Jeux

Farewell North

Exploration | Edité par Mooneye Studios | Développé par Kyle Banks

8/10
One : 16 August 2024 Series X/S : 16 August 2024
16.08.2024 à 09h17 par

Test : Farewell North sur Xbox Series X|S

Draoidheil agus cianalais

Créé par un développeur solo, retrouvé confiné dans les suites de son arrivée en Ecosse en 2020, Farewell North nous invite à la découverte des étendues sauvages de l'extrême nord du pays au chardon en compagnie d'un duo attachant humain-canin en quête de souvenirs. Entre puzzles, aventure narrative et monde ouvert, le titre imaginé par Kyle Banks, épaulé par Mooneye Studios, se veut être une belle odyssée vidéo-ludique vers le grand nord écossais.

Farewell North nous emmène d’emblée à la découverte de notre duo de héros, Cailey, une jeune femme bonnet vissé sur le crâne et son compagnon à quatre pattes, Chesley, un Border collie bien débrouillard. Tous deux arrivent en  voiture dans un environnement sombre, morne et teinté de nuances de gris. Même si l’on devine très rapidement leurs traits en couleurs au début de l’aventure, les voilà vite dépourvus de leurs teintes et nous les suivons tels des silhouettes fantomatiques vidées de toute essence chromatique.  En vue à la troisième personne, nous suivons en premier lieu un Chesley gambadant dans les herbes hautes du Caithness et des îles Orcades, un archipel subarctique écossais qui, d’emblée, nous donne envie d’être découvert. Nous devinons bien vite que Farewell North souhaite nous amener à apporter une étincelle de vie aux paysages qui nous entourent en leur redonnant de la couleur.

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C’est Chesley, le fidèle chien de berger que nous dirigeons le plus souvent, et le seul capable de faire renaitre la nature. Pour cela, il faut cueillir des chardons pour retirer les ronces qui bloquent notre chemin ou encore trouver des lapins pour redonner vie aux paysages en faisant fondre la neige. Les îles reprennent alors des teintes chatoyantes, un véritable bonheur pour nos yeux. Progressivement, les vents du nord nous appellent, tandis que Cailey et Chesley s’installent dans leur kayak pour parcourir l’archipel. Imaginé en ce sens un peu comme un monde ouvert, Farewell North nous laisse pagayer dans les eaux reliant la mer du Nord à la mer d’Ecosse.

C’est entre les terres brumeuses du Caithness et de ses skerries, ces petites îles de l’extrême nord-est écossais quasi désertiques, où nous retrouvons seulement quelques bergers à l’accent bien marqué, que le Border Collie et sa maîtresse font face à leur passé. La navigation en kayak est d’ailleurs facilement appréhendée, et peut même se faire avec des commandes simplifiées accessibles rapidement dans les paramètres.

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Les îles se dévoilent ainsi au fur et à mesure de nos coups de pagaies, et sont accostables par des pontons visibles depuis le large grâce à une colonne lumineuse. Jaune pour les quêtes principales, bleues pour les quêtes secondaires. Car Farewell North n’est pas un jeu uniquement narratif. Chaque île possède son propre récit ou une anecdote sur notre duo attachant et qui se dévoilent grâce à des puzzles ou de petites tâches à accomplir. Autour des feux de camp, la joie et les souvenirs doucement nostalgiques se mêlent à ceux plus douloureux, et il est très vite question de deuil, tout en pudeur et retenue. Le jeu ne tombe pas dans l’emphase et sait évoquer avec légèreté des souvenirs joyeux pleins de rires qui résonnent mêlés à des moments plus emprunts de chagrin.

Une île est prétexte à une heureuse course en vélo entre Chesley et Cailey, là où une autre porte les ombres de Ches et ses peurs face aux lumières de la ville. On recolore ainsi progressivement les skerries automnaux et les falaises enneigées, auxquels s’ajoutent les aurores boréales pour créer des panoramas à couper le souffle. L’ascension d’un munro, la descente de rapides, chaque élément nous invite au voyage et à l’émerveillement. La direction artistique est un véritable hommage à la beauté brute et sauvage de l’Écosse. Les bruyères pourpres se mêlent aux falaises grises, tandis que les vagues s’écrasent contre les colonnes de basalte. Chaque tableau est une toile vivante, imprégnée à la fois de joie et de mélancolie.

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En plus des îles principales, nous avons donc des îles secondaires, qui nous font accomplir quelques quêtes, et nous plongent alors un peu plus dans le quotidien d’un berger, d’un habitant de ces terres sauvages. Libérer une baleine prisonnière de filets de pêche, ou aider un voisin à réunir son cheptel permettent de varier l’expérience. Un gameplay varié aussi dans la quête principale. Car parfois, outre les puzzles, Farewell North propose des touches d’infiltration pour diversifier l’aventure. Se faufiler entre les ombres, éviter les «gardiens»… Une façon intelligente de maintenir notre intérêt. Et puis, il y a les collectibles, ces fragments du passé disséminés dans les recoins les plus secrets. Chesley qui s’amuse à courir après un feu follet, retrouver la lumière d’un phare qui nous éclairera ensuite au loin, ou encore reconstituer une chanson gaélique peuvent nous occuper en plus de l’histoire principale.

Pourtant, Farewell North n’est pas sans défauts. La maniabilité, et la caméra parfois capricieuse, s’associent à une certaine rigidité des contrôles qui peuvent alors de temps en temps nous sortir un peu de l’expérience. Mais Kyle Banks a trouvé une solution astucieuse : un système de visée pour les sauts. Une fois maîtrisé, il rend les séquences de plateformes moins frustrantes. Il faut prendre son temps et apprivoiser les commandes. La caméra, trop proche de l’action, nous prive parfois de la vue d’ensemble que méritent les paysages somptueux et c’est un peu dommage. Le créateur a d’ailleurs l’art de camoufler les défauts. Les animations du visage de Cailey manquent d’expressivité, mais le développeur a joué avec les jeux de lumière et les cadrages pour atténuer ces défauts graphiques. On lui pardonne, car les émotions nous touchent malgré tout.

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Enfin, que dire des musiques et du sound-design. Ce sont de vraies réussites. Contribuant grandement à l’immersivité du jeu, elles tiennent une place essentielle dans l’équilibre général de celui-ci Les musiques de John Konsolakis, qui a rejoint Kyle Banks dans le développement, sont tantôt douces et mélancoliques, tantôt épiques et grandioses. Elles ont ce petit côté gaélique alliant douceur et puissance. On est totalement transporté dans les terres venteuses et abruptes des Highlands avec leurs plages côtoyant les colonnes de basaltes et sur lesquelles se prélassent quelques phocidés.

Après le dénouement final empli d’émotions, lorsque les larmes ont séché et que les étoiles veillent, Cailey et Chesley peuvent reprendre leur kayak pour explorer de fond en comble les skerries. Mais ici, dans ce “end game”, une boussole ou une map manquent à l’appel. Autant dans la découverte initiale, que nous soyions peu guidés voire nous perdions a plutôt du sens pour répondre à la narration, autant pour explorer de fond en comble les îles, un petit peu d’aide à l’orientation n’aurait pas été de trop.  Malgré ces imperfections, l’expérience reste profondément marquante. Les larmes se mêlent aux sourires, et chaque puzzle résolu est une douce évocation du passé de notre duo, qui avance en se soutenant l’un l’autre. Leur attachement mutuel est fort et Farewell North parvient à nous le transmettre brillamment.

8/10
Farewell North est un voyage tout en pudeur, mais fort en émotions, dans les brumes écossaises des Highlands. Ses musiques et sa direction artistique ainsi que son parfait équilibre entre puzzle, narration et exploration lui permettent de nous transmettre les sentiments qu'il souhaite, et ce malgré quelques défauts techniques qui peuvent de temps en temps nous faire lâcher quelques soupirs. À vous de pagayer et de découvrir ce monde poétique et nostalgique.

+

  • Riche en émotions
  • Immersion réussie dans le grand nord écossais
  • Bon équilibre entre narration, puzzles et exploration
  • Paysages somptueux
  • Musiques et sound design au top

-

    • Rigidité des contrôles
    • Caméra trop proche de l'action
    • Manque une boussole