Test : Clair Obscur: Expedition 33 sur Xbox Series X|S
Lumière étincelante

Clair Obscur: Expedition 33 s’ouvre dans la ville de Lumière, une cité perdue au milieu de la mer. Le joueur se retrouve alors dans la peau de Gustave, un jeune homme qui va sur ses 30 ans, bientôt rejoint par Maelle, une jeune habitante de cette cité qui prend des allures de Paris dystopique. Un arc de triomphe brisé en deux, une tour Eiffel déformée façon montre molle de Dali, et surtout un grand monolithe noir au loin… le tout dans une atmosphère qui se veut à la fois pesante et joyeuse, avant que nous comprenions la gravité de la situation. Autant le dire tout de suite, Clair Obscur: Expedition 33 est un titre empli de mélancolie, qui n’hésite pas à aborder des thèmes durs comme le sacrifice, le sens du devoir, la résilience, la famille, ainsi que notre rapport à la fin de vie en tant que jeune adulte. Des sujets poignants qui renforcent rapidement le sentiment de fragilité de nos héros, face à un destin qui semble immuable.
Car il y a plusieurs dizaines d’années, un événement nommé Fracture est venu changer l’avenir de l’humanité. Chaque année, celle que l’on nomme la Peintresse poursuit son compte à rebours mortifère et supprime ainsi tous les êtres humains qui ont plus de 30 ans dans un processus appelé «gommage». Ceux qui entament leur dernière année d’existence peuvent néanmoins tenter d’aller défier celle qui tient leur destin entre ses mains dans des expéditions, avec l’infime espoir de mettre fin à ce cycle infernal. Après 67 expéditions ratées, Gustave et d’autres volontaires décident de se rendre sur le Continent pour tenter leur chance à leur tour. Après une petite heure à nous poser le contexte, l’aventure débute réellement, et on comprend rapidement que survivre à cette Expedition 33 ne tient finalement qu’à un fil.
Pour ne perdre personne en chemin, les développeurs de Sandfall Interactive ont toutefois eu la bonne idée de proposer trois modes de difficulté, ce qui devrait satisfaire à la fois ceux qui souhaitent profiter du scénario uniquement, mais aussi ceux qui n’ont pas peur de se mettre dans des conditions de fragilité extrême, où chaque erreur peut être fatale. Pas de panique toutefois, Clair Obscur: Expedition 33, même s’il emprunte quelques idées aux Souls-like, n’est pas aussi punitif qu’un jeu From Software et reste conçu de manière à ce que le joueur s’améliore au fil du temps. Soit par la présence d’une sauvegarde automatique qui s’active après chaque combat, mais aussi par des mécaniques de jeu qui incitent clairement le joueur à s’améliorer, telles que l’apprentissage des patterns ennemies, ou encore du farm d’expérience dans le but d’augmenter la puissance de chacun des personnages jouables.
Au total, ce sont trois héros qui sont alignés au maximum durant les combats, avec toutefois la possibilité de lancer les personnages mis en réserve si le groupe principal vient à échouer. En petit nombre, les membres de l’équipe ont le mérite d’être bien différents les uns des autres, avec un style et même des mécaniques de gameplay propres. La mage utilise des «pigments» pour améliorer l’efficacité de ses sorts, tandis que la fleurettiste utilise un système de posture avec la possibilité d’augmenter les dégâts ou sa défense pour le tour suivant par exemple. Car oui, Clair Obscur: Expedition 33 propose du tour par tour, avec une jauge d’ATB (Active Time Battle) qui permet de connaitre l’ordre d’attaque des protagonistes, et donc d’établir une stratégie à court ou moyen terme. Comme dans un JRPG classique, on alterne ainsi entre les attaques, la distribution d’objet et les soins en tentant de trouver le bon équilibre entre les offensives et la nécessité d’avoir au minimum un membre debout à la fin du combat.
Si dans la plus basse des difficultés il est possible de s’en sortir sans aller chercher plus loin, c’est en mode difficile que le système prend véritablement toute sa dimension. A l’image de la franchise Persona, le jeu de Sandfall Interactive entend bien moderniser le genre en lui donnant une approche nettement plus dynamique que ce qu’on a pu connaitre jusque là. Concrètement, le studio français s’est évertué à imaginer un système capable d’éliminer tous les moments de passivité du joueur, en l’impliquant sur chacune des actions. Les attaques spéciales peuvent gagner en puissance ou en enchainement en appuyant sur le bouton A au bon moment, tandis que les parades et l’esquive tiennent une place particulièrement importante, et déterminent même grandement l’issue des combats dans le mode le plus relevé. Cela peut s’avérer d’autant plus problématique que les attaques ennemies ont des rythmiques assez perturbantes, avec des fenêtres d’action qui nécessitent parfois d’avoir de bons réflexes. Un système très grisant, combiné à des points d’action qui permettent de déclencher les attaques les plus puissantes, et qui oblige finalement à alterner entre des coups simples, ou plus dévastateurs.
L’ensemble offre un dynamisme jamais vu sur du tour par tour, le tout porté par une mise en scène qui rappelle Lost Odyssey avec une caméra à hauteur d’homme, et qui suit les mouvements du héros qui lance son attaque. Le résultat se veut très énergique, et on prend finalement énormément de plaisir à se lancer dans des batailles capables d’offrir des moments d’une grande intensité, avec une dimension parfois épique. Une impression renforcée par du slow motion bien dosé, des impacts dont on ressent la puissance – encore plus sur les contres – et une explosion d’effets de particules très réussie. Pour aller encore plus loin, le studio a inclut la possibilité d’attaquer à distance, peu importe l’équipement et le personnage. Cela offre encore plus de profondeur au gameplay, surtout si on y ajoute les résistances et les faiblesses des ennemis face aux éléments (feu, glace, terre, foudre, ombre, lumière et fracture) et la possibilité d’annuler des coups avec des boucliers défensifs.
Autant de mécaniques de gameplay empruntées à différentes franchises du genre, tout comme le système de «pictos» qui rappelle les magies à apprendre en équipant des Espers dans Final Fantasy VI. Pour résumer, on peut récupérer ces pictos en battant des monstres ou en explorant le Continent, pour ensuite les équiper sur chacun des membres du groupe, dans la limite de trois par héros. Après quelques combats, on peut ensuite les transférer sur un autre système, appelé «Lumina», qui permet d’en rattacher plus que trois, mais dans une limite de points à dépenser. En plus d’offrir certains bonus, parfois combinés à des malus, ces pictos permettent aussi d’augmenter les statistiques des membres de l’équipe, et notamment de faire gonfler leur nombre de points de vie, ce qui en fait un élément indispensable à prendre en compte. Les lourdes défaites face à certains boss poussent intelligemment le joueur à approfondir le système pour en comprendre tout l’intérêt, et finir par aligner les bons personnages avec les bonnes compétences pour optimiser ses chances de réussite. C’est malin, et si cela oblige à passer un certain temps dans les menus, ce n’est pas non plus trop chronophage.
Si les combats tiennent une place importante dans cette première production de Sandfall Interactive, l’exploration n’est pas mise de côté pour autant. Là encore, on trouve de fortes références aux JRPG des années 90, avec des «donjons» à explorer, répartis sur une carte du monde qui se dévoile petit à petit, à mesure que l’on progresse dans l’aventure. On gagne ainsi en liberté au fur et à mesure de l’aventure, avec quelques lieux accessibles d’entrée mais qui nécessitent d’avoir un niveau bien plus élevé pour ne pas mettre fin précipitamment à l’expédition. Les activités annexes sont nombreuses, avec quelques activités plus ludiques qui apportent un peu de fraîcheur, tandis que l’on est tenté de revenir dans certains lieux déjà visités pour essayer d’aller battre un ennemi puissant. Dans tous les cas, se déplacer d’un lieu à un autre sur la carte se fait dans des décors somptueux, inspirés des dioramas. C’est original et cela contribue a offrir un vrai cachet au jeu. Tout comme les différents environnements traversés d’ailleurs, avec des paysages à la fois variés et bien réalisés, et un travail remarquable effectué en matière de colorimétrie.
De manière plus générale, c’est toute la partie technique qui se révèle plus que solide. Honnêtement, nous n’aurions jamais pu imaginer qu’un studio indépendant parvienne à obtenir un tel niveau d’excellence en la matière, avec une utilisation de l’Unreal Engine 5 totalement maitrisée, qui ne laisse jamais l’impression d’être face à des éléments trop génériques. Même la gestion des cheveux, un petit défaut que nous avions relevé lors de notre passage à la Gamescom, semble avoir subi les corrections nécessaires pour devenir crédibles, tout en conservant leur incroyable finesse. Cette solidité technique vient servir une direction artistique qui atteint des sommets. Les développeurs montpellierains nous emmènent alors dans un monde singulier à la sémantique issue des Beaux-Arts. Que ce soit par son bestiaire varié, le gigantisme de certains ennemis ou l’extravagance de certains personnages secondaires, Clair Obscur: Expedition 33 montre qu’il a pleinement digéré ses influences et possède son propre caractère. Le titre de Sandfall Interactive prend le parti de ne pas trop étendre le lore par le biais de documents, avec seulement quelques journaux d’expéditions précédentes à ramasser, mais cela ne l’empêche pas de livrer un dénouement à la fois cohérent et inattendu.
Très loin d’être cousu de fil blanc, le scénario nous invite à plonger dans cette œuvre complète qui ne pourra laisser personne de marbre. Et que dire des compositions musicales de Lorien Testard, qui parviennent à totalement s’imprégner de cet univers original, tout en le sublimant avec ses thèmes empruntés à des styles très différents, mais toujours aussi efficaces. Les doublages français des personnages viennent compléter une partie sonore très qualitative. Pour résumer, Expedition 33 nous embarque dans une ambiance de folie, pleine de lyrisme et d’héroïsme, et nous plonge avec plaisir dans une véritable épopée homérique.
+
- Combats d'une grande intensité
- Courbe d'apprentissage bien équilibrée
- Bonne profondeur de gameplay
- Ambiance absolument exceptionnelle
- Mise en scène au top
- Histoire bien écrite et pleine de surprises
- Personnages travaillés
- Environnements somptueux
- Partie sonore de grande qualité
- Effets de particule très réussis
- Trois modes de difficulté
- Fin cohérente et totalement inattendue
- Doublages en français très corrects
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- Difficile de lâcher la manette