Jeux

Murderous Muses

FMV | Edité par D'Avekki Studios | Développé par D'Avekki Studios

6/10
One : 12 avril 2023 Series X/S : 12 avril 2023
12.04.2023 à 09h33 par - Rédacteur

Test : Murderous Muses sur Xbox Series X|S

Mais j’adore l’abstrait !

C’est la quatrième fois que les Gallois de D’Avekki Studios nous convient aux retrouvailles avec cette étrangeté vidéoludique qu’est le FMV. Ça a plutôt bien marché jusqu’ici. De la folie du Docteur Dekker au duo décalé incarné par Poe et Munro, D’Avekki a affiné sa façon de proposer du film interactif. Murderous Muses s’inscrit d’ailleurs pleinement dans cette volonté de renouveler l’expérience FMV. Mais après plusieurs heures passées à arpenter les couloirs de la Galerie Argenta, on n’est plus si sûr de pouvoir encore voir Murderous Muses en peinture.

Mordechai Gray était un homme ô combien controversé. La notoriété qu’il a acquis au travers de ses œuvres picturales n’a d’égal que la variété des sentiments qu’il a provoqués chez ceux qui l’ont côtoyé. Admiration, antipathie, attirance ou jalousie, chacun y va de ses impressions. Rien de bien grave vu comme cela, si c’est que quelque grief a conduit quelqu’un, voilà un an, à assassiner Mordechai Gray. Alors que s’ouvrent les portes de la galerie d’art « Argenta » pour commémorer ce funeste anniversaire, on ignore encore qui est l’auteur du meurtre. Les choses pourraient cependant évoluer très vite car les six pièces maitresses qui composent l’exposition anniversaire sont des portraits qui ne représentent rien de moins que les six principaux suspects. Dans ce contexte curieux et tendu, le joueur incarne un gardien fraichement employé dans la galerie d’art en question. Cette simple mission de surveillance se transforme assez rapidement en une enquête au-delà du réel, car il semble que la nuit révèle les sombres secrets de « l’affaire Mordechai Gray ». Il s’agit donc durant trois jours et trois nuits d’accumuler suffisamment d’informations pour mettre en lumière l’identité de l’assassin.

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Comment cela se déroule ? Et bien d’une façon très surprenante pour un FMV il faut dire. Murderous Muses prend à contre-pied nos habitudes de joueur-spectateur en intégrant ses séquences vidéo au cœur de l’exploration libre de la galerie. Si vous êtes un fervent joueur de FMV, vous avez pu observer cette approche hybride aventure/vidéo dans Headspun sur Xbox One. La comparaison prend fin aux frontières du concept cela dit, car c’est à la première personne que se joue Murderous Muses. Lors des phases de jour, on arpente brièvement les couloirs de la galerie pour observer les tableaux de Gray, en apprendre un peu plus sur ses motivations et puisque l’on est ici avec pas grand-chose d’autre à faire, charge à nous d’accrocher les peintures au bon endroit. Ces courtes phases d’exploration ouvrent ensuite sur les périodes nocturnes durant lesquelles on plonge dans le paranormal. Soit le cœur de l’expérience de jeu.

La galerie semble toujours être la même et pourtant, on aperçoit une porte qui n’était pas ici auparavant, puis un couloir menant vers une pièce jusqu’ici inconnue. Un téléviseur précède l’entrée de la pièce, il diffuse un drôle de programme évoquant le meurtre de Gray, et les questions restant en suspens. A l’intérieur de la pièce à suivre se trouvent les portraits des six suspects et plusieurs emplacements où les accrocher (les portraits, pas les suspects). On remarque à ces emplacements des boutons associés à des mots-clés ; à chaque fois que l’on place une œuvre sur un emplacement, le mot-clé change selon une rotation spécifique. Celle-ci peut être consultée aux abords de cette étrange salle d’exposition, sur des pancartes dédiées. En posant un tableau et en appuyant sur le bouton en-dessous, une courte vidéo du personnage de la peinture se met en route. Les vidéos durent une trentaine de secondes parfois, deux à trois minutes d’autres fois, et montrent les personnages se livrer à des confidences, des remarques, faire état de leur vie intime ou de leur pensée profonde envers Mordechai Gray (à qui ils semblent s’adresser le plus souvent directement). On comprend alors naturellement qu’il existe autant de vidéos des suspects qu’il n’y a de mots-clés. On multiplie alors les visionnages pour saisir progressivement la psychologie de chacun et pour quelle raison il ou elle a pu être conduit à commettre l’irréparable.

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Il aurait toutefois été trop facile de s’en tenir à de simples enchainements de vidéos pour percer le secret de Murderous Muses. Le jeu nous impose ainsi deux particularités. La première, c’est que les enquêtes sont générées de façon procédurale. Ainsi, le meurtrier, le placement des tableaux, les mots-clés à exploiter ou tout simplement la structure de la galerie d’art changent d’une partie à l’autre. Impossible donc de se baser seulement sur les nombreuses vidéos d’entretiens pour tirer des conclusions valables. Entre alors en scène la mécanique de jeu obligeant le joueur à composer avec quelques restrictions. Dans la pièce où l’on observe les vidéos nous sont indiqués des mots-clés et un ordre pour chaque personnage. En suivant ces consignes on débloque une séquence vidéo correspondant à l’audition par la police dudit personnage. L’opération est à répéter trois fois, chaque « jour de jeu » offrant de nouveaux mots-clés et découvertes des suspects. Disposer des trois dépositions d’un maximum de personnages permet de déterminer qui est le coupable, au regard d’informations que nous a subtilement transmis la drôle d’émission télé à l’entrée de la pièce. Reste toutefois une contrainte de taille : on ne peut lancer d’un nombre limité de vidéos. Charge donc au joueur de placer les bons tableaux au bon endroit pour créer une rotation des mots-clés qui va permettre de visionner les vidéos requises pour débloquer les dépositions auprès de la police d’un maximum de personnages.

Derrière cette présentation ô combien tortueuse (pas grand chose n’est expliqué par le jeu lui-même d’ailleurs) se cache un puzzle assez simple d’accès dès lors que l’on a saisi la mécanique générale. Il est surtout nécessaire de retenir l’ordre de mouvement des mots-clés pour limiter autant que possible les rotations inutiles et parvenir à dénicher un maximum d’indices. On peut d’ailleurs, une fois que l’on pense avoir resserré le faisceau d’indices, décider d’attribuer plus d’utilisation à un tableau plutôt qu’un autre. Le compteur d’utilisations est matérialisé par les « yeux de Mordechai », que l’on peut éventuellement sacrifier en partie pour obtenir des indices ou l’identité d’un innocent. Un téléphone est là pour cela. A noter enfin que des puzzles facultatifs et des objets à collecter permettent de débloquer des séquences vidéo supplémentaires. Certaines ont trait notamment à la nature profonde de la victime et les nombreuses bizarreries qui l’entourent.

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Maintenant que l’on a fait le tour du comment on joue, et compte tenu de la lourdeur des explications, on est naturellement en droit de se demander si tout cela est bien amusant à jouer. Disons simplement que Murderous Muses est un bon FMV enfermé dans un piètre jeu. On a apprécié – comme toujours avec D’Avekki – le choix des acteurs et leur composition exagérée, caricaturale à souhait, indissociable de tout bon FMV. C’est kitsch et c’est ça qui est bon. L’ambiance des vidéos, la façon dont sont présentés les personnages rappellent The Infectious Madness of Doctor Dekker, le premier jeu du studio sur Xbox One. On retrouve au casting l’inévitable Aislinn De’Ath dans un rôle à contre-courant, l’excellent Klemens Koehring (Poe and Munro) en inquiétant présentateur TV ou encore la voix de Ruppert Booth (The Shapeshifting Detective) pour animer les auditions policières. D’une manière générale, le casting fonctionne, l’ambiance renvoyée par les vidéos est au point. Le jeu est en anglais sous-titré français, donc tout va bien côté compréhension.

Le problème, c’est que les phases d’exploration et de puzzle sont le plus souvent une souffrance. On peine déjà à se passionner pour la galerie, graphiquement aux ras des pâquerettes. On a beau avoir conscience que c’est un élément secondaire et que l’aspect procédural ne permet pas forcément à un petit studio de faire des miracles… Tout de même, c’est particulièrement laid. Lorsque l’on doit en plus de cela passer une bonne moitié du jeu dans les décors en question, pour multiplier des actions rébarbatives, l’ennui n’est jamais loin. Le puzzle que propose Murderous Muses est à la fois trop simple pour être captivant, trop lourd pour être amusant. On a donc tendance à sérer les dents et à avancer pour le plaisir des séquences vidéo. C’est l’atout premier d’un FMV me direz-vous. Dommage dans ce cas qu’il soit noyé dans une phase de jeu qui n’est clairement pas au point. L’idée n’est pas mauvaise dans l’absolu, mais son exécution manque clairement d’efficacité. Murderous Muses offre ainsi trois heures de jeu pour sa première séquence, période durant laquelle les impressions font le yoyo. Pas sûr dans ces conditions que l’on soit enclin à regarder trop longtemps ce qu’apporte la rejouabilité offerte par la gestion procédurale.

6/10
Murderous Muses est un pari pour ses développeurs. Celui de rendre le FMV plus interactif et surtout rejouable, grâce à des environnements et des enquêtes se renouvelant à chaque partie. L’ennui, c’est que ce sont précisément ces aspects du jeu qui en constituent les principaux défauts. Les phases « jouables » sont vite rébarbatives et ne sont pas franchement aidées par des graphismes d’un autre âge. Le rythme en prend un coup, l’envie avec. C’est dommage parce que côté vidéo pure et dure, on retrouve la touche d’Avekki comme on l’aime. Avec des acteurs bien choisis pour composer des personnages certes caricaturaux mais attachants, une ambiance mystérieuse qui titille la curiosité ; avec une véritable capacité à distiller des bribes d’informations pour former finalement quelque chose qui fonctionne. Jolie fleur dans une peau de vache ou jolie vache déguisée en fleur… Murderous Muses est bien difficile à cerner.

+

  • Casting de qualité pour un FMV
  • Ambiance prenante côté vidéo
  • L’aspect procédural, sur le papier

-

    • Partie jouable bien trop rébarbative
    • Graphiquement d’un autre âge
    • L’aspect procédural, dans les faits

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