoque naturellement plus en profondeur la période Brøderbund Software. Mais d’un point de vue strictement personnel, tout l’intérêt de ce nouveau livre intervient à partir du rachat de Ubisoft, notamment sur les ambitions de l’éditeur français à l’époque, un peu comparable à Microsoft et ses multiples rachats des dernières années.
Nous retrouvons un peu le même feeling qu’en lisant «Au cœur de la Xbox» des éditons Pix’N Love avec un ouvrage traitant de la construction d’un projet, des problématiques internes et externes, des rapports entre collègues et le tout de manière très bien rythmée notamment grâce aux nombreux témoignages qui viennent enrichir les propos de l’auteur. Ce n’est pas forcément plus intéressant que la première partie, tout aussi riche en informations, mais la différence de contexte et la volonté d’Ubisoft de grandir, notamment avec la création du gigantesque studio de Montréal apporte un vrai plus. On y cotoie notamment Ben Mattes ou encore le célèbre Patrice Désilet, pour avoir l’impression d’évoluer au cœur de cette équipe dynamique, pleine d’enthousiasme mais surtout inexpérimentée et bourrée d’égo. C’est pour cela que, via ses histoires et les nombreuses déclarations de ceux qui ont fait ce que Prince of Persia est aujourd’hui, l’ouvrage rappelle le livre de Dean Takahashi. Et même si ces histoires font partie du passé, l’actualité montre encore aujourd’hui que certaines erreurs n’ont pas franchement servies de leçon.
Le parallèle est intéressant à faire entre ces deux époques si différentes, et pourtant similaires sur bien des points. Il est également très intéressant, sur une note bien plus positive, de voir comment Jordan Mechner a su accompagner les équipes de Patrice Désilet sans pour autant vampiriser toute l’attention, et cela tant pour la production des jeux, des comics ou même de l’adaptation en film. Mechner aime son œuvre, il apprécie continuer de travailler dessus en tant que conseiller mais tel le Prince de Perse, il note que son jeu est «indépendant», qu’il a assez grandi pour laisser d’autres personnes en proposer leur propre vision.
Le développeur laisse son prince libre de toute contrainte créative, et espère le voir sortir de sa lampe en profitant du génie d’un studio, dans le but de voir la saga perse continuer de briller sous les milles et une nuits. Raphaël Lucas revient également sur la raison de perte de popularité de la saga via l’assassinat du Prince par un jeune homme encapuchonné mais également suite au manque de renouvellement d’une licence qui stagne et qui aurait pu renaitre via une forte inspiration «Unchartedsque» (qu’a finalement toujours eu la série) via un projet annulé dont je n’avais pas connaissance avant la lecture de ce bouquin. Oui, ou alors j’avais oublié la news pourtant publiée sur le site, au choix !
Les amateurs des aventures du Prince de Perse peuvent se jeter dans l’aventure littéraire de l’ouvrage de Raphaël Lucas sans crainte d’être pris au piège. L’histoire d’une œuvre mythique, remplie de mille et une anecdotes sur le chemin grandiloquent du succès de l’œuvre de Jordan Mechner. La lecture nous fait partir de son garage et nous emmène jusqu’au grand-écran, en passant forcément par Brøderbund Software puis entre les mains d’Ubisoft avec Patrice Désilets. Third Editions propose un ouvrage intéressant qui ravira forcément les fans de la saga, avec un vrai rythme donné par l’écriture, même si nous déplorons forcément le manque de quelques artworks pour illustrer les anecdotes. Une critique pas forcément dramatique, car nous savons que ce n’est pas dans les habitudes de l’éditeur de proposer des illustrations dans ses ouvrages. Nous étions donc prévenus !
Mise à jour 22/04 :
Suite à notre retour, nous avons pu avoir quelques retours de Raphaël Lucas, l’auteur du livre. Nous avons notamment appris qu’entre le moment où il a commencé ses interviews et la finalisation de l’écriture, il s’est écoulé entre six à huit mois, ce qui est une moyenne générale pour l’auteur tout en sachant qu’il a régulièrement plusieurs projets d’ouvrages en parallèle. Des interviews qui ont durée en moyenne une à deux heures pour chacun des intervenants sauf pour l’illustre Jordan Mechner qui s’est laissé interviewer pendant une dizaine d’heures, tout de même !
Malgré sa relation avec la saga, comme mentionné dans notre article, avec notamment le papier pour Joypad concernant le reboot de la licence en 2008, Monsieur Lucas n’a pas été aspiré tout de suite par la licence. Il a découvert le Prince en 1992 sur Amiga en sortant d’Another World et de Flashback et il n’a pas été convaincu par le titre de Mechner. C’est l’épisode des Sables du Temps qui a été une révélation pour lui., même si le reboot reste son opus de cœur pour tout un tas de raisons. De part son statut de journaliste, l’auteur a eu l’occasion de passer du temps avec Mechner, qui refuse régulièrement ce type d’entretiens, mais aussi d’avoir eu une étroite «collaboration» avec Ubisoft sur ses vingt années de carrière, ce qui lui permet de pouvoir écrire en bien comme en mal sur l’éditeur français.