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Plus de sept ans après la sortie du premier Octopath Traveler sur Nintendo Switch, Square Enix nous propose de refaire un tour du côté d’Orsterra pour nous raconter des événements qui se sont déroulés avant ceux du jeu originel. En réalité, on retrouve le scénario de l’épisode Champions of the Continent, un free-to-play qui permettait de recruter des alliés sur le principe du gacha, avec l’obtention de héros sur la base du hasard. Disponible uniquement sur mobiles et tablettes, ce spin-off sert donc de base à Octopath Traveler 0, qui devient par la même occasion un titre Premium, sans aucune microtransaction. Contrairement aux deux premiers épisodes de la saga, il faut nécessairement passer par un outil de personnalisation assez sommaire pour donner vie au personnage principal. Un choix discutable, d’autant que celui-ci n’est pas vraiment mis en avant dans la narration. On peut même pas dire qu’il est régulièrement mis retrait et donne l’impression de subir les événements, en plus de se faire régulièrement voler la vedette par d’autres personnages bien plus emblématiques.

De ce côté là, il est d’ailleurs indispensable d’évoquer les trois tyrans que vous et votre groupe serez amenés à confronter. En reprenant le scénario de Champions of the Continent, on retrouve ainsi la possibilité de progresser selon trois grandes trames distinctes : la Richesse, le Pouvoir et la Gloire. Cela signifie que Octopath Traveler 0 ne possède pas une structure strictement linéaire comme la plupart des JRPG, mais vous permet de bifurquer d’une trame à l’autre selon vos envies, et dans la limite des niveaux acquis par vos héros. Néanmoins, on prend beaucoup de plaisir à pourchasser nos trois ennemis principaux, tant ils transpirent la méchanceté et la folie. Le titre regorge de moments forts, au point même de prendre aux tripes parfois, faisant écho à certaines figures emblématiques du genre, à commencer par Kefka de Final Fantasy VI, qui cumulait lui aussi aliénation et mégalomanie.

C’est certain, en vous confrontant à ces grands méchants, Octopath Traveler 0 marquera votre expérience de joueurs d’une trace indélébile. C’est d’ailleurs tout le paradoxe du jeu. Alors que le titre bénéficie d’une écriture qui oscille constamment entre la tragédie et la dramaturgie, Square Enix n’a pas jugé nécessaire de commander une traduction des textes en français. Il faut alors se contenter de textes en anglais (ou en quelques langues asiatiques comme le japonais ou le coréen) pour suivre cette histoire rondement menée, au risque de ne pas saisir toutes ses subtilités ou d’en écarter carrément ceux qui ne comprennent pas du tout la langue de Shakespeare. C’est navrant, et on espère, sans y croire vraiment, que l’éditeur japonais saura corriger cette maladresse en proposant un patch dans les semaines ou mois à venir.

Un défaut qui ne devrait en revanche pas trop compromettre vos exploits en combat. En reprenant à l’identique le système qui a fait le succès des deux premiers épisodes, Octopath Traveler 0 nous propose du tour par tour qui impressionne par ses impacts, tout en incluant une petite dose de stratégie. Chaque personnage, allié ou ennemi, attaque dans un ordre défini, représenté par une barre d’ATB (Active Time Battle). Le système dispose de plusieurs particularités, comme la possibilité d’emmagasiner de la puissance de frappe à chaque tour, et d’attaquer avec des armes capables d’affaiblir les défenses de l’ennemi. Si le game-design se démarque de la plupart des autres productions du même genre, il a le double mérite d’être particulièrement grisant et d’être compris sans avoir besoin de faire appel à des tonnes de tutoriels. Globalement, le jeu est bien équilibré, avec des boss qui nécessitent de redoubler d’efforts et de concentration, tandis que les zones d’exploration et chaque chapitre scénaristique indiquent le niveau minimal requis pour ne pas se confronter à un mur de difficulté.

Concrètement, Octopath Traveler 0 est une bonne porte d’entrée pour les joueurs qui souhaitent se lancer dans un JRPG au tour par tour, en prenant bien conscience tout de même qu’une bonne compréhension de l’anglais est nécessaire pour ne pas passer à côté du sujet. On regrette tout de même que le nombre de personnages que l’on peut rallier à notre cause soit si grand. Au détour de quêtes annexes, de nouveaux héros peuvent être ajoutés au groupe, mais la plupart manque de personnalité, là où un Suikoden parvenait à multiplier les recrues sans oublier d’apporter un minimum de background de chacun. Au final, on ne sait plus vraiment qui est qui, et on finit par identifier les forces en présence par leur capacité à utiliser telle ou telle arme, ou à soigner un membre en piteux état, sans même retenir leur nom.

On apprécie en revanche la quatrième trame scénaristique, une sorte de city-builder qui permet de souffler entre deux chapitres dédiés aux tyrans. Même si le principe se veut simplifié à l’extrême, récolter quelques ressources durant l’exploration et construire différents bâtiments pour voir notre village prendre du volume petit à petit est agréable. Il est d’ailleurs possible d’inviter divers PNJ à rejoindre notre lieu de vie, une possibilité conditionnée à un taux de réussite qui laisse planer un certain suspense à chaque fois. Une mécanique sociale qui s’apparente à un bonus sympathique et plutôt réussi.

Et que dire de la direction artistique de ce nouvel épisode, dans la droite lignée des premiers opus. On se souvient que la Team Asano avait inventé le style HD-2D en 2018, et près de huit ans plus tard, celui-ci se montre toujours aussi efficace. Dans un style plus sombre que les derniers remakes de Dragon Quest, Octopath Traveler 0 nous propose des environnements fouillés, des effets de particules impressionnants en combat, et des ennemis qui rappellent la patte de Yoshitaka Amano, à qui l’on doit les concept arts des premiers Final Fantasy. Tout est maitrisé, et il en est de même du côté de la partie musicale, avec des thèmes parfois somptueux. De quoi nous embarquer sans problème dans une aventure généreuse, qui vous tiendra en haleine pendant plusieurs dizaines d’heures de jeu.