Test : Sherlock Holmes: The Awakened sur Xbox Series X|S
Une réflexion tentaculaire
Tout débute de façon anodine, en 1882, par un premier semblant d’enquête en guise de petit tutoriel dans laquelle l’enquêteur londonien, accompagné de l’incontournable Dr Watson, s’acharne à trouver pourquoi l’un de ses journaux du jour est manquant. Bien qu’à priori totalement anecdotiques, les rencontres faites dans ces premiers instants se révèleront finalement pas si inintéressantes au fur et à mesure de l’avancement du jeu.
Le célèbre duo vient ensuite à enquêter sur la disparition d’un certain Kimiha, à la demande d’un ami de Watson, le Capitaine Stenwick. Contrairement aux opus récents, il s’agit ici d’une seule et même histoire à suivre de bout en bout. La recherche initiale des traces du seul Kimiha conduit en effet Sherlock Holmes et son accolyte vers une série de disparitions toutes plus étranges les unes que les autres. Enquêtant tout d’abord dans les bas fonds du port de Londres, ils arrivent ensuite en Suisse dans un « hôpital psychiatrique helvète » carrément flippant, où toutes les vieilles représentations de la psychiatrie du XIXè siècle, à grands coups de lobotomie, isolement ou psychanalyse freudienne font florès. Leur périple les mène par la suite à la Nouvelle Orléans , à la découverte de la culture vaudou, sur les traces d’une secte (il existe une certaine confusion des genres entre les deux) tout comme dans « Le récit de l’inspecteur Legrasse » dans « l’Appel de Cthulhu », pour ensuite arriver au Nord de l’Ecosse.
C’est sans finesse donc que nous voyons Sherlock rencontrer le mythe de Cthulhu et sombrer progressivement face à l’indicible. Ces périodes où le détective se perd sont alors représentées comme des phases où il évolue entre hallucinations tentaculaires et monstres cyclopéens. Dans celles-ci, le joueur doit réfléchir à comment sortir de ce dédale, parfois de façon contre intuitive ; à l’inverse de la logique habituelle du brillant enquêteur.
Car en dehors de ces quelques phases Lovecraftiennes, c’est bien de logique dont il faut faire preuve pour avancer dans cette histoire de disparitions et d’assassinats sur fond de sacrifices humains. Nous retrouvons et approfondissons ainsi les mécaniques de gameplay mises en place dans Sherlock Holmes: Chapter One. La collecte d’indices divers et variés est le nerf de la guerre. Ceux-ci se recueillent de plusieurs façons :
- Par l’observation méticuleuse de certains individus, qui dévoilent ainsi leurs plus petits secrets inavoués à leur corps défendant,
- Par le simple ramassage d’éléments, qu’il est possible de révéler assez facilement grâce à LB, et qui apparaissent ainsi en surbrillance,
- Par l’utilisation de RB, grâce à laquelle il est possible d’utiliser le mode « imagination » permettant la reconstitution de certaines séquences importantes de l’histoire.
Après avoir confronté certaines personnes aux indices glanés ici et là, elles nous révèlent de nouveaux éléments. Il faut de plus ne pas omettre d’épingler certains indices sous peine d’oublier quelques révélations essentielles. Ou penser à bien observer certaines données du carnet du détective qui se signalent par une étoile ou un livre, et qui doivent être approfondies. Plus anecdotique, il est possible de crocheter certaines serrures, mais sans grande difficulté cela dit; tout comme il est permis de parer nos deux héros de leurs plus beaux atours grâce à des tenues débloquées au fil de la résolution des énigmes et affaires.
Tout repose donc sur le « carnet d’affaires » dans lequel toutes les informations sont colligées, puis grâce au célèbre palais mental du gros cerveau de Sherlock, les connexions synaptiques se font pour révéler la réponse au nœud d’énigmes en cours. Le carnet comporte également une carte qui permet des déplacements rapides entre les différents endroits à explorer dans six environnements différents et assez ramassés, ce qui évite des « allers retours » pourvoyeurs de perte de temps inutile.
Notamment lorsqu’il s’agit de résoudre une affaire annexe en plus de la trame principale. Ces enquêtes secondaires sont à saluer car permettent d’explorer certaines thématiques telles que la condition des plus pauvres à Londres, celle des patients présentant des troubles psychiatriques au XIXe siècle, ou celle des afro-américains dans le bayou de Louisiane. Certaines peuvent d’ailleurs se faire avec Watson, que l’on incarne aussi dans quelques parties de l’histoire principale. A noter, les développeurs prennent le temps d’expliquer en préambule que le titre relate des préjugés ayant cours à l’époque, mais qui n’ont évidemment plus lieu d’être aujourd’hui.
Graphiquement le jeu, malgré son optimisation sur Xbox Series X|S fait plutôt daté, et le strabisme divergent de l’œil gauche de Holmes couplé à sa rigidité de déplacement n’a d’égal dans sa pénibilité que la difficulté à pointer certains éléments. Et c’est bien dommage, car le gameplay est assez bien pensé. Les phases de reconstitutions sont très intéressantes mais nous sommes gênés par les défauts techniques de la maniabilité du titre. Les effets de lumière sont eux plutôt bien rendus, et les environnements sont divers et bien distincts. L’atmosphère crasseuse du port de Londres est tout aussi bien réalisée que le bayou marécageux de la Nouvelle Orléans ou l’angoissant hôpital des Alpes Suisses. Le son est qualitatif, la VOSTFR plutôt bien faite. Quelques bugs et crashs du jeu ont été notés durant le test, en sortant de certains environnements, mais la sauvegarde automatique a permis d’éviter la perte d’heures de jeu.
Si le jeu fait des clins d’œil plus que poussés aux œuvres d’A.C Doyle et H.P Lovecraft, il pèche malheureusement par une certaine superficialité dans l’exploration de ces dernières. Si Lovecraft exprimait dans son mythe imaginaire toute l’angoisse que l’immensité de l’univers lui procurait, le jeu lui se complait dans une espèce de premier degré très littéral en parsemant çà et là des créatures tentaculaires évocatrices des « Grands Anciens » et des sacrifices humains à boyaux tous ouverts. Le mythe de Cthulhu n’est ici que prétexte à une imagerie faite de poulpes ou autres êtres visqueux en toile de fond d’une secte un peu cheloue, mais c’est tout. Cauchemardesque donc, mais à gros sabots.
Tout autant que le parallèle avec la logique implacable du héros de Doyle qui se heurte à des évènements « inexplicables » le faisant ainsi plonger en pleine dissonance cognitive. Malheureusement ceux-ci resteront inexpliqués, ou en tout cas pas de façon claire, sensée et cartésienne. C’est donc sans véritable et franche critique de la dérive sectaire du gourou rencontré ou de la psychanalyste inhumaine et leurs atrocités que nous avançons jusqu’à la fin du jeu en une quinzaine d’heures, pour une totalité de huit chapitres. La rejouabilité est permise puisqu’un chapitrage pour un accès aux affaires annexes omises par exemple est présent.
+
- Plus qu'un remake
- Partie enquête bien pensée
- Histoire qui pique la curiosité
-
- Rigidité des déplacements
- Maniabilité moyenne
- Superficialité de l'approche des œuvres
- Graphismes qui laissent à désirer