Test : Split Fiction sur Xbox Series X|S
A dévorer comme un bon livre

Comme avec A Way Out et It Takes Two, la nouvelle production du créateur suédois à l’imagination débordante nous propose d’incarner un duo inédit aux caractères bien trempés. Après le couple en crise May et Cody, c’est au tour de Mio et Zoé, deux autrices qui rêvent d’être publiées, de jouer les premiers rôles. Comme d’autres, elles répondent à la convocation d’un certain Rader, qui leur propose d’intégrer un programme expérimental qui leur permet de parcourir les mondes qu’elles ont elles-mêmes créés, avec la promesse de voir leur livre être édité ensuite. Alors que chacun des auteurs en devenir doit prendre part à l’expérience en solo, un évènement inattendu conduit Mio et Zoé à se retrouver ensemble, et à devoir chercher la sortie parmi leurs deux imaginaires qui ne cessent de s’entrecroiser.
Une anomalie qu’elles doivent progressivement analyser et comprendre afin de rester entières et sauver leur peau. C’est cet incipit qui permet aux joueurs et joueuses de choisir l’une ou l’autre des héroïnes. Mais c’est aussi, et surtout, l’occasion pour les créateurs du jeu de totalement lâcher la bride de leur inventivité pour nous emmener dans des épopées toujours plus folles. Les différents écrits imaginés par les deux autrices sont le prétexte à nous faire sillonner les mondes cybernétiques de science fiction inventés par Mio ou les sous-bois féériques peuplés de trolls issus de l’imagination fantaisiste de Zoé. Tantôt en cyberninja ultra badass, tantôt en gorille, en fée ou en cousin de Groot, nos deux valeureuses écrivaines tentent de survivre à leurs propres pièges.
Chacune des histoires écrites par Zoé ou Mio forme la trame principale du jeu et comporte bien évidemment un boss de fin de niveau qui, une fois battu, permet aux deux protagonistes d’entrevoir un peu plus le chemin vers leur liberté retrouvée. Parallèlement à cette trame principale, les joueurs sont invités subtilement à chercher des bulles additionnelles dans lesquelles ils peuvent découvrir des histoires plus succinctes issus de la folle imagination de nos héroïnes (mais surtout de leurs créateurs !). Si celles-ci sont de qualité inégale, elles ont le mérite de s’affranchir de toute logique pour permettre de parfois verser dans un absurde le plus total, franchement plaisant. Mention spéciale aux cochons de Zoé.
Ainsi, le game-design de Split Fiction fait honneur aux créations antérieures de Joseph Fares. Nous regrettons cependant de ne pas avoir pu croiser autant de mini-jeux que dans It Takes Two et quelques zones un peu trop linéaires, notamment en début de partie, ne permettant pas de parfaitement rendre hommage aux merveilleux mondes modélisés par les équipes d’Hazelight. En effet, graphiquement, le jeu est somptueux. L’univers nocturne aux néons incandescents et aux voitures volantes embouteillées de Mio plaira à n’en pas douter aux amateurs du genre; là où les forets luxuriantes et sous bois aux champignons fluorescents de Zoé fourmillant de détails sauront satisfaire les puristes de fantasy. La beauté de ces imaginaires est très bien rendu par l’Unreal Engine 5 qui permet une profondeur de champ sans défaut. Les animations des visages de nos héroïnes sont fluides et agréables, et chaque expression est parfaitement retranscrite. En revanche, la musique est très discrète, un facteur limitant pour totalement parfaire l’aspect épique de certaines phases de jeu, et ‘est un peu dommage.
Mais surtout, la recette des «histoires multiples qui s’entrecroisent» fait merveille pour nous proposer des mécaniques de gameplay non seulement variées, mais aussi toujours plus innovantes. On ressent parfaitement l’expérience du studio en la matière. Non seulement le gameplay d’un joueur seul est en nombre conséquent, mais le gameplay coopératif, incontournable chez Joseph Farès, est toujours là et bigrement bien pensé. Sans se montrer comme telle, la première heure de jeu peut être considérée comme un tutoriel, où les joueurs prennent le temps de s’imprégner de ces nouveaux univers en douceur, quitte à manquer de rythme. Mais la patience paye, et Split Fiction montre une capacité incroyable à monter crescendo, pour nous amener à des phases coopératives de plus en plus bien réfléchies. Et toute la panoplie y passe: Déplacement d’élément du décor pour permettre à notre partenaire d’atteindre un nouveau sommet, nécessité d’adapter notre cerveau à l’inversion de gravité, tandis que les changements de perspectives s’ajoutent à des phases en moto, en voiture volante, avec du shoot’em up et bien évidemment des passages en 2D, le tout pour nous abreuver de nouvelles sensations à un rythme soutenu. La pléthore de gameplays que le jeu nous met entre les mains, et de manière aussi cohérente, n’a pas d’équivalent sur le marché du jeu vidéo. Cerise sur le gâteau, le studio suédois excelle à ne pas nous faire ressentir de redite, y compris pour les habitués de ses licences.
Jouable en coopération locale ou en ligne, Split Fiction est gratifié de dialogues ciselés et savoureux entre ses deux héroïnes. Les deux parfaites inconnues aux caractères diamétralement opposés apprennent progressivement à se découvrir et à s’apprivoiser au fil de leurs aventures rocambolesques. Le tempérament taciturne et méfiant de Mio se conjugue à celui de l’affable , mais non moins espiègle Zoé. Le pessimisme un brin sauvage de Mio s’éteint au fur et à mesure de ses discussions avec Zoé, là où cette dernière perd un peu de son ingénuité grâce au pragmatisme de sa co-aventurière. Split Fiction ne se contente alors pas de dérouler des mondes différents sans consistance, mais nous apprend petit à petit à connaitre ses deux protagonistes et leurs imaginaires. C’est d’un petit morceau de chacune d’elle que sont faites leurs histoires, et le jeu parvient à nous faire percevoir leurs pensées, leurs doutes comme leurs craintes ou leurs moments de joie.
Pour servir tous ces aspects, le jeu se dote d’une grande fluidité et d’une maniabilité aux petits oignons. Un subtil dosage entre permessivité et un temps de réflexion bien calculé lui permet de créer chez les duos de joueurs une très séduisante expérience de jeu. Ni trop capillotractées, ni trop simplistes, les phases coopératives se solutionnent par une communication efficiente entre les deux joueurs, ainsi qu’une certaine complémentarité. Là où le manque de dextérité de l’un est compensé par l’excellence à la manette de l’autre, c’est la logique du premier qui permet de tempérer l’absence de sens de l’observation du deuxième. Il faut avouer que bien se connaître facilite très probablement le processus et ce d’autant plus si l’on a l’habitude des jeux estampillés Hazelight.
Split Fiction est à l’image des créations précédentes du studio : Une vraie pépite que les amateurs de jeu en coop ne peuvent absolument pas rater ! Et que celles et ceux qui souhaiteraient s’y essayer en ligne avec un inconnu se rassurent, le dosage parfait de la difficulté leur permet d’accorder suffisamment leurs violons pour s’aventurer dans les mondes de Mio et Zoé. En local ou en multi, l’expérience se vit en écran splitté verticalement, comme avec It Takes Two, avec le retour du Friend Pass qui permet de jouer avec un ami même si celui-ci ne l’a pas acheté. Petite nouveauté sur ce point, il est désormais possible d’inviter un ami qui ne joue pas sur le même support que vous, en cross-play. Comme pour montrer que le studio cherche toujours à satisfaire le joueur avant tout.
+
- Level-design progressif
- Grande diversité dans le gameplay
- Graphiquement impeccable
- Personnages attachants
- Scénario intéressant et cohérent
-
- Ambiance sonore trop discrète
- Absence de vrais mini-jeux