Jeux

Judgment

Action | Edité par Sega | Développé par Ryu Ga Gotoku Studio

10/10
Series X/S : 23 avril 2021
03.05.2021 à 14h39 par - Rédacteur

Test : Judgment sur Xbox Series X|S

Qu’on l’ennuquelle !

Quelques temps avant d’entreprendre un véritable changement de cap pour la série Yakuza prenant la forme d’un Like a Dragon flamboyant, Ryu Ga Gotoku Studio sortait sur Playstation 4 un certain Judgment. Simple spin-off, Yakuza déguisé en civil, pompage facile ou coup de génie ? Maintenant que l’intégralité de la saga Yakuza est sortie sur les consoles Xbox et que Judgment est disponible sur Xbox Series X|S, nous avons tous les éléments requis et le recul nécessaire pour juger de la qualité des aventures à Kamurocho de celui qui n’est pas Kyriu Kazuma.

Sorti en décembre 2018 sur PS4 au Japon puis six mois plus tard en Europe, Judgment nous fait donc l’honneur d’arriver enfin sur Xbox Series X|S. Vous avez bien lu, il n’est aucunement -et bien malheureusement- disponible sur Xbox One. Si vous n’êtes pas encore passé à la nouvelle génération Xbox, on vous conseille donc de garder dans un coin de votre tête le nom de Judgment en vue de découvrir, une fois le moment venu, la première et véritable tentative des studios Ryu Ga Gotoku de donner une direction (un peu) différente à ce qui caractérise leur savoir-faire. Il y a eu bien sûr les épisodes Kenzan et Ishin de la saga Yakuza qui ont fait un bond dans le passé pour donner un souffle différent à la série ; Judgment va cependant plus loin dans la réinterprétation d’une formule qui a fait ses preuves. Cela commence par le héros de cette nouvelle aventure et les principaux personnages qui l’entourent : on dit au revoir à Kyriu Kazuma, Goro Majima et les autres figures de Yakuza pour faire la rencontre de Takayuki Yagami. « Tak », comme on le nomme communément dans son quartier de Kamurocho que l’on connait évidemment très bien, est détective privé. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Avant de se retrouver à devoir enquêter sur de menus-problèmes ou de filer un coup de pouce à la pègre lorsque celle-ci peine à récupérer ce qui lui est dû, Tak était un brillant avocat. Tellement efficace qu’il est parvenu à faire acquitter un homme dont la cause semblait perdue… Avant que ce dernier ne soit, peu de temps après, arrêté et inculpé pour le meurtre de sa fiancée. Honni pour avoir permis la libération d’un tueur, tombé en disgrâce aux yeux de ses pairs, Takayuki Yagami fut ainsi contraint de quitter son travail d’homme de loi.

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Vous savez ce que l’on dit à propos du naturel que l’on chasse ? Il est bien difficile d’échapper à sa destinée, surtout lorsque l’on est comme Tak un homme lié, qu’on le veuille ou non, à l’histoire et au présent du monde mouvementé des Yakuzas. Son père adoptif est le patriarche d’une famille du clan Tojo, son associé Kaito est un ex-yakuza et l’ancien cabinet dont il était membre officie parfois pour les besoins de la pègre : impossible dans ces conditions de ne pas retomber, un jour ou l’autre, sur un sentier tortueux menant au monde parallèle de la vie mafieuse du quartier. Cela débute par un meurtre, caractérisé par un mode opératoire violent que l’on retrouve ensuite appliqué à deux autres victimes. Toutes yakuzas. D’un cadavre à l’autre, un nouvel indice s’ajoutant au précédent, Tak se retrouve plongé dans une enquête naviguant entre mafia, business, sécurité et politique pour un mal unique dont l’incarnation prend le nom de « La Taupe ».

Nous n’irons pas plus loin dans la description de l’intrigue, il vous revient de la découvrir et d’en apprécier les multiples rebondissements. A l’image des jeux Yakuza, Judgment distille un scénario prenant, bien ficelé, occupant vingt-cinq bonnes heures si l’on s’en tient à l’essentiel. S’il est intimement lié à l’univers des jeux Yakuza par la seule omniprésence du clan Tojo, Judgment profite de son nouveau héros et de ses connexions diverses pour nous proposer une trame qui se distingue des aventures de Kyriu Kazuma. Le développeur parvient à créer une scission à la fois légère et nette, s’appuyant intelligemment sur ce qui fait la force de l’univers Yakuza sans tomber dans la bête copie. Judgment peut ainsi compter sur une belle galerie de personnages, du héros attachant à la sale trogne que l’on adore détester. Dans le rôle du méchant aux multiples facettes, digne héritier des plus grands antagonistes de la saga Yakuza, le capitaine Hamura nous rappelle que c’est Ryu Ga Gotoku Studio qui est aux commandes. Campé par Miou Tanaka (qui remplaça Pierre Taki après que celui-ci a eu quelques démêlés avec la justice de son pays), Hamura assure comme Kaito, le bras droit de Tak ou encore Toru Higashi, la « dose de Yakuza » dont on a besoin pour sentir vibrer Kamurocho.

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Takayuki est de son côté un archétype du bon héros japonais. Droit, fidèle et dévoué, le personnage doublé par Takuya Kimura n’est pas le buffle planqué dans un corps humain que représente Kyriu Kazuma ; sa relative simplicité en fait toutefois un personnage qui donne une teneur autre à l’expérience. Surtout, il est celui qui apporte une nouvelle façon d’aborder des lieux que l’on connait pour la plupart déjà depuis longtemps. Tenkaichi Street, Champion’s District, Pink Street, les boutiques Poppo ou Don Quichotte et bien sûr l’inévitable SEGA Center : bon retour à Kamurocho. Après nous avoir portés à Sapporo ou Hiroshima dans les épisodes 5 et 6 de Yakuza, les développeurs reviennent aux bases pour Judgment. En dehors des modifications évidemment apportées au quartier d’un jeu à l’autre, c’est finalement le personnage de Tak qui donne un nouveau souffle aux nombreux allers-retours dans les rues.

Il y a quelque chose de plus naturel qu’avec Yakuza quand on s’adresse à un passant ou lorsque l’on est pris à partie dans l’une des nombreuses quêtes secondaires que compte Judgment. En aidant un propriétaire de restaurant à faire la différence avec sa carte, en prenant part à des dégustations de café ou en se murgeant bien comme il faut dans un petit bar des rues sombres de la ville, Tak tisse des relations avec une cinquantaine de PNJ. Il y a aussi quelques jeunes femmes avec lesquelles on peut tisser une relation à force de bonnes attentions, qu’elles soient verbales ou matérielles. Ca ne va jamais chercher très loin en termes d’écriture mais il y a toujours quelque chose d’atypique, d’inattendu et très souvent de complètement barré qui font des missions secondaires de Judgment un petit plaisir coupable dont on a du mal à se défaire. Il y a de quoi ici gagner quelques jolis bonus (capacités, objets utilisables ou simples décorations) et faire grimper la durée de vie autour de la bonne cinquantaine d’heures de jeu. Dans la peau de Tak, tous ces petits à-côtés sonnent juste et s’intègrent parfaitement bien au rythme de la trame principale. On prend plaisir à écumer les restaurant, les bars, les karaokés, les clubs de mahjong et autres salles d’arcade bien fournies. On peut tenter une partie de fléchettes, essayer de choper une peluche aux machines à pinces mais surtout voir nos deniers se vider sur les bornes d’Outrun, Hang On, Space Harrier, Puyo Puyo, l’injustement méconnu Fighting Vipers ou l’increvable Virtua Fighter 5. On ne voit pas le temps passer.

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Judgment est toutefois un descendant des Yakuzas pré-Like a Dragon. Autrement dit derrière son open world riche et ses accents de RPG, Judgment est avant tout un brawler pur et dur. Comme Yakuza de 1 à 6, il est l’alliance improbable entre la relative liberté d’un Shenmue et la baston arcade pas très fine d’un Spikeout. Importants ou pas, la plupart des problèmes rencontrés dans Judgment se règlent à coups de poings et de pieds. Du gros boss de la mafia au simplet des ruelles qui ne sait pas à qui il a à faire (Tak est sympa, mais il a été élevé par un Yakuza, hein), ce sont des centaines de sales trognes que l’on marque du sceau de la droite bien placée. Pour peu que l’on ait joué à un seul Yakuza, on est en terrain archi connu : combos simples sur deux touches, prises, esquives façon Virtua Fighter et attaques spéciales EX pour une bonne dose de violence absurde, tout y est. On retrouve les mêmes qualités que dans Yakuza, à savoir dynamisme et facilité d’exécution, et les mêmes défauts aussi. C’est un peu bordélique par moments, la caméra a un peu de mal à suivre et certains ennemis armés sont de vraies plaies (ceux avec une arme à feu, notamment). Sans être très difficile dans son mode par défaut, Judgment peut parfois un peu frustrer dans le sens où l’on n’est pas totalement maitre de l’issue du combat, trop de choses étants laissées au bon vouloir du système de jeu. On apprécie toutefois la possibilité de changer la posture de combat entre un mode rapide et versatile, taillé pour les affrontements contre des groupes, et un autre plus lent, plus puissant aussi, idéal contre peu d’ennemis.

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Quoi qu’il accomplisse durant ses pérégrinations, de la baston au simple fait d’engloutir une nouvelle denrée, Tak gagne des points « PA » échangeables contre des améliorations du personnage, de nouvelles capacités de combats ou des boosters relatifs aux missions secondaires et autres moments tournés vers l’investigation. L’enquête : voilà l’aspect du gameplay qui se veut être le marqueur de différenciation majeur avec les jeux Yakuza. Malheureusement, l’ensemble se révèle assez anecdotique. Tak est parfois amené à crocheter une serrure, forcer un taquet, examiner une photo en quête d’indices ou poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Si le principe est intéressant, l’exécution est somme toute sans surprise, facile et sans grand intérêt au-delà des premiers essais. Il en va de même pour les quelques filatures, un peu trop faciles et prévisibles pour constituer de véritables moments de tension. En bref, sans constituer un frein à l’amusement, tout ce qui touche à l’investigation ne dépasse jamais le statut de moment accessoire entre deux bonnes pluies de patates dans les dents des méchants.

Malgré cela, et en dépit d’un démarrage d’aventure assez lent (il faut bien jouer deux ou trois bonnes heures avant de vraiment prendre les choses en mains), Judgment est un jeu absolument passionnant jusqu’à sa conclusion. Crédible lorsqu’il est sérieux, très drôle lorsqu’il prend la tournure excessive propre aux jeux Yakuza, Judgment réussi le pari du recyclage intelligent. Il est peut-être difficile de revenir à la formule brawler lorsque l’on voit comme le studio est parvenu à sublimer le combat au tour par tour dans Yakuza 7 ; on vous enjoint toutefois à donner sa chance à Judgment. Son héros, son univers, son expérience très bien équilibrée entre histoire principale et éléments secondaires vaut le détour. Vous pourrez même participer à des courses de drones ou utiliser ceux-ci pour profiter de la vue dans une ville plus belles qu’elle ne l’a jamais été.

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Avec Judgment, c’est Kamurocho que l’on apprécie sous un angle nouveau et sublimé par les capacités des consoles de nouvelle génération. Testé dans notre cas sur Xbox Series X, le jeu de Ryu Ga Gotoku Studio se révèle extrêmement plaisant à regarder. On a beau l’avoir écumé sur Playstation 4, c’est un plaisir visuel de jour comme de nuit. Comme cela a d’ailleurs été relevé par nombre de joueurs et critiques antérieures à la nôtre, Judgment sur Xbox Series et PS5 adopte une approche graphique différente de celle observée sur PS4. Le filtre appliqué donner quelque chose de plus propre, réaliste, un peu trop net pour être honnête serions-nous parfois tentés de constater, notamment sur les cut-scenes. Mais dans l’ensemble, et lorsque l’on profite avec cela d’un framerate à 60 images par secondes forcément très appréciable, Judgment version new gen est un jeu très agréable à regarder. La ville est belle, vivante, portée comme toujours par des sons d’ambiance omniprésents et des musiques toujours bien choisies, sans être pour autant capables de marquer les esprits. Doublages japonais au top, voix anglaises plus que convenables, textes en français, réalisation très propre, aventure prenante et éléments secondaires bien imbriqués dans l’ensemble : Judgment a certes plusieurs défauts, mais il les compense de façon admirable. Mieux rythmé que la plupart des jeux Yakuza qui l’ont précédé (on pense aux 4 et 5, ce dernier notamment et ses longueurs difficiles à digérer), plus costaud jusque dans ses derniers instants qu’un Yakuza 6, Judgment est un indispensable pour les amateurs du genre et une excellente alternative pour ceux qui veulent découvrir la formule Yakuza dans des bottes (un peu) moins sales.

10/10
Avec cette arrivée un peu tardive dans l’univers Xbox et surtout postérieure à celle d’un Yakuza : Like a Dragon qui a redéfini la formule de Ryu Ga Gotoku Studio, Judgment a un arrière-goût de retour dans le passé. On en revient à la baston dynamique mais pas très finaude et un quartier de Kamurocho dont on sera bientôt capable d’établir le plan cadastral les yeux fermés. Pour autant, Judgment n’est en rien un second couteau. Il est même, à bien des égards, mieux fichu que pas mal des jeux Yakuza qui l’ont précédé. Renouvelée au travers de personnages attachants et d’une histoire prenante, la « recette Yakuza » est confortée ici par un ensemble d’activités et de quêtes secondaires qui semblent, sous cette forme, avoir vraiment trouvé leur sens. On prend alors un plaisir permanent, que l’on fasse avancer l’histoire ou que l’on chauffe les chaises de tous les restaurants de la ville, jusqu’à enchainer les heures de jeu par dizaines. Au bout du chemin, on retient de Judgment une aventure passionnante, certes moins romanesque en l’absence de l’intouchable Kyriu, mais qui donne envie de toujours plus. En ajoutant à cela une réalisation très maitrisée sur Xbox Series X|S, on peut difficilement aujourd’hui voir autre chose en Judgment qu’un indispensable pour tout possesseur d’une console de nouvelle génération.

+

  • « Univers Yakuza » parfaitement renouvelé
  • Personnages mémorables pour une histoire prenante
  • Des à-côtés en pagaille et parfaitement intégrés dans la progression
  • Visuellement très réussi
  • Framerate à 60 images par secondes imperturbable
  • Un quartier vivant, vibrant
  • Ambiance sonore soignée
  • On peut jouer à Virtua Fighter 5 (et plein d’autres jeux)
  • Bonne durée de vie (de 25 à 50 heures selon l’investissement)
  • Sous-titres en français
  • Baston dynamique et facile à prendre en mains…

-

    • … Mais ça reste un peu bordélique et imprécis
    • Partie investigation anecdotique
    • On commence quand même à connaitre un peu trop bien Kamurocho
    • Premières heures de jeu laborieuses