Test : Nier sur Xbox 360
Débuts difficiles
Il y a des jeux qui vous prennent par la main. Il y a des jeux si savamment conçus (Valve, Nintendo) qu’y progresser devient quelque chose de naturel, presque inconscient. Il y a des jeux tellement maîtrisés sur le plan technique (Uncharted, Call of Duty) que l’immersion y est puissamment immédiate. Et puis il y a Nier.
Tenter de dresser une liste exhaustive de tout ce qui ne va pas dans le nouveau jeu de Cavia équivaudrait sans doute à rallonger cet article d’une ou deux pages. Commandes approximatives, niveau technique presque indécent par rapport aux standards d’aujourd’hui, quêtes annexes dignes des plus pénibles RPG japonais, NPCs robotiques : Nier aurait incontestablement pu être un soft beaucoup plus soigné, même s’il faut garder à l’esprit qu’il a été développé par des effectifs ne dépassant pas une quarantaine de personnes.
Ce qui démarque le jeu de Cavia de beaucoup d’autres jeux de rôles nippons, c’est d’abord sa construction, qui pourrait être rapprochée des Fable de Lionhead : un monde ouvert divisé en plusieurs zones, et rythmé par un système de combat en temps réel pas si mauvais, mais manquant juste un peu de variété.
La principale particularité de Nier est en fait sa capacité à utiliser son système de jeu de base dans des situations très différentes les unes des autres. Cela passe par de fantastiques boss, souvent dignes des meilleurs Zelda, aux attaques influencées par les psychédéliques schmups japonais. Les développeurs se sont également amusés à varier les angles de caméras, passant de la 3D à la 2D quand on entre dans un bâtiment, tentant des angles à la verticale de l’action ou en vue isométrique. Le résultat est surprenant, mais ces choix semblent souvent logiques et adaptés aux situations dans lesquelles ils sont employés. Au service d’une histoire qui est au cœur de l’expérience de jeu.
Nier the end
On est au 34ème siècle. L’Humanité, déjà ravagée par une catastrophe d’envergure mondiale, semble condamnée à l’extinction, menacée par les maladies et des hordes de monstres à l’origine inconnue. Lorsque Yonah, sa fille unique, contracte la terrible Black Scrawl, une maladie incurable, Nier décide de tout tenter pour la sauver. Un synopsis simplissime, qui a d’ores et déjà le mérite de s’écarter de certaines conventions. Qui plus est, l’intrigue va bien plus loin que le combat d’un père pour sauver sa fille. Le jeu, au fur et à mesure de ses quêtes, accède à un statut supérieur en abordant intelligemment et sans prétention des thèmes compliqués. Les révélations successives à la fin du jeu ne font pas que surprendre, elles aident à mettre en perspective les motivations du héros et sa place dans l’univers créé par Cavia.
Le plus fascinant aspect de Nier est sans doute sa structure narrative globale. Il s’agit à première vue, on l’a dit, d’un Action-RPG tout ce qu’il y a de plus classique dans la progression, et ce du début à la fin. L’histoire est engageante, le dénouement plutôt bien amené : on est satisfait quand on termine Nier. Seulement voilà : celui qui éteint sa console après le générique de fin passe à côté d’une bonne moitié de l’intérêt du soft. Nier est un jeu qui se rejoue. Obligatoirement.
Et pourtant, aucune quête supplémentaire n’est proposée, on ne débloque pas de nouvelles armes ou de tenue encore plus minimaliste pour Kainé. Il n’y a pas non plus de choix cruciaux à la Mass Effect dont on peut voir les effets alternatifs (enfin presque). On assiste juste aux mêmes événements, mais sous un autre angle, souvent cruellement révélateur. Les choses qu’on sait, puisqu’on a fini le jeu, et les choses qu’on découvre, puisqu’on rejoue, s’entremêlent et invitent à la réflexion. « Pourquoi l’ai-je fait ? », « Aurais-je dû y penser plus tôt ? », « Yonah en valait-elle le prix ? ». Dès lors, Nier atteint une virtuosité et une maîtrise uniques, que seul un jeu peut proposer (c’est parce que l’on a joué une première fois qu’on est frappé par les scènes de la seconde partie), et qui le placent parmi les grandes réussites du genre. Alors que les statistiques disent que la plupart des joueurs ne terminent pas leurs jeux, Cavia livre une œuvre dont la complète compréhension passe par deux, voire trois ou quatre parties successives. C’est un choix de design fou, illogique vis-à-vis du marché, mais c’est précisément cela qui le rend tellement original.
Cavia…r
En dehors de cette architecture il faut le dire assez inoubliable, et qui culmine lors d’une dernière fin très spéciale, Nier, ce sont aussi de brefs instants de brillance, comme les missions impliquant un déroulement entièrement textuel, rappelant ce qu’avait tenté Lost Odyssey il y a quelque temps, mais en plus interactif. Certaines quêtes annexes ressortent également par leurs récits plein de finesse, en dépit du fait qu’elles soient parfois extrêmement ennuyeuses à compléter d’un point de vue purement ludique. La magie de Nier, c’est que même la plus ingrate des taches peut dissimuler une scène touchante ou amener à réfléchir sur ce qu’on vient d’accomplir.
Nier, c’est aussi un casting enflammé, avec Kainé, équipière la plus grossière du jeu vidéo depuis Augustus Cole, et Weiss, le grimoire parlant so british. La qualité générale des dialogues et les très bons doublages (mention spéciale à Liam O’Brian dans le rôle de Weiss) donnent vie aux protagonistes et aident à s’identifier, aspect d’autant plus important que, comme on l’a expliqué, en termes de jeu pur, Nier manque parfois de répondant.
Pour achever de compenser ses faiblesses, le jeu dispose d’un atout imparable : une bande-son exceptionnelle qui souligne la réalisation artistique particulière du soft. Magnifiée par les échos mécaniques des mines, les chœurs résonnant sous la neige ou encore le piano irréel de la forêt des rêves, la grande mélancolie des étendues délavées de Nier, arpentées par des cohortes d’esprits perdus, devient palpable.
+
- Un jeu qui ose beaucoup de choses
- Intelligence des dialogues et textes
- Personnages marquants
- Structure narrative fascinante
- Bande-son exceptionnelle
-
- Petit budget très visible
- Commandes parfois imprécises
- Quêtes lassantes
- Il faut être persévérant pour voir la vraie fin