Test : The Library of Babel sur Xbox Series X|S
Faire le tour de Babel
Prenant la forme d’une réflexion métaphorique sur l’infini et sa représentation, il était quasiment impossible d’adapter la Bibliothèque de Babel de Borgès telle quelle. En réalité, avec The Library of Babel, les développeurs espagnols de Tanuki Game Studio utilisent le support comme un prétexte à créer une aventure libérée des limites fixées par l’être humain. Et pour cause, nous voici plus de vingt mille ans après l’extinction totale de l’humanité, dans un monde où les androïdes nous ont survécu. Cela ne les empêche pas de rencontrer les mêmes problèmes que nous autres, avec notamment des conflits qui se sont installés en Mésopotamie, et qui opposent les adeptes de la Matriarche au culte Kaboriste. Le joueur incarne Ludovik, un Chercheur envoyé dans la région pour tenter de résoudre un meurtre, un peu à la manière de l’intrigue du Nom de la Rose d’Umberto Eco, une œuvre en partie inspirée par… La Bibliothèque de Babel de Borgès. La boucle est bouclée.
Et pour nous raconter son histoire, pas toujours hyper claire, le studio de Barcelone a opté pour une aventure en 2D. Avec une carte découpée en différentes zones qui communiquent entre elles, le titre prend des airs de Metroidvania. Mais la comparaison avec le genre s’arrête là puisque Ludovik n’a pas vocation à ramasser des pouvoirs pour lui permettre d’atteindre de nouveaux lieux. Sa palette de mouvements est d’ailleurs très simple avec la possibilité de sauter, de ramper et de s’agripper à des rebords, avec des animations qui semblent tout droit sorties de Flashback et du tout premier Prince of Persia. A côté de cela, The Library of Babel se définit lui-même comme un «Voyage entre plateforme et furtivité». Un statut qu’on ne peut absolument pas lui enlever puisque le titre mélange habilement les deux genres, en alternant ces séquences de façon très équilibrée. On y ajoute une petite dose de difficulté pour transformer le tout en une aventure variée disposant de suffisamment de challenge pour forcer le joueur à apprendre de ses erreurs.
A commencer par les phases de plateformes. Très accessibles au début, celles-ci se complexifient à mesure que le joueur débloque de nouvelles zones. Comme expliqué plus haut, Ludovik a une palette de mouvements plutôt limitée, ce qui l’oblige à se concentrer sur ses sauts et leur timing. Sans être aussi exigeant qu’un Tomb Raider de chez Core Design, The Library of Babel demande un minimum de précision pour atterrir sur certaines plateformes, avec parfois la nécessité de s’agripper à celles-ci avant de se hisser pour y mettre les pieds. On retrouve quelques mécaniques de gameplay classiques avec des plateformes qui bougent, des interrupteurs à allumer, des pièges à éviter comme des lucioles électriques ou des rejets acides. Même si les morts sont fréquentes, les points de passage sont suffisamment proches les uns des autres pour éviter la crise de nerf et l’arrachage de cheveux et quelques essais suffisent généralement pour continuer l’aventure au delà d’un passage délicat, avant le prochain.
Certains secteurs proposent une autre approche, avec la nécessité de ne pas se faire exploser par les membres du culte Kaboriste. Totalement désarmé, Ludovik n’a d’autre choix que de se la jouer en mode infiltration et d’éviter ces ennemis armés jusqu’aux dents, capables de vous réduire à néant en un seul coup. Le level-design permet de se planquer derrières une caisse en bois ou un tas de sacs de sable en adaptant ses déplacements aux rondes des soldats. Des séquences où il devient absolument nécessaire de s’accroupir, et facilitées par la présence d’un indicateur vert qui s’affiche autour de votre cachette lorsque vous êtes bien à couvert. Cela évite d’être trop ric rac et, de fait, de se prendre une balle entre les deux yeux parce qu’un orteil dépasse. Le bestiaire n’est pas très varié, avec tout de même quelques snipers qui forcent à se planquer rapidement, des bestioles à l’ouïe aiguisée qui vous forcent à vous planquer dans les hautes herbes, et même quelques drones équipés de laser qui forcent à s’immobiliser à leur passage. Les séquences sont finalement assez différentes les unes des autres, ce qui évite tout effet de redondance.
Et ce n’est pas tout. Car le sous-titre «Voyage entre plateformes et furtivité» oublie une facette importante du jeu, celle qui emprunte au genre du point’n click. Régulièrement, Ludovik est amené à récupérer des objets divers et variés, soit en explorant les zones détaillées ci-dessous, soit en les récupérant à la Colonie, cette petite ville qui sert de centre névralgique au monde imaginé par les développeurs espagnols. Les objets obtenus peuvent être échangés contre d’autres, ou utiliser pour ouvrir de nouveaux passages, ou même être combinés entre eux pour en obtenir de nouveaux. Une mécanique qui rappelle les titres imaginés par LucasArts entre la fin des années 80 et le début des années 90. Cela apporte encore un peu plus de diversité au gameplay, et oblige le joueur à explorer en profondeur certains lieux (quitte à les refaire plusieurs fois), ou à expérimenter la fusion d’objets pour obtenir un élément indispensable à la poursuite de l’aventure. A noter que quelques mini-jeux viennent compléter le tout, notamment lorsqu’il s’agit d’utiliser une carte d’accès pour commander l’ouverture d’une porte, mais aussi avec une sorte de Flappy Bird revisité. Des mécaniques de jeux finalement très diversifiées pour un résultat général très appréciable.
Mais là où The Library of Babel se montre le plus à son aise, c’est du côté de sa direction artistique. Le titre de Tanuki Game Studio apparaît très vite comme un véritable joyau d’esthétisme, tant dans sa partie graphique que sur la partie musicale. La bande-son est d’une grande qualité et habille parfaitement chaque environnement du jeu. Les décors, réalisés à la main, sont fins et profitent d’une réalisation sur plusieurs plans parfaitement maitrisée. Les effets de lumière viennent sublimer l’ensemble, pour un résultat en 4K et Dolby Vision absolument saisissant. Certaines scènes optent même pour un effet contre-jour très réussi qui offre un peu plus de cachet au genre, au point de rappeler Deadlight, une autre production espagnole. On pourra toujours lui reprocher des animations un peu hachées, mais on s’y fait finalement assez vite. Seul le scénario manque de clarté et de véritable but, avec une fin un peu décevante.
+
- Mélange des genres agréable
- Ambiance très réussie
- Décors et colorimétrie splendides
- Bande-son discrète et impeccable
-
- Animations un peu trop hachées
- Fin décevante
- Beaucoup d'allers/retours