Test : Death Stranding: Director's Cut sur Xbox Series X|S
Le facteur chance
Hideo Kojima oblige, Death Stranding s’ouvre sur une grosse cinématique. De quoi nous rappeler dès les premières secondes que le sexagénaire a toujours été attiré par le monde du cinéma. Et contrairement à ses précédentes productions, le papa de Metal Gear Solid est parvenu cette fois-ci à constituer un casting d’acteurs et d’actrices issus directement du septième art. Si le rôle du héros a été attribué à Norman Reedus, que l’on connait plutôt grâce à la série The Walking Dead, l’affiche de Death Stranding regroupe également Mads Mikkelsen (le Chiffre dans Casino Royale), Léa Seydoux (Madelaine Swann dans 007 Spectre), mais aussi les réalisateurs Guillermo Del Toro (Pacific Rim, Hellboy,…) et Nicolas Winding Refn (Drive, …). De grands noms, et de grandes ambitions pour la première production totalement libre de Hideo Kojima.
Mais les bonnes vieilles habitudes ne changent pas et c’est une longue cinématique qui nous accueille d’emblée. Il est déjà l’heure de poser sa manette pour suivre Sam Porter Bridges, un livreur pourchassé par d’étranges créatures qui ne lui veulent pas que du bien, assurément. Après les zombies, la menace est invisible pour le personnage incarné par Norman Reedus, et donc infiniment plus dangereuse. D’autant que cet anti-héros ne possède pas de caractéristiques particulières (mis à part le fait qu’il ne peut pas mourir, ce qui est déjà pas mal), pour un sentiment d’extrême fragilité qui nous plonge d’ores et déjà dans une ambiance bien tendue comme il faut. Dans une Amérique totalement ravagée, qui rappelle désormais bien plus les steppes rocheuses islandaises que les Etats-Unis, le joueur suit donc les aventures de ce livreur rapidement rattrapé par son passé, et désormais chargé de rétablir le réseau «chiral» pour connecter les derniers habitants entre eux.
En nous lançant dans une nouvelle franchise imaginée par Hideo Kojima, on s’attendait forcément à un lore complexe à assimiler et à digérer, comme ce fût tout au long de la saga Metal Gear Solid. Pas de surprise de ce côté-là donc, puisque cette plongée dans cet univers inédit est l’occasion de faire face à tout un vocabulaire qui nous est inconnu, avec par exemple l’odradek, le DOOM, les preppers, les rapatriés ou encore les BB. Mais étonnamment, tout s’absorbe naturellement, petit à petit, à mesure que s’enchaîne les cinématiques. Le jeu répond régulièrement aux interrogations du joueur, et l’invite surtout à avancer pour en apprendre toujours un peu plus. Il y a dans ce Death Stranding un petit côté addictif que l’on ne saurait pas vraiment expliqué, sans doute lié à cette volonté de démêler les mystères d’un monde qui a tout à nous apprendre, et cela au travers de Sam, un personnage lui-même emprunt aux doutes et pas franchement convaincu par l’idée de reconstruire le pays à coups de fable patriotique.
Livré à nous même, ou presque, il faut donc s’atteler à la tâche. En bon livreur qu’il est, Sam est capable de transporter plus de 100 kilos de marchandises sur le dos, avec pour but d’amener sa cargaison en un seul morceau si possible. Car même si Death Stranding n’est pas une simulation de livreur Fedex comme on a pu l’entendre à plusieurs reprises à sa sortie en 2019, il faut bien avouer que le game-design tourne autour de votre capacité à parcourir les kilomètres en prenant soin de vos charges. Pour cela, on fait face à un système ultra complet qui dissocie bien chaque conteneur porté, qui prend en compte le poids de chaque élément, et qui introduit un peu de physique. Sam est par exemple capable de courir, mais un virage trop sec durant sa course, ou le fait de percuter un petit rocher, va entrainer un déséquilibre, et potentiellement une chute capable d’abîmer un ou plusieurs éléments de votre cargaison. Il faut donc y aller avec méthode, tout en usant de réflexe pour redresser notre héros à l’aide des gâchettes hautes quand c’est nécessaire. Il faut également prendre garde à gérer une barre d’endurance pour éviter l’épuisement, et faire des haltes lorsque c’est nécessaire. Chaque performance est détaillée dans un rapport de fin de mission, un peu trop complet à notre goût, qui nous rappelle à quel point les équipes de Kojima Productions aiment les détails.
Autant dire que l’environnement tient une place prépondérante de cette aventure, et même si Sam présente de grandes qualités athlétiques, on n’est jamais à l’abri de ruiner une mission après un faux pas ou une maladresse. Pour se faciliter la tâche, il est toutefois possible de crafter différents outils, comme une échelle pour traverser un passage dangereux, ou une ancre à corde pour descendre d’une falaise en rappel. En adoptant une structure semi-ouverte, Death Stranding prend un grand soin à adopter une courbe de progression particulièrement satisfaisante. Si les débuts du jeu nous proposent des trajets laborieux, des nouveautés viennent s’ajouter à mesure que Sam connecte d’autres refuges au réseau chiral. Il devient alors possible de crafter des exo-squelettes pour aller plus vite et faciliter l’équilibre, mais aussi des motos à recharger sur des générateurs également fabriqués par le joueur. Des tours de guet pour identifier les ressources et les ennemis aux alentours, des refuges pour se reposer et même des routes pour circuler plus vite d’un point à un autre sont également de la partie, et contribuent à donner un petit côté Minecraft à l’exploration, dans l’idée de dompter l’immensité qui nous entoure.
C’est d’autant plus vrai avec l’aspect asymétrique voulu par Hideo Kojima. Partant du principe que les livreurs sont désormais les seuls humains à se risquer à l’extérieur des bunkers, le créateur japonais a eu dans l’idée de laisser des traces des autres joueurs dans votre monde à vous. Un principe étonnant, mais qui fonctionne parfaitement, avec la possibilité de profiter des structures des autres joueurs ou d’être informé de la présence d’un danger éventuel grâce à un panneau laissé par un de vos pairs. C’est pratique, sans toutefois gâché l’expérience initiale puisque ces éléments n’apparaissent qu’une fois que vous avez connecté la zone en question au réseau chiral. Au final, le level-design est façonné en partie par les joueurs, ce qui se révèle être une idée assurément brillante.
Mais si cela peut vous aider dans votre quête, c’est bel et bien seul que l’on affronte les différents types d’ennemis que l’on croise sur notre parcours. D’un côté on trouve les Mules, des humains qui ont décidé de vivre en volant les ressources des autres campements, et qui n’apprécient pas vraiment que vous traversiez leur territoire. Equipé de capteurs capables de vous détecter, l’affrontement est généralement inévitable et il faut alors sortir les poings pour vous en débarrasser. Un système de combat qui a eu droit à quelques améliorations avec la Director’s Cut, mais qui manque encore de souplesse pour être tout à fait honnête. Après quelques heures de jeu, des armes sont disponibles, tandis que l’ennemi gagne aussi en puissance. Des affrontements pas hyper enthousiasmants, mais souvent très rémunérateurs puisque le fait de nettoyer un camp ennemi offre la possibilité de voler un camion et de le charger de marchandises à ramener en lieu sûr. Un petit côté Robin des Bois hautement gratifiant.
Mais la plus grande menace ennemie reste les Echoués. Il est possible de distinguer ces créatures invisibles grâce à votre BB, ce nouveau-né placé dans une capsule que Sam porte sur son ventre. Dans un premier temps, seule votre capacité à vous déplacer sans faire de bruit vous permet de leur échapper, en vous accroupissant et en retenant un maximum votre souffle, dans la limite accordée par votre barre d’endurance. Ces rencontres sont généralement assez intenses, d’autant que vous devrez faire face à une matérialisation plus imposante encore si jamais vous êtes repéré. Pour vous aider, une sorte de radar nommé odradek vous permet de savoir si un Echoué est proche de vous, tandis que diverses armes ajoutées à votre arsenal changeront le rapport de force après quelques heures de jeu. A noter d’ailleurs qu’à l’image d’un The Legend of Zelda: Breath of the Wild, les armes se cassent dans Death Stranding, de même que les conteneurs de marchandises s’abiment avec la pluie. Il faut donc toujours veiller à partir en expédition avec de l’équipement qui n’est pas sur le point de vous lâcher. C’est également le cas pour les véhicules d’ailleurs, qu’il faut penser à réparer régulièrement. Dans les deux cas, cela n’est pas trop contraignant et on ne perd pas beaucoup de temps à tout remettre à neuf.
On apprécie également qu’il soit possible de voyager instantanément vers des villes-relais déjà visitées, par un système totalement intégré au scénario. Globalement on sent bien la volonté de Hideo Kojima à vouloir proposer une expérience à mi-chemin entre le jeu vidéo et le film, en prenant notamment le soin de développer chacun de ses personnages principaux, parfois par le biais de quelques flashbacks. Pas grand chose à dire du côté de la technique, absolument impeccable, avec des décors somptueux, une distance d’affichage tout à fait correcte et une fluidité à toute épreuve. On ressent d’ailleurs bien les accélérations en moto, et on ne s’est jamais retrouvé embêté par un bug de collision malgré le terrain très accidenté et les divers reliefs qui composent le paysage. Les modèles 3D sont également à placer du côté des points positifs, même si on a pu constater parfois de grandes disparités entre les acteurs principaux et certains personnages plus secondaires. Rien à redire sur le sound-design, au top, complété par une bande-son composée de thèmes chantés majoritairement issus du répertoire du groupe LowRoar. De quoi donner une dimension envoutante supplémentaire à cette expérience qui ne laissera personne indifférent.
+
- Norman Reedus parfait dans son rôle
- Gameplay qui gagne régulièrement en profondeur
- Univers très cohérent
- Atmosphère unique et envoûtante
- Multijoueur asymétrique bien trouvé
- Techniquement très réussi
- Ambiance sonore de qualité
-
- Combats encore très perfectibles
- Rapports de missions trop consistants
- Modèles 3D de qualité inégale