Test : The Falconeer sur Xbox One
Mais jamais rien ne l'empêche, l'oiseau, d'aller plus haut
Développé par Thomas Sala pour Wired Productions, The Falconeer est un shooter aérien, un véritable « dogfighter » qui a la particularité de troquer l’avion pour la majesté du faucon. Voler, que ce soit à dos de rapace, d’insectoïde géant ou aux commandes d’un zeppelin, est un mode de déplacement on ne peut plus commun et indiqué en Ursée. Ce monde étrange dans lequel se déroule l’aventure The Falconeer est dépeint au travers de contrées recouvertes à 99,9% d’eau. Sur les quelques promontoires rocheux qui émergent ici et là, les humains ont installé leurs colonies, forteresses et autres temples. Mais ne vous y trompez pas car aussi difficile et rare que puisse être la vie sur les flots, les femmes et les hommes d’Ursée ne démordent pas de l’activité numéro un de tout bon humain qui se respecte : faire la guerre. The Falconeer nous présente ainsi au travers de quatre chapitres comprenant chacun une dizaine de missions principales, les conflits qui opposent diverses factions en Ursée. Conspiration, guerre, trahison, amour, gloire et beauté : rien n’est épargné au joueur qui endosse le rôle d’un pion sur un grand échiquier (un personnage différent à chaque chapitre), mais un pion qui a la capacité de renverser même la plus solide des défenses siciliennes. Avec, au bout d’un chemin fait de sueur et de sang, la réponse que les habitants d’Ursée se posent : qui sont-ils ?
Entièrement doublé en français (il en va de même pour les textes bien entendu), The Falconeer raconte son histoire de façon relativement simple, résultant de son choix quant au type d’expérience proposée manette en main. On débute chaque chapitre depuis une ville/place forte de l’Ursée, où l’on retrouve sous couvert d’écrans fixes plusieurs personnages. Un premier nous présente succinctement les lieux et leur histoire, un second est là pour nous donner des missions principales. On retrouve aussi un donneur de quêtes annexes et le cas échéant, un commerçant. On peut à partir de là s’envoler librement sur toute la carte, pour explorer le monde et s’arrêter dans des autres colonies ou chez des marchands indépendants. Mais pour progresser et débloquer justement l’ccès à certaines places fortes et leurs missions annexes et commerces, il faut accomplir des missions. Un petit briefing présente les objectifs du jour et c’est particulièrement dans ces moments-là que l’on en apprend un peu plus sur le monde de The Falconeer et ses enjeux. Dénuée de scénettes, de véritables cinématiques ou tout simplement d’un héros qui aurait quelque chose à dire, la narration de The Falconeer n’est clairement pas la plus facile d’accès qui soit. On peine d’ailleurs un peu à s’immerger dans le conflit avant d’arriver à la bonne moitié de l’aventure. Alors les choses se délient et l’on commence à trouver un véritable intérêt pour le scénario, sans jamais véritablement s’y passionner.
Toujours est-il que The Falconeer est un shooter avant d’être un jeu narratif et c’est bel et bien cet aspect là du jeu qui occupe durant la dizaine d’heure que se développe l’aventure au-dessus des flots. Si l’on devait le comparer à un autre jeu sur le fond, on s’éloignerait du parallèle quelque peu biaisé fait avec Panzer Dragoon pour aller planer plutôt du côté de l’excellent Crimson Skies (Xbox Originale). The Falconeer est assez étonnamment le prolongement de ce type d’expérience et parvient avec brio à reproduire les sensations du combat aérien « traditionnel » aux commandes ici d’un oiseau de guerre. La prise en main de base est simple et repose sur quelques touches de la manette : une pour le tir, suffisamment assisté par ailleurs pour ne pas frustrer, une autre pour verrouiller une cible et une dernière pour faire basculer la caméra en direction de cette même cible. La gâchette gauche dédiée au freinage demande un peu de pratique puisqu’une pression trop forte fait plonger le faucon quelques secondes dans les eaux. Cette fonctionnalité permet par exemple de choper un poisson pour reprendre de l’énergie ou attraper une mine que l’on largue ensuite au-dessus d’une cible lente (un bateau par exemple).
Si les premiers affrontements demandent de la patience et de l’application, on apprend au bout de quelques heures à comprendre les patterns ennemis et on s’en sort chaque fois un peu mieux. C’est dynamique, l’action est au rendez-vous. Mais arriver à prendre véritablement du plaisir aux commandes du faucon repose sur un degré d’investissement et de calme qui va encore bien au-delà de la capacité à prendre en mains l’oiseau. C’est là le plus gros écueil de The Falconeer : l’addition de petites contrariétés qui peuvent conduire facilement à un sentiment d’impuissance. Il y a d’un côté des mécaniques de jeu à l’intérêt contestable, comme le rechargement des armes dans les zones orageuses. En se frottant aux éclairs (il en existe trois sortes) on recharge l’arme du faucon. Mais gare à ne pas rester trop longtemps dans cette zone sous peine de surcharger les batteries et de perdre le bénéfice de l’opération. C’est simple en théorie mais en pratique quand le combat se déroule au cœur même d’une zone orageuse, les soucis sont au rendez-vous. On finit alors le plus souvent par échanger des sphères (monnaie locale) contre des munitions auprès du marchand avant de partir en mission, histoire de ne pas avoir à se soucier du rechargement. Même constat de lourdeur en ce qui concerne le système d’endurance : celle-ci fond lorsque vous accélérez et se recharge lorsque vous piquez du bec vers le sol. Sur les longs trajets on se retrouve souvent à monter et descendre bêtement pour recharger et accélérer, profitant cependant ici et là de courant d’air salvateurs.
Ces mécaniques ne sont pas rédhibitoires mais alourdissent l’expérience, notamment lorsque les courants vous font prendre de l’altitude d’un coup en plein affrontement, et conduisent de fait à la perte du peu d’endurance qu’il vous restait. Cela peut tout simplement être fatal dans The Falconeer qui est un jeu à la difficulté relativement élevée en mal dosée en mode normal. Et même en facile, l’irrégularité de la puissance ennemie fait que l’on peut une première fois exploser toute opposition et se voir le moment d’après envoyé par le fond en quelques secondes. C’est très frustrant, d’autant qu’il faut alors reprendre la mission du tout début ! Il y a de quoi rager sérieusement quand cette mission vous a d’abord contraint à voler pendant cinq minutes sans combat, pour aller inspecter le point A puis le B, avant que quelque chose ne se passe au C. On touche ici d’ailleurs à un autre gros défaut de The Falconeer, à savoir son rythme inégal. Si la seconde moitié du jeu est dynamique, avec des missions d’envergure mettant en scène de nombreuses unités et auxquelles on accède rapidement via un voyage rapide, la première partie du jeu manque cruellement de rythme. On est souvent confronté à des objectifs légers, entrecoupés de moments calmes bien trop prégnants.
En gros, on ne finit par apprécier The Falconeer qu’une fois qu’il approche de sa conclusion. A partir du moment où l’on a enfin réussi à glaner de quoi s’acheter une meilleure arme et des mutagènes pour booster les capacités physiques du faucon. Il faut s’accrocher parce que les donneurs de quêtes sont radins et les marchands gourmands. Le jeu de Thomas Sala se révèle donc sur le tard et se termine quelques heures seulement après que l’on a vraiment commencé à en apprécier les qualités. C’est assez surprenant, les jeux nous habituant plutôt à un départ en trombe pour une expérience qui s’essouffle à la longue et un final à la peine. The Falconeer ne fait décidément rien comme les autres mais c’est parfois aussi pour le meilleur. Techniquement très propre, proposant pour les personnes équipées d’une Xbox Series X et de la TV qui va avec un framerate à 120fps au lieu des 60 de base, The Falconeer est un petit plaisir pour les yeux. Pas forcément d’un point de vue purement graphique, puisqu’il n’y a guère que la qualité du rendu de l’eau et celle du ciel pour l’illustrer. C’est surtout artistiquement que The Falconeer dégage quelque chose. Porté par des compositions discrètes mais très à propos, le monde du fauconnier inspire à la fois beauté et sentiment mélancolique, solitude et en même temps appartenance à un monde vivant et cohérent. C’est une vraie réussite de ce côté, mais qui ne peut se ressentir qu’en y jouant. A vous donc de décider si vous êtes suffisamment patient et investi pour braver les défauts de ce jeu et en tirer à la sueur de votre front les belles qualités.
+
- Direction artistique très inspirée
- Techniquement très propre
- Bande-son parfaitement adaptée
- Du vrai combat aérien dynamique
- Prise en mains relativement facile…
-
- En dépit de quelques choix de gameplay douteux
- Gros manque de rythme, sur la première moitié du jeu notamment
- Difficulté élevée et très mal dosée
- Mode de narration trop plat pour passionner