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Far Cry 5

FPS | Edité par Ubisoft | Développé par Ubisoft

8/10
One : 27 mars 2018
27.03.2018 à 18h47 par - Rédacteur

Test : Far Cry 5 sur Xbox One

Ohana Montana

Inviter les joueurs à incarner les redresseurs de torts ultimes, Far Cry en a fait sa spécialité. Du bout du monde connu et à reculons jusqu’à l'aube de l’humanité, la licence d’Ubisoft a exploré plusieurs façons de mettre en avant et avec une certaine réussite une vision du FPS basée sur la trinité liberté, psychopathe à chasser et gros flingues. Avec Far Cry 5, le développeur entend néanmoins passer un certain cap : la folie et le danger ne sont plus confinés à des lieux où il serait facile d’imaginer mettre en scène les comportements les plus sordides, les plus fous. Cette fois, c’est bel et bien chez l’Oncle Sam que se déchainent les feux de l’enfer. Bienvenue dans le Montana, théâtre de la rencontre avec un berger qui a une façon bien à lui de murmurer à l’oreille des brebis.

Le crochet préhistorique plutôt plaisant initié par Far Cry Primal étant pour l’heure refermé, nous retournons avec Far Cry 5 vers nos chers psychopathes d’aujourd’hui. Souvenez-vous. Il y eut Vaas le nerveux dans Far Cry 3, père spirituel d’un Pagan Min qui avait su insuffler avec réussite une touche de folie teintée d’humour noir au quatrième épisode de la saga. Respect des traditions oblige, Far Cry 5 apporte lui aussi son lot de bizarrerie en la personne de Joseph Seed. Croisement improbable entre Johnny Depp dans un pub de parfum et Rodolphe de Free pour le choix de la monture et des verres, Joseph est du genre fidèle, croyant, pieux. Enfin, surtout quand il faut le planter dans les entrailles de celles et ceux qui ignoreraient ses enseignements. Il est comme ça Joseph : il a planté sa graine dans Hope County, vallée encastrée dans les montagnes Montana, là où on ne capte pas toujours le réseau avec quatre barres. En somme, l’endroit idéal pour transformer une petite secte d’illuminés à tendance violente en une véritable petite armée qui fait régner sa loi par la force et l’intimidation. En attendant patiemment la fin du monde. Mais à la différence des esprits tourmentés qui ont porté haut les couleurs de Far Cry, Joseph Seed n’est pas tout seul à trainer sa croix : Faith, Jacob et John, soit le reste de la fratrie, assurent eux aussi leur quota de folie, de discours enflammés et d’apparitions plus ou moins remarquables. Et puis il y a le joueur, officier des forces de l’ordre et membre de la famille des héros muets. Accompagné d’une poignée de collègues flics, le joueur découvre Far Cry 5 au travers de la tentative d’arrestation de Joseph Seed. Tentative oui, évidemment, puisqu’après quelques minutes d’une première scène particulièrement efficace, tout part en vrille. Il faut alors sauver sa peau, se tourner ensuite vers les quelques poches de résistance pour s’organiser et faire tomber la secte. Jusqu’à atteindre Joseph Seed. En résumé, bienvenue dans Far Cry. Vous êtes ici chez vous.

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Far Cry 5 fait du Far Cry dans ses grandes lignes, à base de monde ouvert, de missions à la pelle et d’activités sur lesquelles nous allons revenir. Reste que le choix de porter le scénario sur les terres d’un « pays développé », s’opposant à la liberté qu’offrent les iles perdues et autres sommets asiatiques, apporte son lot de changements significatifs. Dans ce que cela a de bon comme de contestable. La traque de Joseph Seed étant conditionnée à celle des ses frères et sœurs, le rapport du joueur à la folie ambiante est alors différent au regard des aventures vécues dans deux précédents épisodes canoniques. Chaque Seed a son identité, son histoire, sa façon a lui de faire vivre un calvaire aux habitants de Hope County. Régulièrement, le joueur a droit à un face à face avec l’un des psychopathes : intimidation, usage de drogues ou endoctrinement par des méthodes militaires, chacun y va avec son talent. La mise en scène est soignée à grands coups de cinématiques superbes, les personnalités sont intéressantes, même si l’on aurait tendance à trouver le cas John Seed quelque peu grossier, exagéré. A l’inverse, le personnage de Faith apporte quelque chose qui va au-delà du réel, qui parvient à troubler le jugement. On aurait presque envie de la suivre. Le recours à plusieurs figures fortes côté ennemi permet ainsi à l’aventure d’alterner les types de rencontres, de prendre des orientations tantôt axées sur la violence psychologique, parfois véritablement sanglantes. Pour autant, cette réussite du côté de la galerie des personnages sombres ne saurait totalement éclipser des alliés beaucoup moins marquants, voire insipides. A part le Shériff et le très classe Hurk, le reste du casting tient pour l’essentiel du PNJ de seconde zone. Mais surtout, l’intégration de toute cette ambiance militaro-sectaire en plein cœur des Etats-Unis a parfois du mal à convaincre. On n’attend évidemment pas que Far Cry joue la carte du réalisme mais en revanche, il lui manque peut-être un petit peu de crédibilité. Comme dans les précédents épisodes, la zone est recouverte d’ennemis, les civils sont rares et pour la plupart prisonniers ou résistants. On aurait aimé une représentation un peu plus subtile de l’emprise de la secte sur la population, pas forcément trop sérieuse, mais peut-être plus osée.

«La diversité est clairement au rendez-vous et sa découverte est un émerveillement de tous les instants. Une qualité que le titre doit aussi à son rendu graphique, à placer sans l’ombre d’un doute dans le haut du panier Xbox One»

Cela étant, le Montana version Far Cry 5 est une terre on ne peut plus belle et envoûtante. De ce côté, Ubisoft Montreal frappe fort avec une carte grande, faite de montagnes vertigineuses, de champs, de forêts denses et de prairies, jonchés de cours d’eau et de lacs. Quelques petites zones d’habitations et surtout des chalets isolés marquent les lieux de vie (ou ce qu’il en reste) d’une région rurale, sauvage et propice à la contemplation. La diversité est clairement au rendez-vous et sa découverte est un émerveillement de tous les instants. Une qualité que le titre doit aussi à son rendu graphique, à placer sans l’ombre d’un doute dans le haut du panier Xbox One. Stable en toutes circonstances, détaillé, propre en dépit d’un peu de clipping ici ou là, Far Cry 5 est assurément le jeu à montrer pour briller en soirée. On peut trouver à redire sur la modélisation des PNJ et leurs animations encore un peu rigides mais quand le soleil brille sur les flancs des montagnes, quand le feu embrase les champs et quelques bouseux au passage, vos yeux vous remercient pour le spectacle. Héritée en partie de Far Cry Primal, la faune est dense et anime la partie sonore des sorties en pleine nature, entre deux bruits de moteurs et cris tout de suite moins rassurants de la bande de dangereux membres de la secte qui semblent pousser comme le chiendent. Du côté des voix la version française assure son office, notamment du côté de la fratrie Seed. En bref, techniquement, c’est du tout bon.

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Toute cette belle nature se découvre au fil de missions diverses et variées, suivant une progression qui s’apparente désormais à un mélange entre les précédents Far Cry et Ghost Recon Wildlands. La carte est divisée en trois grand secteurs, chacun aux mains de l’un des Seed. Pour accéder au Padre, il faut donc les faire tomber, ce qui sous-entend de s’allier aux rebelles locaux pour mettre à mal l’organisation. Une barre de progression est propre à chaque territoire et se remplit à mesure que l’on achève les missions principales, secondaires et des activités comme le sauvetage des civils ou la destruction et le détournement des biens de la secte (vol de marchandise, destruction de lieux de culte, etc). Deux jalons sur cette barre marquent l’augmentation du niveau d’agressivité de la secte, jusqu’au point final qui voit le Seed local sortir de sa tanière pour essayer de sauver ce que l’on a pris soin d’égratigner peu à peu. Les missions principales assurent leur devoir de divertissement et on apprécie pour la plupart la possibilité, comme dans une mission secondaire dans un environnement ouvert, de pouvoir choisir différents types d’approches. L’agressivité paye assez bien, grâce notamment à des ennemis pas franchement très futés. L’IA n’est une fois de plus pas vraiment le fort de Far Cry et pour un cinquième épisode, on attendait un peu plus qu’une bande de pantins seulement dangereux par leur nombre. La liberté dans l’approche est malgré tout appréciable, tout comme les combats toujours aussi dynamiques, même elle débouche parfois sur trop de possibilités de gruger les règles. Accessible très tôt dans le jeu, l’hélicoptère de combat facilite grandement le nettoyage des zones de mission, où il ne reste plus qu’à prendre quelques minutes pour boucler l’objectif. L’aventure principale se suit globalement dans de bonnes conditions et se boucle en vingt grosses heures (comptez plus du double pour titiller les 100%), mais comme dans les précédents Far Cry on a du mal à retenir une seule mission vraiment marquante. Il y a du bon, du redondant lorsqu’il s’agit de mettre un point final à l’existence des Seed, de l’explosif aussi mais jamais vraiment rien de marquant. En ce sens, Far Cry n’a pas beaucoup évolué, même s’il demeure plus fluide dans sa progression générale et ce n’est déjà pas mal.

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La progression se fait plus naturellement, quoi qu’un petit peu lentement sur le dernier quart de chaque zone. Mais bonne nouvelle, il n’est plus nécessaire de grimper sur des tours radio pour dévoiler une partie de la carte (le jeu n’hésite d’ailleurs pas à faire de l’auto-dérision à ce sujet) et les avant-postes, assez peu nombreux, sont assez faciles à nettoyer. C’est l’exploration qui prime et en visitant des chalets et divers lieux habités ou non, on tombe régulièrement sur une affiche, un message ou un magazine qui dévoile l’emplacement de quelque chose sur la carte. La découverte gagne ainsi en souplesse, même si l’on n’évite pas la rapide profusion de quêtes annexes en tous genres et d’indicateurs de « planques de survivalistes », ou lieux cachés offrants aux explorateurs de nombreux objets utiles lors de leur découverte. Parlant d’objets, Far Cry 5 met au placard la plupart de ses traditionnelles mécaniques de craft. Les plantes classées par couleurs disparaissent, laissant la place à quelques éléments qu’il est possible de collecter dans la nature mais pour lesquels l’alternative de l’achat est possible et souvent plus intéressante. Au mieux ces quelques plantes sauvages servent à préparer le quatuor classique de boosters en défense, attaque, vitesse et capacité à repérer les animaux. Plus question de collectionner les peaux de bêtes d’ailleurs, même si la chasse est d’actualité (la pêche aussi), pour fabriquer des objets : leur vocation est désormais uniquement mercantile. Les boutiques sont nombreuses. On les retrouve dans les diverses bases, campements alliés et même en pleine nature auprès des chasseurs. On refait le plein de munitions, on change de vêtements ; on peut aussi à certains endroits acquérir un véhicule, que ce soit une voiture, un camion, un bateau ou un avion/hélicoptère.

«Dans l’ensemble, l’équilibre est à peu trouvé pour donner à la progression une structure moins hachée que par le passé»

La progression a changé avec Far Cry 5, jusque dans la façon dont évolue le héros. Une cinquantaine d’améliorations peuvent être débloquées pour devenir plus résistant, porter plus d’objets et munitions, être plus discret, disposer d’une wingsuit ou encore avoir la possibilité d’ouvrir des coffre-forts et autres portes à codes. Mais tout cela ne se débloque pas avec les points d’expérience, dédiés uniquement à la progression générale de l’histoire. Pour gagner des jetons de compétence, il faut terminer des défis et la bonne nouvelle c’est que l’essentiel se fait assez simplement, les objectifs étant placés assez bas. Pas besoin de se forcer pour réussir l’accomplissement d’un certain nombre de morts avec chaque arme, la chasse à tous les types d’animaux ou encore le recours pour un certain nombre de morts à l’un des neuf équipiers spéciaux déblocables. Oui, il est possible d’être assisté par deux PNJ durant la plupart des missions (sauf celles impliquant l’assaut final contre chaque Seed). On peut soit les recruter à la volée parmi les personnes rencontrées ici et là, chacun ayant un profil prédéfini (assaut, discrétion, destruction). Il en va donc de même pour les spéciaux, à la différence notable qu’il faut accomplir une mission dédiée pour les débloquer et qu’ils proposent plus de capacités : on retrouve l’appui aérien en avion ou hélicoptère et plus original, l’équipier peut être un chien, un lynx ou carrément un ours. A l’image des ennemis, les équipiers ne sont pas des modèles d’optimisation de l’IA. Il arrive souvent qu’ils se perdent ou s’explosent eux-mêmes mais dans l’ensemble, ils sont un soutien intéressant et particulièrement utile pour accélérer la prise d’un objectif libre.

Dans l’ensemble, l’équilibre est à peu trouvé pour donner à la progression une structure moins hachée que par le passé, même si inévitablement, la dernière partie du jeu peine à renouveler l’expérience. Elle compense néanmoins par ses environnements, les plus beaux à découvrir si l’on a suivi les conseils du jeu quant à l’ordre d’attaque le plus progressif. Et puis il y a la fin du jeu qui a défaut d’être osée n’en demeure pas moins très surprenante. Vraiment difficile à prédire. Très généreux, solidement posé sur un armement classique pour le genre et seulement égratigné par une roue de sélection pas toujours pratique, Far Cry 5 permet de prolonger l’aventure en coopération avec un ami en ligne mais surtout avec le mode Far Cry Arcade. Accessible à divers endroits du jeu ou directement depuis le menu, ce mode permet de jouer en solo ou en coopération dans des missions Joueurs contre Ennemis sur des cartes crées par la communauté (un multijoueur compétitif est également de la partie pour des matchs à mort entre douze joueurs). Si vous vous sentez l’âme d’un créateur, Far Cry Arcade propose un très large choix d’éléments à compiler pour donner encore un peu plus de corps à ce jeu déjà bien fourni.

8/10
Vous ne serez certainement pas surpris si l’on vous dit que ce que fait de mieux Far Cry 5, c’est être un bon Far Cry. Un monde ouvert pour une grande liberté d’action, des missions et activités à profusion, du gunfight nerveux et un antagoniste quelque peu barré : tous les éléments y sont et il ne faut pas cinq minutes pour que l’habitué retrouve ses marques. Mais en s’affichant si radieux avec un cadre aussi beau, voire superbe, en s’affranchissant de quelques mécaniques aussi douteuses qu’éculées et en se montrant toujours plus généreux, Far Cry 5 assure la mission qu’il s’était donné. Même si l’on a envie de reprocher à son univers un certain manque de finesse qu’il aurait été bon d’intégrer au regard du lieu choisi comme théâtre de cette chasse à l’homme, Far Cry 5 n’en demeure pas moins un titre très solide, inévitable pour tous ceux qui ne sont pas allergiques à cette vision libertaire du FPS, même quand elle n’est jamais très loin de tomber dans une certaine redondance.

+

  • Environnements superbes
  • Techniquement costaud
  • Contenu très généreux
  • Bande-son au poil de grizzli
  • Casting des ennemis plutôt convaincant
  • Progression plus souple que par le passé…

-

    • … Même si une certaine redondance plane
    • Aucune mission vraiment marquante
    • IA aux fraises
    • Univers qui aurait mérité d’être plus subtil