Test : Enchanted Arms sur Xbox 360
Si Fantasy m’était contée…
Il est vrai que le RPG sur la console de Microsoft n’est pas, à ce jour, le genre le plus représenté. Certes, il y a eu le succès retentissant de The Elder Scrolls IV : Oblivion à se mettre sous la dent mais malgré tous les trésors de richesse que ce titre peut révéler, il reste bien “occidental” à sa manière. Malgré l’effort affiché par l’éditeur pour s’ouvrir à d’autres horizons, les amateurs de RPG dits « japonisants » sont restés à la traîne, vous savez ceux qui ont tremblé pendant l’opéra de Final Fantasy VI devant la célèbre “scène d’Aerith”, ceux qui ont quasiment pleuré à l’annonce des Dragon Quest en France, ceux qui ont enchaîné les Suikoden et autres Grandia…Bref, les voilà enfin face au premier jeu de rôles vidéoludique japonais sur Xbox 360, résonnez hautbois et acclamations de joie ! A moins que ce ne soit la déconfiture directe ! Toujours est il que les titres de ce genre se multiplieront dans les mois à venir avec notamment, pour ne citer qu’eux dans l’immédiat, Blue Dragon et Lost Odyssey, des softs qui ont fait forte impression jusque ici et sont les dignes descendants de Mistwalker du quasi-divin Sakaguchi (créateur de la série des Final Fantasy, vil inculte que tu es). Cependant, avant de sabrer le champagne et d’organiser des courses de Chocobo pour en fêter la sortie sur notre territoire, recentrons nous sur Enchanted Arms, un titre arrivé presque sans prévenir. Tout d’abord, soulignons l’apport de From Software puisque, outre la série des Armored Core, on a récemment pu essayer Chromehounds, lequel se place toujours bien dans les charts internationaux. Les développeurs sont également à l’origine du titre Les Royaumes Perdus sur support Gamecube mais après mûre réflexion, on tentera d’oublier son gameplay bancale oscillant entre Yu Gi Oh et les Pokemon à la sauce jeu d’infiltration.
De prime abord, Enchanted Arms se révèle aguicheur avec grosso modo des textures détaillées, des environnements riches et une modélisation plutôt bien gérée. Une fois la galette enfournée, on note même un effort de synchronisation labiale dans tous les dialogues parlés du jeu (sans pour autant passer par une cinématique), le plus impressionnant demeurant pourtant les effets apportés aux combats. Cependant, concentrons nous sur notre os à moelle du départ : en fait, passablement cliché, le scénario à ses débuts n’offre rien de particulièrement surprenant. Nous voilà dans la peau d’Atsuma, jeune étudiant de l’académie d’Enchantement de Yokohama (sorte de Poudlard version asiatique) où notre héros brille par son laxisme. Ceci jusqu’au jour où la ville semble plongée dans une étrange léthargie lors du festival annuel ce qui amène Atsumaà vouloir en découvrir le pourquoi et le comment en compagnie de deux amis. Ils découvrent alors une prison millénaire enfouie sous l’académie au cœur de laquelle sommeille un « Devil Golem » dont la puissance est quasi divine et c’est là que les ennuis vont commencer, sans trop en révéler… La progression du joueur dans le monde se fait à la manière de Final Fantasy X : pas de réelle progression sur une carte. Le joueur se balade sur un chemin prédéfini (idem pour les donjons) au gré et vents des combats aléatoires. Le monde de Enchanted Arms ressemble étrangement au notre en commençant par le nom des villes : Yokohama City, London City…Chacune possédant son architecture propre (London City, par exemple, est dans un style très château fort médiéval) et sa culture, ses lois, ses habitants. Malheureusement le background de l’univers est assez pauvre, largement moins travaillé que pour de nombreux RPG. Les personnages-figurants n’ont aucune saveur et semble errer dans une ville qui leur semble totalement étrangère. L’interaction avec ce même monde est très limitée et le design de certains lieux manque particulièrement de saveur. Néanmoins, on retrouve plusieurs mini-jeux comme un Casino, qui permet notamment de publier ses résultats dans un classement mondial, via le Live. Après si techniquement c’est joli, le design n’a pas bénéficié des mêmes efforts de création visiblement. Premièrement, du côté des personnages – chacun semblant avoir été crée pour être identifié à une couleur. Certes, les costumes sont innovants mais frisent parfois le mauvais goût, disons plutôt qu’on a l’impression d’assister au défilé d’un grand couturier maniéré en pleine phase de génie créatif décalé. Le moins bien loti est certainement Raigar, notre « Auron » local, qui avec son accoutrement vert n’est pas sans rappeler les Lepreschaun du folklore irlandais. On grimace, de même, devant la face de l’homme-pizza ou celle du clown de glace, à moins d’accepter assez vite que le jeu prend la direction d’un style décalé. En contre partie, certains protagonistes possèdent une allure plus recherchée comme la Reine des Glaces ou les golems millénaires. La qualité artistique des décors s’avère tout aussi partagée malheureusement. Ainsi, on peut tomber sur des ruines façonnées de manière simple mais qui, par le biais des runes voltigeant ici et là et propres au titre, révèlent une certaine esthétique. En parallèle, certains lieux semblent avoir été pompés outrageusement sur d’autres jeux.
Encore faudrait il qu’elle me fasse rêver…
L’univers du jeu débauche tourne autour des différentes magies élémentaires, lesquelles sont rendues à l’écran par des déluges de lumières éblouissants. Allumer un briquet revenant sans doute à une petite éruption volcanique vu la puissance visuelle des sortilèges, on voit en ce titre un précurseur de la lutte anti-tabac dans nos foyers. Trêve de plaisanterie, on aime beaucoup les runes tournoyantes autour des étincelles et les rendus visuels des attaques spéciales. Malheureusement, il subsiste un problème majeur dans Enchanted Arms : le manque d’inspiration. D’abord, on sent fortement l’empreinte des Final Fantasy dans le design mais également au niveau du scénario. Bien que celui-ci s’étoffe en cours d’aventure, il accumule les stéréotypes à la pelle comme un machiniste qui fourre du charbon dans sa locomotive. Cette idée se reflète déjà chez le héros : tandis que l’histoire débute, le décor nous le plante en tant qu’élève au sein d’une académie sans que l’on sache ni vraiment pourquoi, ni vraiment comment il est là. Dépeint comme un garçon lent, naïf, feignant, pas vraiment futé et peu enclin à suivre des cours, on sait toutefois qu’il est capable d’annuler la magie (le principe de la dualité +/-) – particularité qui n’a pas l’air de le perturber plus que ça. Les connaisseurs auront l’impression de se retrouver de un énième Tidus, la saveur mélodramatique en moins. Vient ensuite une enfilade de personnages clichés : une petite peste bout-en-train, une caractérielle imbue d’elle même au grand coeur mais bien caché, un vieux soldat-protecteur réservé et le classique copain du héros bien sympathique. Pourtant un personnage se détache, Makota – un jeune homme au design assez particulier – premier homosexuel révélé de l’histoire vidéoludique.
Littéralement subjugué par le meilleur ami du héros, il couvre celui ci d’un amour débordant qui ne risque pas malheureusement de défricher les préjugés de certains. Certainement exagéré dans ses traits, il a toutefois le mérite d’être là et c’est une initiative courageuse dans un milieu où la sexualité (et encore plus celle ci) reste encore un tabou pour beaucoup. Malgré cette légère “entorse” qui donne une goutte d’originalité au titre, on reste toujours plongé dans ce côté de déjà vu pour certains (ndlr : Neity qui a essayé le jeu ne partage pas ces considérations pourtant). Par exemple, la Reine des Glaces rappelle un peu trop les méchants de Dragon Ball Z alors que les réactions immatures du personnage principal sont susceptibles d’agacer. En sus, certains éléments du scénario sont maladroitement intégrés sans pour autant complètement gâcher l’ensemble mais l’on aurait tendance à penser que la structure de la trame a été un tantinet négligée.
Ou qu’elle me fasse cauchemarder…
Heureusement, le soft compense certains défauts grâce à son système de combat et sa gestion des personnages assez intéressants. Le parti pris est celui du Tactical-RPG, un type de jeu dans lequel les combats se déroulent sur une grille (faite de 2×12 cases dans le cas présent). L’action se déroule en deux phases : la première où vous donnez les ordres de déplacement et d’action à vos protégés et la seconde où vous assistez, tranquillement assis, au bon déroulement de vos choix. From Software a su rendre son système de combat particulièrement stratégique grâce à l’intégration de nouveaux éléments qui viennent enrichir vos manœuvres. A titre d’exemple, les points de vie sont automatiquement restaurés à la fin de chaque bataille tout comme les EP, équivalents des points de mana. Ces EP sont, en fait, bien plus que ça car ils sont nécessaires à chacune de vos actions sur le champ de bataille. Une fois votre jauge EP vide, le personnage concerné passera son tour en espérant voir la jauge remonter légèrement. Subtilité qui a son charme puisque l’on peut se “lâcher” pendant les combats si la situation le permet lorsque la jauge revient à son maximum, d’ailleurs le principe s’avère être similaire à celui de Sudeki si vous vous souvenez.
L’autre aspect amusant des combats réside dans la construction de son équipe. Outre les différents protagonistes qui gravitent dans le scénario, vous pourrez inclure (et inclurez) des Golems. Anciennes créatures mêlant magie et machine, ils furent construits pour servir le destin des hommes… à savoir se taper dessus dans la joie et l’harmonie d’une guerre sans merci. Un conflit bien antérieur à l’époque où nous jouons les anéantit presque tous et les survivants furent utilisés pour la défense puisque devenus des créations quasi inoffensives (là encore toutefois on retrouve la même trame que dans Sudeki). Au fur et à mesure votre parcours, vous pourrez en rencontrer au hasard des donjons (vous devrez les combattre et les vaincre pour avoir la capacité de les créer par la suite) ou les acheter dans les magasins. A vous ensuite d’équilibrer votre formation, dans cette optique vous pourrez choisir les domaines de compétences dans lesquels vous souhaitez attribuer les points d’expérience. Histoire de ne pas trop simplifier les échanges, les ennemis ne sont pas complètement cruches et sont capables de vous sortir des attaques d’une fourberie malhonnête ! Concrètement, ils peuvent vous vider une jauge de HP de moitié et même si l’on possède assez facilement des sorts de soin, il faut après être capable de les placer judicieusement sur la grille afin de couvrir la plus large aire possible. Egalement, vos héros possèdent une jauge exclusive au titre : les Vitality Points. La jauge de VP correspond à l’endurance du personnage. Si cette jauge atteint zéro, notre valeureux combattant débarque en combat en aussi bonne forme qu’une armada de retraités. L’espérance de vie se comptant en secondes, avec une jauge qui diminue en fonction de la durée des affrontements et des coups reçus, on se hâtera de la recharger aussi souvent que possible dans ce qui s’apparente à des interfaces de recharges qui invite le joueur à sauvegarder la partie par la même occasion. En parlant de sauvegarde, d’ailleurs, le joueur est totalement libre de le faire à tout moment et ce, avec un nombre de fichiers libres assez conséquent. Indéniablement, cela renforce l’accessibilité du titre mais on ne peut non plus nier l’aspect pratique du système : ne plus avoir à faire 15 kilomètres pour trouver un point de sauvegarde (sans compter les combats aléatoires) alors que l’on reprend les cours dans moins de quatre minutes. Les plus chevronnés apprécieront la compatibilité Xbox Live où l’on pourra affronter des golems soit avec une équipe préconçues, soit avec l’équipe créée dans le cadre de la partie solo. Pourtant malgré la présence d’un système de ranking, le online n’est guère exploité et fait plutôt office de bonus. L’option s’avère donc décevante pour un RPG et aurait mérité plus de possibilités à offrir aux joueurs. Autre aspect pénible, le jeu est entièrement en anglais. La première réaction légitime que nous avons est l’envie de limoger Ubisoft qui nous sort un jeu sans localisation alors que l’écart entre la version japonaise et européenne est d’environ neuf mois. A sa décharge, le titre est dans un anglais fluide et simple, sans cut-scenes à rallonge façon Final Fantasy X. enfin, on peut virer le doublage exubérant de nos confrères américains pour mettre le doublage original, en japonais s’il vous plait. C’est loin d’être négligeable, du moins si vous souhaitez rester dans l’esprit du jeu. Enfin, le thème de combat est relativement décevant pour les habitués aux compositions de Uematsu (pour ne citer que lui) notamment à cause du choeur qui est limite inaudible. Certaines pistes valent largement le détour… mais le meilleur côtoie trop souvent le pire. Au niveau des bruitages généraux du jeu, ça reste correct même si ouvrir une porte en fer produira le même son qu’en ouvrir une en bois.
+
- Des graphismes corrects sans être révolutionnaires
- Bonne durée de vie (30 à 40H)
- L’aspect “collection” des golems
- Une gestion des personnages/golems bien fichue
- Un système de combat plutôt bien vu
-
- Un design parfois douteux (on a pas dit foireux !)
- Un mode Live quasi inutile
- La localisation aurait été la bienvenue
- Un scénario blindé de stéréotypes d’où une certaine lourdeur