Jeux

Prince of Persia

Action | Edité par Ubisoft | Développé par Ubisoft Montreal

8/10
360 : 04 décembre 2008
19.12.2008 à 12h31 par |Source : http://www.xbox-mag.net

Test : Prince of Persia sur Xbox 360

Jordan Mechner, créateur des premiers Prince of Persia à la fin des années 80-début des années 90, avait été rappelé en renfort par Ubisoft sur le développement des Sables du Temps, et, de fil en aiguille, s’était réellement impliqué et approprié le projet. A présent, la série doit compter sans son mentor, et doit s’affranchir du lourd héritage d’un jeu qui aura marqué son époque. Ce travail de réappropriation, Prince of Persia l’effectue bel et bien, tout en commettant de nombreuses erreurs de jeunesse qui prouvent à quel point l’influence d’un seul homme peut influer sur le développement d’un jeu vidéo.

Le Prince de la réforme

S’il y a quelque chose qu’on ne peut retirer au nouveau Prince of Persia, c’est l’audace de vouloir changer une formule parmi les plus convaincantes de la plateforme 3D. Même si la trilogie des Sables du Temps s’était un peu égarée au fil des épisodes, au niveau du style et de la cohérence artistique, elle possédait une base de gameplay particulièrement solide, entre fluidité de mouvement et maîtrise des combats. Sous l’impulsion de Jean-Christophe Guyot, directeur créatif déjà impliqué dans la première trilogie, la série a pourtant pris une nouvelle orientation. Nouveau moteur, jouabilité revue, style visuel repensé. Le risque était significatif et on voit trop peu d’éditeurs se mettre en danger pour ne pas apprécier ce changement.

Artistiquement, ce pas en avant apporte une vraie bouffée d’air frais à la licence. Après l’Ame du Guerrier et Les Deux Royaumes devenus trop réalistes par rapport aux Sables du Temps, Prince of Persia choisit d’adopter une vraie personnalité visuelle. Pensé pour ressembler le plus possible à un artwork mobile, le soft d’Ubi Montréal utilise un procédé de cel-shading raffiné et une palette de couleurs variée pour aboutir à l’un des plus charmants ensembles cohérents qu’on ait vus sur Xbox 360. Le moteur Scimitar, inauguré avec Assassin’s Creed, ne délivre pas une impression aussi fracassante que les premières aventures d’Altaïr, mais régale véritablement les yeux. Il faut aussi compter avec une superbe bande-son, toujours composée par l’inévitable Stuart Chatwood, décidément l’un des meilleurs musiciens de l’industrie.

Toujours présenté sous la forme d’un conte des Mille et une Nuits, Prince of Persia propose un scénario assez léger et classique, reposant énormément sur la relation se créant entre les deux personnages principaux : le prince et Elika. Le héros n’est bien sûr plus le même que dans les précédents POP, et cela se voit tout de suite. Le personnage est haut en couleur, rigolard, léger et gouailleur, une personnalité plutôt bien campée par le doubleur de Drake dans Uncharted. Elika est plus discrète mais tout autant attachante. Toutefois, c’est au joueur de choisir s’il veut s’impliquer ou non dans le jeu. 90% des dialogues étant facultatifs, il faut réellement choisir de développer la relation du duo soi-même, ce qui implique d’être attiré par les caractères des héros et les enjeux de l’aventure. Y rester insensible diminue de beaucoup l’intérêt du jeu : Prince of Persia se veut émotionnel et touchant, mais sans pour autant forcer la main au joueur, dans le mauvais comme dans le bon sens du terme. Le jeu ne gère d’ailleurs pas tout le temps très bien ce choix, bien que le travail d’écriture soit réalisé avec talent et que la plupart des dialogues fassent preuve d’une belle dynamique.


« Plincesse Elika »

Si les joueurs craignaient une chose dans Prince of Persia, c’était sans doute le côté très assisté que promettaient les impressions d’avant-sortie. Effectivement, l’aventure se déroule intégralement en duo avec Elika, et les traditionnels Game Over ont été rangés au placard. Pour garantir une plus grande fluidité à l’action, la jeune femme, grâce à ses pouvoirs magiques, sauve le Prince à chaque fois que ce dernier est en danger de mort et le ramène sur la dernière plateforme stable du parcours. Evidemment, ce choix rend Prince of Persia facile, et les amateurs de challenges corsés en seront pour leurs frais. Néanmoins, c’est loin d’être le plus gros défaut du soft. C’est davantage un choix de design qui s’accorde en réalité plutôt bien avec la jouabilité, laquelle épouse les surfaces, se déroule naturellement et propose une farandole d’animations complexes et d’effets visuels bien sentis.

Un grain de sable dans les rouages ?

Non, la facilité de Prince of Persia n’est pas son plus gros problème. Les soucis existent et sont ailleurs. D’abord, la maniabilité. En changeant de fond en comble les commandes, Ubisoft a perdu une partie de ce qui faisait le génie de Sands of Time. Dans Prince of Persia, on ressent une espère de déconnexion avec le héros. Les touches ne répondent pas immédiatement si une animation n’est pas terminée. Les sauts sont rigides. On ne ressent pas cette fusion avec les acrobaties du Prince, lesquelles demeurent satisfaisantes à accomplir, mais plus avec la même implication.

Au fur et à mesure du jeu, Elika obtient de nouveaux pouvoirs, permettant d’accéder à des points inaccessibles autrement. Les aptitudes du prince n’évoluant pas, la capacité d’Elika à renouveler le gameplay étaient cruciales. Malheureusement, Ubi Montréal n’a pas vraiment réussi à trouver des solutions suffisamment variées. On peut accéder à quatre pouvoirs, et trois d’entre eux sont quasiment similaires (on vole d’un point à un autre, d’une façon beaucoup trop guidée), le dernier restant le plus intéressant (la gravité s’annule et on court sur les murs et au plafond, sur des chemins encore trop guidés toutefois).

Les combats posent aussi problème. Repensés par rapport aux Sables du Temps, ils reviennent aux sources si l’on peut dire, puisqu’ils se cantonnent à des duels avec un seul ennemi. On se retrouve face à un vrai petit jeu de combat, et Ubi réussit à proposer des combos très nombreuses et spectaculaires, complétés par des séquences Quick Time Event. Cependant, là encore, des choix de game design cruciaux sont très contestables. D’abord parce que les ennemis n’obligent pas assez intelligemment à varier ses coups. On peut apprendre un combo dévastateur et le répéter ad vitam pour remporter la victoire. Plus grave encore : sous prétexte d’augmenter peu à peu la difficulté, les ennemis deviennent de plus en plus agressifs au fil du jeu. Jusque là, rien de très embêtant, mais ces derniers ne multiplient pas les coups, mais les attaques Quick Time Event. On se retrouve donc étouffé, obligé de réussir une séquence toutes les dix secondes, sans même pouvoir se protéger.


Lourd à porter

Là où les Sables du Temps excellaient, Prince of Persia se montre moins abouti et engoncé dans des mécanismes encore trop verts, pas assez développés. Le soft introduit pourtant un concept de monde ouvert vraiment intéressant, avec une progression basée d’abord sur l’attaque de zones hostiles, puis sur l’exploration plus sereine. Les thèmes abordés par le jeu ne demandent qu’à être poussés plus avant, et, malgré tous les problèmes énumérés plus haut, l’aventure est plaisante, voire attachante, un sentiment qu’on trouve dans peu de titres parus fin 2008. On ne doute pas vraiment qu’Ubisoft ait prévu de continuer sur son élan, on attendra donc le prochain épisode avec intérêt. Même sans Jordan Mechner.

Charmant, Prince of Persia n’en est pas moins très léger sur des aspects de gameplay pourtant terriblement importants, tels que le ressenti des commandes ou les mécanismes de combat. L’ensemble est solide et se laisse volontiers jouer (avec, ce qui ne gâche rien, une durée de vie très honorable), d’autant plus si on adhère au duo Prince-Elika, véritable centre d’intérêt du titre. Avec son ambiance et sa réalisation, le POP nouveau avait les armes pour se hisser très haut, il lui faudra sans doute un épisode supplémentaire pour acquérir la profondeur qui lui manque. Il n’en reste pas moins que la prise de risque d’Ubisoft se doit d’être appréciée à sa juste valeur. Un jeu qu’il faut au moins avoir essayé.

+

  • Grande bande son
  • Beaucoup d’idées qui ne demandent qu’à s’épanouir
  • Le Prince, Elika, un duo attachant
  • Quelques très bons moments
  • Vraie prise de risque
  • Tour de force artistique

-

    • A cause des commandes, on se sent moins connecté au Prince
    • Combats bien pensés, mais mal agencés
    • Les pouvoirs d’Elika trop semblables
    • Les amateurs de gros challenges seront déçus