Test : GTA IV sur Xbox 360
Supa Star
19 octobre 2007. On devrait tous être en train de jouer à GTA IV. Mais les autorités supérieures de Rockstar en ont décidé autrement. Le jeu le plus attendu au monde, le soft le plus important pour un Take Two mal en point, ne sortira, on le sait maintenant, qu’au mois d’avril 2008, soit plus d’une demi-année plus tard que prévu. Cette décision aux enjeux colossaux illustre toute la particularité d’un développeur qui a su, au fil des années, et malgré un succès commercial immense, entièrement garder le contrôle de sa série, et la bonifier, la diversifier, lui donner un statut complètement à part, sous l’impulsion des très discrets frères Houser, Sam et Dan. GTA est sans doute, actuellement, la saga vidéoludique la plus populaire au monde, mais c’est aussi une des toutes meilleures, ce qui accentue encore son particularisme. Vendre un excellent produit n’est pas toujours chose aisée, le jeu vidéo le prouve tous les mois. Les studios Rockstar s’en foutent. Ils explosent dans chaque catégorie, sans complexes, sans retenue, et nous offrent, à rythme régulier, des jeux hors-normes. C’est le cas de GTA IV.
Concrete Jungle
Hors-normes, le terme n’est pas trop fort pour qualifier la nouvelle itération des Grand Theft Auto. D’abord parce que, d’un coup de baguette magique, les anciennes grosses faiblesses de la série ont été transformées en avantages redoutables. Faiblards techniquement, les derniers épisodes sortis sur la génération de consoles précédente sont désormais oubliés. GTA IV est à nouveau dans le haut du paquet, en témoigne la palette d’animations impressionnante de Niko Bellic, le principal protagoniste de l’aventure, ou encore la force des décors, immenses, magnifiés par des éclairages superbes et une profondeur de champ exemplaire. Les termes manquent d’ailleurs pour décrire le travail absolument colossal réalisé sur la ville de Liberty City, hallucinante de vie et de variété. L’architecture, l’aménagement urbain, la gestion de la circulation, les changements météorologiques, le comportement des passants, tout est géré, tout est calculé, tout est prévu, et c’est évidemmentune expérience marquantede le découvrir petit à petit. Qui plus est, compte tenu de l’espace de jeu, énorme, la copie technique rendue par Rockstar est plus que satisfaisante. GTA IV donne d’ailleurs l’occasion de découvrir les surprenantes capacités du moteur Euphoria, qui déploie des nouveautés très intéressantes en termes de comportements cohérents d’IA.
Evidemment, il y a quelques chutes de framerate et des bugs passagers, mais c’est tout à fait acceptable au regard de l’espace de jeu énormemis sur piedpar Rockstar. Il est impossible de traduire l’impression dégagée par Liberty City en si peu de lignes, il faut s’y plonger pour constater l’extraordinaire boulot exécuté sur chaque quartier, chaque rue, tant au niveau visuel que sonore. C’est tout simplement un des seuls vrais symboles tangibles, à ce jour, montrant qu’un cap a été franchi depuis la génération de consoles précédentes. Très peu de jeux ont été en mesure de relever le défi pour le moment, GTA le fait.
Satisfy my Soul
GTA IV apporte également un système de conduite et un dispositif de visée revus. Une fois derrière le volant, on se rend compte que le comportement des véhicules est d’une part plus réaliste, avec un vrai poids, des suspensions bien souples et des dégâts tout bonnement extraordinaires – rivalisant avec des jeux beaucoup plus ciblés, comme Burnout – d’autre part une exploitation idéale de l’analogie du pad 360, qui permet une prise en main vraiment agréable, même si, logiquement,la tenue de routedes premiers tacots semble un peu molle.
Mais la plus grosse innovation réside dans les phases d’action pures. Rockstar a totalement repensé ce qui restait sans doute la grosse faiblesse des GTA, la visée, et plus généralement la gestion desphases de tir. Pour assurer des fusillades plus intenses, la recette est finalement simple : la vue épaule et le système de couverture, tellement populaires depuis Gears of War et Ghost Recon, sont repris, et pour le meilleur, puisqu’on prend enfin son pied en tirant dans un Grand Theft Auto. Et pour peu que la mission en cours en rajoute côté suspense, on peut approcher le nirvana, une sensation de qualité et de plaisir finalement nouvelle dans ce type de jeu.
Toutefois, GTA IV a beau franchir des paliers dans tous les sens en termes de jouabilité et d’ergonomie, il trimballe toujours certains travers. Ses commandes de déplacement (utilisant le bouton A pour passer de la marche à la course),idéales pour les balades dans la rue, ne s’adaptent pas forcément très bien aux fusillades. Et le système de couverture reste très rigide et pas ultra-précis. La visée automatique, qui simplifie les choses dans la plupart des cas, peut aussi les compliquer quand on se retrouve confronté à beaucoup d’adversaires à la fois. Tout cela pour dire que oui, les combats sont sans aucun problème supérieurs à tout ce qu’ont tenté les anciens épisodes de la série, mais ils ne concurrencent pas ce qui se fait de mieux en la manière (au hasard, le modèle Gears of War). D’un certain côté, c’est presque rassurant, et ce n’est pas non plus très important, car GTA n’a pas à atteindre l’excellence, mais doit avant tout proposer un ensemble qui se tienne. Et ce quatrième épisode le fait mieux qu’aucun autre avant lui.
Riot in the City
Ces éléments de gameplay servent, bien évidemment, à accomplir des objectifs. GTA IV ressemble, sur ce plan, beaucoup à ses prédécesseurs. On enchaîne les missions de plus en plus difficiles confiées par des mécènes de plus en plus haut placés. Toute la gestion de ces objectifs, qu’on peut comme d’habitude faire dans l’ordre que l’on souhaite, se fait via le téléphone portable du héros, une nouveauté pas si gadget que ça. Véritable menu principal, le portable, très simple d’utilisation, devient rapidement un passage obligé, aussi bien d’un point de vue pratique que scénaristique. Il permet aussi de donner des rendez-vous pour développer des relations amicales ou amoureuses avec des PNJ, donnant accès à un pan parallèle du jeu très intéressant à exploiter.
Les missions, qui constituent le cœur du jeu, proposent de vivre certains moments d’anthologie, mais adoptent également souvent le même schéma. GTA IV est très long, mais n’est pas extrêmement varié au niveau de ses objectifs. Les quelques phases de gameplay qui changent de l’ordinaire mettent d’autant plus en avant ce manque de variété, encore accentué par le côté beaucoup plus réaliste du soft. Moins « dessin animé » que les autres GTA, serait-on tenté de dire, le IV ne peut du coup plus se permettre les trips en jetpack ou l’éradication d’une culture de marijuana à coup de lance-flamme. Et le fait que toute l’aventure soit confinée dans Liberty City n’arrange rien à l’affaire. Au gameplay nettement meilleur de GTA IV, on peut donc opposer une variété nettement en baissepar rapport àSan Andreas.
War is Necessary
On parlait de l’abandon d’une certaine fantaisie par Rockstar, et justement, elle ne se ressent pas uniquement au niveau des objectifs de mission, mais aussi dans tout ce que le scénario du soft dégage. Beaucoup plus sombre, l’histoire de GTA IV met en scène un personnage principal immigré, Niko Bellic, torturé par les horreurs vécues lors des affrontementsauxquels il a pris partdans son pays d’origine, la Serbie. Très fouillée, la personnalité de ce héros tourmentéest d’une profondeur inédite dans un GTA, mais sonne également le glas de tout l’aspect parodique des épisodes précédents. Premier degré, le scénario est plus dur, et certaines scènes en deviennent plus difficiles à vivre, avec notamment pas mal d’exécutions sommaires qu’il faudra se résoudre à effectuer. Alors certes, on élimine souvent des personnages corrompus jusqu’aux sourcils, mais sans la légèreté des anciens GTA, on ne ressent pas les situations de la même façon.
Si le côté plus sérieux de GTA IV peut clairement déranger, le talent d’écriture de Rockstar ne s’est pas envolé pour autant, et Dan Houser, secondé par Rupert Humphries, livre des dialogues efficaces et vivants, plus que dans la majorité des jeux vidéo habituels. Les cut-scenes sont d’ailleurs excellentes, servies par un jeu d’acteur remarquable. De plus, il faut préciser que l’esprit de dérision est toujours très fortement présent dans tout ce qui constitue le background du titre : radio, télé, affiches, journaux, sites internet… Tous débitent des caricatures hilarantes de McDo, Meetic, Halo, Les Experts, CNN et Fox News, etc. Les PNJ sont eux aussi hauts en couleur, de vrais cas sociaux qui donnent souvent l’impression étrange que Niko, malgré ses travers et son côté marginal, est le plus sensé de tous.
L’histoire de GTA IV reste donc passionnante à suivre, sans compter que certains moments décisifs donnent l’opportunité au joueur de faire ses propres choix, aux conséquences parfois irréversibles. Cela apporte un vrai plus à l’implication dans le jeu, notamment lors d’un final très marquant, où Niko se verra confronté à ses propres démons.
Oxygene
A côté de sa trame principale, GTA offre toujours énormément d’à-côtés et de contenu, à commencer par des missions secondaires très nombreuses, anecdotiques mais bien présentes. Il faut aussi citer la bande-son, encore une fois excellente et éclectique, combinant, grâce au concept des radios, des noms aussi variés qu’Aphex Twin, Genesis, Miles Davis, Iggy Pop, Grover Washington et bien d’autres, au travers de plus de 200 morceaux, alternant avec quelques publicités et débats délirants sur le terrorisme,la religion ou la politique.
On pourrait sans doute passer quelques pages à faire une liste plus ou moins exhaustive de tous les détails entrevus çà et là dans le jeu, qui, c’est un fait, transpire le travail bien fait. GTA, c’est un projet énorme, mais un projet qui a su garder une personnalité, qui a été conçu exactement comme ses concepteurs le voulaient, et qui démontre un immense talent de réalisation. Les mondes fourmillant d’interactivité (la télé qu’on peut regarder plusieurs heures, les one man shows de Katt Williams et Ricky Gervais, de The Office, les taxis et le métro, tous les mini-jeux, de la borne d’arcade au bowling en passant par le billard et les fléchettes, un internet composé de dizaines de pages, les journaux parlant des derniers coups de Niko) sont très souvent synonymes de grands jeux, et le cas GTA IV le vérifie une fois de plus.
Liberty City : The Invasion
On en oublierait presque le multijoueur, qui, loin de se contenter de simple deathmatchs, propose plusieurs missions en coopération et des modes bien pensés comme les parties à objectifs, où le but est d’accomplir de petites missions avant l’adversaire, ou encore les affrontements flics contre bandits, ces derniers étant chargés d’escorter leur chef jusqu’à un point d’évasion. Sachant qu’on peut choisir de jouer sur toute l’étendue de Liberty City, généralement sans que le lag soit scandaleux, il y a de quoi s’amuser quelques heures à côté de la campagne, même si on peut se perdre devant l’abondance d’options et que la précision des fusillades laisse quelque peu à désirer. Pour un début, l’expérience reste concluante.
+
- Multijoueur bien conçu
- BO et doublages (bon sous-titrage français)
- La richesse, les innombrables détails qui font la différence
- Enorme durée de vie
- Scénario captivant et interactif
- Très haut niveau technique (animations, physique, etc)
- Un gameplay enfin à la hauteur de la série
- Liberty City, aire de jeu hallucinante
-
- Manque de variété dans les missions
- Commandes encore rigides, en particulier lors des fusillades
- Moins parodique au niveau du scénario
- Quelques bugs (aisément pardonnables)