Test : Persona 4 Golden sur Xbox One
Igor, il n’y a pas plus fort
Spin-off de la saga Megami Tensei, Persona 4 nous arrive sous la dénomination « Golden » sur Xbox Series X|S et Xbox One. Sortie sur PS Vita en 2012 puis portée sur PC en 2020, cette version nous invite à découvrir un Persona 4 plus agréable à l’œil qu’il n’a pu l’être sur PS2, agrémenté de diverses fonctionnalités, notamment en ligne avec la possibilité de voir ce qu’ont choisi de faire les autres joueurs à certains moments de la progression, ou bien lancer des appels à l’aide et bénéficier peut-être d’un petit bonus si quelqu’un, quelque part, répond à notre requête. Des petites choses toujours bonnes à prendre, complétées ici par un ajout majeur, à savoir des textes en français. En compléments des doublages en japonais et en anglais d’excellente qualité, nous avons donc tout loisir de vivre les aventures de jeunes gens pleins d’avenir dans la langue de Molière. De quoi prendre toute la mesure du travail formidable d’écriture opéré par Atlus.
Persona 4 nous conte les aventures d’un lycéen, mutique et qu’il convient de nommer comme bon nous semble. On le découvre alors qu’il se voit contraint de quitter Tokyo le temps d’une année, pour filer vers Inaba. La faute à des parents trop occupés qui laissent le soin à tonton Dojima, inspecteur de son état et papa solo d’une petite fille, d’assurer l’éducation de ce héros qui s’ignore. Passer de la capitale à Inaba, c’est comme partir de Paris pour finir à Bourré. Bienvenue dans une toute petite ville dont la principale attraction réside au cœur d’un centre commercial fraichement ouvert, « Junes ». De quoi se dire lorsque l’on est citadin-né que c’est la pire année qui s’annonce. Mais comme dirait Homère à Bart, c’est la pire année… pour le moment. Il se pourrait que la déprime vise encore plus loin. Assailli de drôles de visions durant son sommeil, notre héros assiste comme le reste de la population d’Inaba à un drame. Une jeune femme est retrouvée morte, pendue en plein milieu de cette bourgade que le brouillard semble avoir enveloppé d’un épais mystère. Cette disparition coïncide d’ailleurs avec la découverte d’un phénomène étrange que le héros et ses nouveaux camarades ne tardent pas à expérimenter de près : de l’autre côté des postes de télévision, il existe un monde. Un univers étrange et dangereux. Il y a-t-il un lien entre ce monde au-delà du réel et la menace qui plane sur Inaba ?
Voilà comment notre héros, progressivement rejoint par quelques-uns de ses camarades, s’en va explorer le monde de la télévision. Pour y sauver les âmes en peine et découvrir, coûte que coûte, qui est celui « qui jette des gens dans la télévision ». On s’arrête ici parce que le reste, c’est à vous de le découvrir. On ne saurait que trop vous le conseiller tant Persona 4 redouble d’efforts pour nous attraper et nous embarquer avec lui dans une quête difficilement oubliable. Même si l’expérience souffre naturellement aujourd’hui de sa comparaison avec les jeux du genre apparus depuis – l’incroyable Persona 5 en tête -, on ne peut qu’être admiratif devant tant de passion. Les lieux, le scénario, les personnages, les dialogues, tout a été conçu avec soin pour nous immerger dans la singularité de Persona 4. Au travers des sauvetages dans lesquels se lance notre fine équipée, ce sont tous les travers de la société qui s’expriment. Nous sommes ici dans le Japon de l’an 2011 et dans cet univers torturé les angoisses, les dérives sociétales et personnelles prennent forme pour mieux être combattues. Si les sujets et leurs traitements respectifs ne sont pas les plus fous ou originaux du monde, ils participent à un ensemble cohérent que l’on a envie de découvrir jusque dans ses moindres recoins.
La force du monde de Persona réside dans la façon dont le jeu nous emmène à sa découverte. On dira de façon sommaire que l’expérience alterne entre deux temps, celui de la vie dans le monde réel et l’autre, tourné vers le combat dans le monde de la télé. Nonobstant la gravité des faits qui se déroulent à Inaba et la rapide compréhension par le petit groupe de héros que la vérité est ailleurs, la vie continue. Aller en cours, retrouver des collègues pour tisser des liens de plus en plus forts, trouver un petit boulot ou bien s’inscrire à des cours de théâtre et pratiquer du sport : une partie du temps disponible est dédié à cela dans Persona 4. Comme vous l’imaginez, cela n’est pas là pour meubler le temps. Toutes ces actions ont une incidence sur les personnages, leurs capacités et constituent parfois aussi des quêtes secondaires qui viennent gonfler encore un peu plus une durée de vie conséquente (visez la soixantaine d’heures pour voir le bout du tube cathodique). Dans la petite ville où l’on profite aussi du temps disponible pour faire quelques achats d’objets utiles pour les combats à venir, on ressent une certaine légèreté, on a le sentiment que tout va bien se passer comme dirait Gerald. On vit pourtant avec une épée de Damoclès, car le drame potentiel à venir ne pourra être évité que si l’on parvient à défaire du mal la personne prisonnière de la télé dans un temps imparti. A Inaba c’est le brouillard qui accompagne le malheur. Alors on garde un œil sur les prévisions météorologiques pour s’assurer d’accomplir la mission du moment avant la date butoir.
Pour mettre toutes les chances de notre côté, il convient d’explorer le monde de la télé assez souvent. A défaut de régler le problème en cours d’une traite, cela permet de gagner des niveaux, trouver quelques trésors et pourquoi pas débloquer un point de passage à partir duquel on pourra débuter la prochaine exploration. A noter que Persona 4 ne vous laisse pas le temps de tout faire, il est nécessaire de choisir si l’on veut explorer un donjon, passer du temps avec un collègue, participer à une activité extra-scolaire, etc. Sachant que tout a de l’importance, sans jouer les Marie Kondo (pré-repentance), un certain sens de l’organisation est conseillé. Une activité a toutefois un impact beaucoup plus direct sur les combats : la gestion des Personae. Le Persona est la matérialisation, au travers d’une créature magique des sentiments, des craintes, des espoirs, des vices, bref de toutes les choses qui caractérisent l’individu. Alors que l’on débute avec un Persona propre à chaque personnage, on parvient rapidement à en capturer de nouveau au fil des combats contre les ombres qui peuplent les donjons. Chaque Persona dispose de ses capacités, plus ou moins offensives, défensives, élémentaires, de soutient, à visée unique ou groupée, etc.
Les Personae sont tout bonnement les porteurs des capacités spéciales que l’on retrouve dans tout bon JRPG qui se respecte. A ceci près qu’ils déloquent de nouvelles capacités en gagnant des niveaux et qu’il est possible de les fusionner pour en créer d’autres. Plus forts, plus avancés sur certaines compétences, pour un nombre de Personae proche de 180. Tout cela se gère chez ce bon vieil Igor, dans la « Chambre de Velours » (Velvet Room). L’homme que vous connaissez peut-être déjà, caractérisé par un nez qui doit lui donner l’impression de serrer la main à pote quand il se mouche, nous accompagne dans la réalisation de fusions promptes à nous donner les armes pour lutter dans les nombreux donjons qui se dressent devant nous. Pour le reste, Persona 4 se pose comme un RPG au tour par tour, dans la plus grande tradition du genre et avec toute la dose de stratégie que cela implique pour triompher. A noter toutefois que le jeu propose divers niveaux de difficulté qui permettent à tous de profiter de l’aventure, avec un défi plus ou moins relevé et jamais trop injuste.
L’aventure est longue, elle est belle. Enfin, pas franchement d’un point de vue graphique puisque l’on rappelle que Persona 4 est un jeu né sur PS2 et bien qu’il a été successivement poli pour ses sorties sur PS Vita, PC et maintenant Xbox/Playstation/Switch, il n’est demeure pas moins vieillot. Propre mais âgé. Cela apparait surtout dans les donjons dont le relatif manque d’originalité/détail était déjà pointé du doigt voilà quinze ans. On apprécie en revanche le design soigné des personnages, celui un peu fou des créatures du monde de la télé ; plus que tout encore, on aime dans Persona 4 son ambiance sonore. Au-delà du célèbre thème de la « Velvet Room », le travail proposé par le talentueux Shoji Meguro est à lui seul la pièce d’identité de Persona 4. C’est jazzy, rythmé, énergique, on ressent du soleil comme s’il en pleuvait. Bref, c’est à l’image du jeu : magique.
+
- Histoire, personnages, univers : on s’attache
- Bande-originale époustouflante
- Durée de vie très robuste
- Système de combat qui l’est tout autant
- Doublages japonais et anglais soignés
- Textes en français
- Difficulté assez largement paramétrable
-
- Techniquement propre, mais tout de même vieillot
- Une certaine redondance dans les donjons