Jeux

Assassin’s Creed Shadows

Aventure | Edité par Ubisoft | Développé par Ubisoft Quebec

8/10
One : 20 March 2025 Series X/S : 20 March 2025
18.03.2025 à 18h01 par - Rédacteur en Chef

Test : Assassin's Creed Shadows sur Xbox Series X|S

Alors que la franchise nous a habitué, pendant longtemps, à nous servir des épisodes annuels, il aura fallu attendre plus de quatre ans pour retrouver un titre majeur de la saga Assassin's Creed. Après avoir marqué un tournant ambitieux et très bien accueilli avec Origins (2017), la nouvelle formule a fini par se saborder elle-même avec un Valhalla (2020) beaucoup trop chargé, au point d'en devenir indigeste. En proposant une sorte de spin-off avec Mirage (2023), Ubisoft a montré que la franchise était toutefois capable de revenir à quelques fondamentaux pour raccrocher les joueurs, en puisant notamment dans l'aspect historico-ludique de la saga. Avec Shadows, il est désormais l'heure de prouver que les leçons ont bien été apprises, pour une aventure qui nous envoie cette fois-ci en plein cœur du Japon.

Après le triptyque Origins / Odyssey / Valhalla (dans lequel on peut inclure Mirage), la saga Assassin’s Creed nous fait faire un énorme bond en avant. Avec Shadows, on se retrouve au Japon, à la fin du XVIème siècle, à une époque où le pays s’entredéchire en l’absence d’un shogun capable de réunifier les différents clans. Naoe en fait d’ailleurs les frais puisque Oda Nobunaga a décidé de prendre le contrôle de sa province en éliminant la plupart de ses habitants. Comme toujours avec la saga d’Ubisoft, on retrouve de nombreux événements et personnages historiques, tandis qu’une majorité d’éléments fictifs permettent de servir l’expérience de jeu et sa narration. Un mélange qui n’a pas toujours été bien exploité – on pense notamment à Assassin’s Creed III qui manquait clairement d’équilibre entre fiction et faits réels – mais qui fonctionne assez bien ici, au point de donner l’envie, pour les joueurs curieux, de s’intéresser d’un peu plus près au Japon féodal.

Comme pour le reste de la franchise, les personnages jouables sont en revanche totalement fictifs. On trouve ainsi Naoe, une kunoichi en quête de vengeance, et Yasuke, qui débarque sur l’archipel en esclave de prêtres jésuites portugais. Un concours de circonstances va amener nos deux personnages à croiser leur destin, et à lutter ensemble pour mettre fin à la corruption et tenter de réconcilier les clans de la région. Si les premières heures de jeu sont quasiment exclusivement dédiées à la jeune ninja, le scénario permet par la suite d’utiliser aussi bien l’un que l’autre, selon le choix du joueur, et sans aucune contrainte si ce n’est certains passages qui obligent l’utilisation d’un personnage précis, durant seulement quelques minutes en général. Un principe qui rappelle celui d’Assassin’s Creed Syndicate avec la fratrie Jacob et Evie Frye.

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La différence ici, c’est que nos deux héros n’ont pas grand chose en commun, ce qui permet finalement au joueur de faire son choix en fonction de sa façon de jouer. Fidèle à la tradition des adeptes de la lame secrète, Naoe est surtout douée pour l’infiltration et prend plus d’aisance à se faufiler dans un buisson ou à grimper sur un toit. En combat direct en revanche, elle manque de puissance pour rivaliser avec ses adversaires et doit construire son offensive en usant d’esquives et de parades pour s’en sortir. Tout l’inverse de Yasuke, qui se la joue bien plus bourrin, avec des affrontements dont on ressent clairement la puissance. Différents atouts, avec un arsenal qui l’est également à l’exception de l’indispensable katana, commun aux deux héros. De son coté Yasuke peut utiliser des armes lourdes et de longue portée avec l’arc et le teppo, un fusil à poudre noire, tandis que Naoe sait manier le kurasigama, une longue chaine conclue par une lame, et le tanpo, une lame courte que les amateurs de la série Yakuza associent forcément à Majima. Pour compléter cet arsenal limité, Yasuke doit gérer ses munitions et ses flèches, alors que Naoe peut utiliser des «outils» tels que des shurikens et des kunais.  Concrètement, on est bien loin de l’abondance de loot comme c’était le cas avec Odyssey, et c’est finalement bien mieux ainsi pour s’y retrouver sans avoir à faire un saut dans l’inventaire toutes les cinq minutes.

Même chose avec les équipements, avec simplement une protection pour la tête, une autre pour le corps et un talisman. Assassin’s Creed Shadows revient volontairement à l’essentiel, et c’est déjà bien suffisant ainsi. Au total, ce sont six arbres de compétences qui sont disponibles par personnage, avec notamment la possibilité d’améliorer l’efficacité des armes, et là aussi la possibilité d’adapter les aptitudes de nos deux personnages en fonction de notre façon de jouer. Après avoir été mis de côté avec Mirage, le système RPG apparu dans Origins est également de retour avec la nécessité de gagner de l’expérience pour devenir plus puissant et ainsi pouvoir se rendre dans des régions sans craindre de se faire abattre d’un seul coup par un ennemi coriace. Un concept qui oblige à s’écarter de temps en temps de l’histoire principale, pour partir à la recherche de lieux secrets comme les kofuns (des sortes de tombeaux), en éliminant des gradés postés dans les châteaux ou en accomplissant des missions secondaires. Même si certains passages se veulent un peu plus linéaires, les développeurs forcent ainsi le joueur à sortir d’une ligne droite qui consisterait à ne jamais dévier de la quête principale, au risque de passer à côté d’un sentiment de liberté essentiel. C’est dans cette optique qu’il est également nécessaire de récupérer des points de connaissance pour débloquer les échelons des différents arbres de compétences, avec malheureusement des activités facultatives pas toujours très intéressantes, comme les prières dans des temples, des mini-jeux de rythme pour méditer, ou des collectibles à récupérer dans des sanctuaires. On apprécie toutefois la volonté des développeurs à nous immerger dans cet univers tout en nous transmettant des éléments historiques et culturels.

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Une volonté de proposer un monde fidèle que l’on retrouve également du côté de la carte du jeu. Très loin de vouloir représenter l’entièreté du Japon, comme avait pu le faire Odyssey avec la Grèce (et ses 200km²), Assassin’s Creed Shadows nous envoie dans la région du Kansai, avec un terrain de jeu de plus de 80km². Une taille finalement idéale à parcourir, avec de grandes villes comme Kyoto et Osaka, des paysages suffisamment variés, des onsens, ou des monuments historiques comme le portail torii de Shirahige-jinja situé sur les abords du lac Biwa, à défaut de pouvoir arpenter d’autres lieux iconiques comme le Mont Fuji, la ville d’Edo ou encore la presqu’île d’Hokkaido. Une map qui se cantonne à une seule région, ce qui permet aussi de ne pas multiplier inutilement les points d’intérêt et de se concentrer sur l’essentiel. Cela n’empêche pas non plus de s’immerger au cœur de la culture nippone, très bien retranscrite, et de prendre plaisir à parcourir un temple, à admirer chaque détail des petits jardins japonais ou de se perdre dans les maisons en bois et leurs portes coulissantes shoji. Le soin du détail apporté aux différentes tenues portées par Yasuke et Naoe est également à souligner, avec des broderies parfois plus vraies que nature.

Plus impressionnant encore, le paysage est frappant de réalisme avec de nombreux reliefs à arpenter, mais surtout une végétation particulièrement dense. Si la faune se fait un peu trop rare, c’est tout l’inverse concernant la flore, que l’on trouve en abondance dans la plupart des régions visitées. C’est d’autant plus impressionnant lorsque l’on atteint un point de synchronisation, avec une distance d’affichage qui fait honneur à ces panoramas grandioses. Cette végétation profite également des améliorations du moteur Ubisoft Anvil, avec des branches et des brins d’herbe qui bougent désormais indépendamment des autres, pour offrir beaucoup plus de réalisme lorsque le vent se lève par exemple. Pour la première fois, la franchise nous propose également de suivre une aventure au rythme des saisons, avec là aussi un gros travail sur les environnements dont les teintes changent régulièrement avec les apparitions successives des cerisiers en fleur, de la glycine, des feuilles mortes et de la neige, complété par le son caractéristique des cigales en été, et des déplacements plus compliqués dans la poudreuse. Les variations climatiques sont globalement réussies, capables de nous livrer de la brume, des tempêtes de neige ou une pluie intense, mais sans aucun orage étrangement. Avec tout cela, le mode photo est une bénédiction tant l’envie d’immortaliser certains instants se fait pressante.

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Des changements, il y en a aussi du côté du gameplay. On l’a dit, le fait d’incarner deux personnages différents change déjà beaucoup de choses. Quand il s’agit de prendre d’assaut un château, on peut ainsi opter pour de l’infiltration ou une approche beaucoup plus directe, en lorgnant presque vers le beat’em up, sans réelle subtilité si ce n’est celle de sortir les coups spéciaux au bon moment pour se défaire d’un encerclement ou faire chanceler un adversaire coriace. Côté infiltration, il est primordial de rester dans l’ombre pour ne pas se faire repérer, tandis que Naoe, à l’inverse de Yasuke, peut utiliser sa vision d’aigle pour marquer les ennemis. On retrouve également la possibilité de tuer en un seul coup, en prenant garde de ne pas prendre l’ennemi de front, même bien caché dans les hautes herbes, sous peine de se faire contrer. C’est principalement dans ces phases de combat que l’on apprécie pleinement les différentes capacités offertes par l’arbre de compétences, qui permettent de monter graduellement en puissance au fil de l’aventure. En mode difficile, il faut d’ailleurs parfois s’accrocher et faire preuve de réflexes pour se défaire de certains boss. Globalement, le titre est bien équilibré, et pousse à utiliser toute la panoplie d’attaques et de compétences de nos héros, sans jamais nous frustrer.

Et si vous faisiez partie de ceux qui n’en pouvaient plus d’enchainer les cibles à éliminer comme dans Odyssey et Valhalla, sachez que Assassin’s Creed Shadows nous propose finalement un mix de cette formule, tout en revenant aux fondamentaux en prenant le temps de poser un contexte, de nous lancer dans deux ou trois sous-missions, avant d’envisager seulement ensuite l’élimination de notre future victime. Au total, ce sont 12 cibles principales dont il faut se débarrasser pour terminer la trame principale, mais de nombreuses quêtes annexes permettent de donner un peu plus d’épaisseur à l’ensemble, sans bénéficier bien évidemment du même niveau scénaristique. Et c’est parfois peu de le dire, au point qu’il arrive régulièrement qu’on ne sache plus pourquoi certaines cibles apparaissent dans notre tableau d’objectifs. On regrette par ailleurs que, aussi bien sur les quêtes secondaires que la principale, l’ensemble manque clairement d’ambitions dans son écriture et sa mise en scène. Il y a bien quelques moments forts, mais ils sont finalement bien trop peu nombreux compte tenu du potentiel de la franchise.

On trouve en revanche un peu de fraicheur au niveau du gameplay. Véritable force de la nature, Yasuke est capable d’enfoncer des portes fermées à double tour, mais pas d’escalader des murs. Pour débloquer un point de synchronisation situé au sommet d’un château, il est par exemple nécessaire de passer par l’intérieur, généralement farci d’ennemis, et de monter chaque étage avant d’atteindre le toit. L’escalade connait également de profonds changements avec Naoe puisque, là où les précédents épisodes nous permettaient de grimper à peu près n’importe où sans aucune difficulté, il faut désormais avoir des accroches pour escalader un mur ou un pan rocheux. Naoe dispose tout de même d’une sorte de grappin pour l’aider à atteindre les sommets, et qui lui permet également de franchir certains précipices en jouant les balanciers. A noter qu’il est également possible de s’allonger dans des herbes plus courtes pour se cacher, mais aussi de ramper pour s’infiltrer dans une maison en passant par le sous-plancher. A défaut d’avoir un oiseau pour repérer les points d’intérêt importants, sa vision d’aigle est capable d’identifier les trésors et les objectifs de quêtes sur une courte distance. Rien de bien révolutionnaire, mais ces quelques nouveautés restent bienvenues.

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Autre nouveauté, la possibilité pour Naoe et Yasuke de réunir leurs alliés dans un repaire. Concrètement, cela s’apparente à un petit city-builder franchement anecdotique qui permet de construire quelques lieux comme une forge ou un dojo. Cela n’a pas franchement grand intérêt, si ce n’est de pousser le joueur à voler des ressources dans les endroits visités. Lorsque les cargaisons sont trop importantes, il est d’ailleurs possible de faire appel à des éclaireurs, qui se chargeront alors de rapatrier les marchandises. Ce sont ces mêmes éclaireurs qui servent également à déterminer l’emplacement des objectifs sur la carte. Si vous choisissez d’enlever le mode «exploration guidée», le titre reste vague sur l’emplacement de votre prochaine destination, en vous indiquant simplement la région, puis quelques indications qui permettent tout de même de vous repérer un minimum. Pour vous faciliter la tâche, on peut alors envoyer un éclaireur sur un endroit précis de la map, ce qui vous dévoilera la position exacte, à condition d’avoir visé une zone relativement proche.

D’un point de vue technique, on l’a dit, l’Ubisoft Anvil fait un travail remarquable. On salue d’ailleurs la volonté de l’éditeur français de continuer à s’appuyer sur son moteur maison plutôt que de succomber aux sirènes de l’Unreal Engine 5 puisque cela permet à Assassin’s Creed Shadows de se démarquer nettement des productions qui utilisent le moteur d’Epic Games. L’impression que chaque décor est d’une finesse incroyable, surtout en mode Qualité qui propose une 4K qui tourne à 40fps, sans aucun ralentissement. Une vraie prouesse technique, que l’on retrouve dans les améliorations apportées aux visages, avec des traits plus fins et des expressions qui bénéficient d’un meilleur rendu par rapport aux épisodes précédents. Les effets de lumière sont également plus convaincants, avec des ombres plus réalistes notamment.

Comme pour la végétation, les cheveux bougent indépendamment des autres, et si le résultat est encore très imparfait, le gap est réellement appréciable. Les animations sont globalement soignées également, même si on trouve encore certains mouvements trop mécaniques et quelques expressions peu naturelles. Quelques bugs de collision sont à noter, en très faible quantité toutefois, tandis que l’I.A. des ennemis a semble-t-il été corrigée en partie durant notre accès au jeu, passant du catastrophique au correct. On retrouve un gros travail en faveur de l’immersion du côté du sound-design, qui impressionne vraiment par moment, et sur la présence d’un mode «immersif» qui permet de choisir entre les voix originales (majoritairement japonaises, avec quelques dialogues en portugais) et les voix en français, dont le doublage est malheureusement assez inégal. Dernier point à souligner, la présence d’une sorte de Battle Pass, gratuit, qui permet de débloquer des tenues inédites in-game en réalisant des quêtes temporaires qui permettent là encore d’allonger la durée de vie du jeu.

8/10
Attendu depuis un bon moment, Assassin's Creed Shadows apporte les nouveautés nécessaires pour maintenir l'intérêt des joueurs pour la saga, sans pour autant parvenir à sublimer la formule. S'il a le mérite de corriger les erreurs du passé et de nous immerger parfaitement dans le Japon féodal du XVIème siècle, les développeurs d'Ubisoft Québec manquent toutefois l'occasion de nous offrir un titre qui mettra tout le monde d'accord, la faute notamment à l'absence d'une réelle dimension épique dans sa narration. Au final, Assassin's Creed Shadows reste avant tout un beau voyage, au gré des saisons, et conserve cette capacité à nous livrer un récit fictif intéressant, ponctué d'événements historiques et de traditions retranscrites de façon à nourrir la curiosité du joueur ; avec cette sensation hautement satisfaisante de toujours vouloir y retourner.

+

  • Deux persos très différents niveau gameplay
  • Taille de la map idéale, et pas trop chargée
  • Loot peu abondant et arsenal restreint
  • Techniquement très propre
  • Mode immersif (VOSTFR) très convaincant
  • Conditions climatiques impressionnantes
  • Des paysages qui changent avec les 4 saisons
  • Sound-design impeccable

-

    • Écriture qui manque de moments forts
    • Des activités parfois barbantes
    • Mode city-builder très anecdotique
    • Quelques animations peu naturelles
    • VF inégale selon les personnages