Test : Banjo Kazooie : Nuts and Bolts sur Xbox 360
Encroutés et rouillés par leur décennie de vacances forcées, Banjo l’ours futé et Kazooie le piaf cynique se la coulent douce dans leur petit coin de paradis au pied de la Montagne Perchée. Mais la tranquillité de ce lieu emblématique, qui servait déjà de terrain d’introduction au premier Banjo, va vite être interrompue par le retour de l’entêtée sorcière Grunty. La joie des retrouvailles passées, nos gentils hase-been vont vite être interrompus dans leurs joutes verbales par le SAJ, ou Seigneur Absolu du Jeu vidéo. Cet être mystique à la tête de PONG, qui s’autoproclame créateur de tous les jeux vidéo de l’univers, propose aux deux (enfin plutôt trois) ennemis de toujours de s’affronter dans une aventure disposant de nouvelles règles. Terminé le jeu de plate-forme classique, où l’agilité de Kazooie et la force de Banjo étaient mis à rue épreuve. Le nouveau périple des deux compères se fera à bord de véhicules à construire soi-même façon Lego. Pas la peine de feindre la surprise, les divers reportages et trailers sur le jeu ayant déjà relaté mille et une fois de la métamorphose du titre. Un vent de panique a en tout cas soufflé sur toute la communauté de fans. Qu’ils se rassurent, le dernier bébé poilu et emplumé de Rare les étonnera tellement qu’ils ne pourront rester indifférents face à un tel chamboulement. La marque de fabrique des grands jeux en quelque sorte. Et c’est avec leurs voix « Lylat-wars-style » si reconnaissables que nos joyeux drilles vont s’insulter dans un long périple, quantifiable à plus d’une trentaine d’heures de jeu. De quoi nous laisser le temps de voir si Rare a trouvé la clé anglaise de la réussite avec cette mutation boulonnée.
L’aventure commence à Duelville, cette cité-passerelle gigantesque découpée en cinq quartiers (tous accessibles bien sûr sans aucun chargement). Après avoir ramassé quelques notes de musique (les pièces de monnaie, dans Banjo), le SAJ débloque le premier niveau du jeu. Car Duelville, c’est comme le château dans Mario 64 : une sorte de grande carte où il est possible de se balader pour accéder aux autres niveaux, ou pour divers secrets cachés. En guise de tableaux « warp », les bâtiments de la ville. Chaque porte conduit à un chapitre différent, alors que le coin dans lesquelles elles se trouvent font se téléporter Banjo vers un même monde. Pour faire clair, Les cinq portes des bâtiments des beaux quartiers par exemple mènent vers le monde du Terrarium Terrifiant, et chaque porte mène vers un chapitre différent du monde-mère (donc ici, le Terrarium). Un chapitre, dans Banjo Kazooie – Nuts & Bolts, est composé de défis, de nombre et difficulté variables, que les personnages du jeu proposent dans les niveaux. Manette en main, cela se résume facilement : on se téléporte dans un chapitre via Duelville, on arrive dans un niveau « principal », et on se sert de la carte pour trouver les brigands qui proposent les missions. Car mener à bien ces défis est l’essence même du challenge de Banjo, puisque les réussir apporte au compteur des pièces de puzzle. Et c’est seulement en collectionnant ces pièces de puzzle qu’il sera possible d’ouvrir toutes les portes de Duelville, et donc de finir le jeu, à l’instar des étoiles dans Mario 64 pour accéder aux tableaux (en ouvrant, la aussi, des portes). En remportant les défis organisés par Grunty, le véhicule obligatoire et dédié à Duelville se verra affublé de nouveaux éléments, comme un ressort ou un gros laser, qui permettront d’accéder à des lieux auparavant inaccessibles.
Les « mondes-mères » se comptent au nombre de six. Même s’il est vrai que finalement, cela ne fait mathématiquement pas beaucoup, impossible de ne pas tomber à la renverse en voyant la taille de ces derniers. Tout simplement énormes, ils comportent des tonnes de cachettes et d’endroits où aller pour visiter (et récupérer des notes de musique) ou trouver des défis. Certains niveaux, comme Banjoland, sont en plus découpés en parties à thèmes. De quoi saluer l’énorme travail de Rare, d’autant plus que l’inventivité et le level design de ces derniers ne sont pas en reste. Les murs invisibles n’existent pas, et il est toujours possible d’aller dans un endroit normalement inaccessible en empilant par exemple des caisses les unes sur les autres par l’intermédiaire de la clé « pouvoir kinésique »de Kazooie. Que dire également de la technique générale absolument magnifique du jeu ? Non seulement les niveaux sont grands et bourrés de détails, mais en plus la distance d’affichage a de quoi faire tomber les mâchoires. Même à bord d’un véhicule volant type hélicoptère, et à une hauteur loin de le morale, on peut apercevoir jusqu’au dernier des arbres, en bas. Le rendu des textures est lui aussi mirobolant. Nettes même visionnées en gros plan, elles sont également bourrées d’effets spéciaux du meilleur goût (dans les reflets, notamment). Honnêtement, on en attendait pas autant. Six niveaux et autant de thèmes différents pour assurer la diversité, avec entre autres la plage paradisiaque, l’espace et son jardin expérimental, et même l’intérieur d’une console du jeu vidéo. Chacun des niveaux du jeu, en plus de proposer des défis et des notes de musique à ramasser, hébergent sur leurs terres des Jinjos, ces petits êtres ridicules qui ont toujours une quête annexe débile à proposer, comme jouer au sumo, faire la course, le taxi, ou bien encore les propulser le plus loin possible ou leurs rapporter des objets fétiches. Répondre à leurs demandes, et c’est un jeton assuré, qui peut servir à débloquer de l’argent et de nouveaux éléments pour les véhicules à construire.
Melting Bolt
Construire des véhicules. Avec la quête aux pièces de puzzle (indissociable, finalement), cette mission générale devient vite le leitmotiv du joueur de Nuts & Bolts. Pour fabriquer l’engin de ses rêves, il suffit de trouver des caisses (contenant des éléments en pièces détachées, comme des morceaux de carrosserie, des moteurs, des roues, divers gadgets, etc.) cachées un peu partout à Duelville et les apporter à Mumbo, le shaman bricolo. Dans son garage, le joueur dispose de tout un tas de possibilités pour confectionner ce que bon lui semble. Faciles à construire, grâce à des menus clairs et rapides, les véhicules peuvent ensuite être peints puis sauvegardés pour être utilisés plus tard, et par la suite échangés avec un autre joueur sur le Xbox Live. C’est en surfant sur le net que l’on peut voir à quel point il est possible de créer des engins de folie, et donc de s’apercevoir de la grande qualité de l’éditeur de machines. Certains ont réussi à refaire des véhicules célèbres de l’histoire du cinéma (vaisseaux de Star Wars, bateaux de Pirates des Caraïbes, etc.), d’autres de véritables répliques de ce qui existe déjà (fusées, hélicoptères, dragsters, motos, avions de guerre, entre autres). Car si Banjo Kazooie n’est plus vraiment un jeu de plate-forme classique, il est en fait un véritable jeu de réflexion et de construction. Les défis du jeu demandent pas mal de dextérité et de jugeote, et il n’est pas rare de bloquer tout simplement parce que l’on n’a pas la bonne idée (ou la bonne pièce dans son garage) pour répondre aux demandes folles des personnages du jeu. C’est ce qui fait d’ailleurs la grande force Nuts & Bolts, le joueur étant véritablement libre de faire ce que bon lui semble. Il faut protéger Mumbo des horribles robots de Grunty ? Pourquoi ne pas créer un énorme char bourré d’armes ? Ou peut-être carrément une forteresse volante capable de protéger entre ses murs le malheureux, avec une cabine éjectable capable de voler de ses propres ailes ?
Autant de questions qu’il faudra se poser avant de se lancer dans la création d’un véhicule capable de faire remporter un défi dans les temps. Les missions dans Banjo en effet étant chronométrées, c’est le temps qui détermine si la prestation du joueur mérite juste quelques notes de musiques, ou bien une belle pièce de puzzle. Si le record de temps est battu, le trophée T.T est débloqué. Au bout d’un certain nombre de trophées, c’est la pièce de puzzle bonus assurée. Autant dire qu’il en faudra du temps pour débloquer les 131 pièces du jeu ! Heureusement, la carte affiche de façon claire où en trouver, pour ne jamais avoir à chercher trop longtemps des défis à exécuter. Parfois, le SAJ impose ses propres véhicules pour une mission, et là, c’est tout de suite moins drôle. Souvent mal foutus, ces engins peuvent toutefois être trafiqués en temps réel (cela stoppe le chrono du défi) selon les préférences du joueur, de la même manière que les véhicules créés une fois lancés dans une mission. Attention dans ce mode cependant, il est impossible de rajouter des pièces de son garage, juste de modeler différemment la machine. De véritables Lego on vous disait. Les phases à pied deviennent donc obsolètes, d’autant plus que l’oiseau Kazooie a été déchu de tous ses anciens mouvements Nintendo-esques, puisque pour chaque terrain ou situation correspond un véhicule inventé par le joueur (ou non) qui répondra bien mieux que les jambes pataudes de Banjo. Seule la ville de Duelville, qui empêche de sélectionner ses propre engins pour se balader dedans, permet de retrouver les anciennes sensations des jeux de plate-forme d’antan. Heureusement, les salle de Gym de Boggy permet d’upgrader nos petits personnages adorés. Duelville abrite d’ailleurs pas mal de magasins, allant de la boutique permettant d’acheter des éléments de véhicules au Bingo Jinjo, en passant par la salle d’arcade de Klungo (qui propose un super jeu de plate-forme 2D à terminer d’ailleurs, si si) et bien d’autres enseignes encore.
Toujours un truc à découvrir, toujours un défi à faire, Banjo Kazooie – Nuts & Bolts tient son rythme de son univers archi-travaillé et fouillé. Des Jinjos à libérer, des Minjos à enfermer, des codes à trouver, des endroits impossibles à découvrir pour récupérer des caisses, l’aventure regorge de ce type de quêtes annexes. Les modes multi-joueurs online comme offline sont en plus de la partie, histoire d’ajouter encore un peu d’heures à la durée de vie plus qu’honorable du jeu. Il est regrettable cependant de constater qu’il est impossible de paramétrer plus en détails les épreuves, découpées en différentes catégories (sport et course). Impossible par exemple de réduire le nombre de tours pour gagner, ou le nombre de points à avoir pour remporter l’épreuve de sumo. La bonne nouvelle en tout cas, c’est qu’il est possible de participer à ces épreuves avec ses propres véhicules. Difficile d’expliquer le plaisir que l’on ressent lorsque l’on bat ses adversaires humains avec le véhicule de chieur qui fume tout le monde, sorti tout droit de son esprit malade. Saluons enfin l’humour parfois corrosif de Rare, matérialisé dans les niveaux par des éléments anodins mais ravageurs (copyright des DVD de la console de jeu, panneaux LCD dans le Colisée, questions à poser à la taupe, et plus encore). Le SAJ se moque de l’industrie du jeu vidéo, Kazooie rappelle que Ghoulies (ancien jeu de Rare, sur Xbox) a fait un flop. Le soft de Rare, sous sa couche colorée et humoristique, cache en fait une véritable réflexion sur le jeu de plate-forme, et le jeu vidéo en général. Comme si derrière le cynisme de Kazooie et du SAJ, en plus du petit jeu d’arcade de Klungo aux règles minimalistes, se cachait en fait l’amertume de Rare non-pas de ne plus être dans l’âge d’or du jeu vidéo, mais de faire des jeux qui n’ont parfois aucune chance face à des FPS plus efficaces qu’originaux. Heureusement pour nous, Banjo a des Nuts de Mammouth, et nous propose une aventure hybride huilée et chromée. Sans coup de pompe, un coup de cœur.
+
- Beaucoup d’éléments de véhicules
- Des niveaux gigantesques et souvent déjantés
- L’humour et l’autodérision à tomber
- Fluide malgré la myriade d’éléments animés
- Durée de vie exemplaire
- Magnifique et enchanteur
- Un vrai jeu original sans être minimaliste !
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- Peu de phases à pied
- Allez, on aurait aimé encore plus de niveaux…
- Des collisions parfois lourdingues