Jeux

Truck Driver

Simulation | Edité par Soedesco | Développé par Triangle Studios

4/10
One : 19 septembre 2019
07.10.2019 à 14h37 par - Rédacteur

Test : Truck Driver sur Xbox One

J’veux que tu mettes des pouet pouet dans ma vie

Depuis plusieurs années maintenant, il existe sur PC un genre de jeu bien à lui. La révolution de la simulation de conduite de poids-lourd, menée tambour battant par un Eurotruck Simulator 2 increvable, s’était néanmoins arrêtée aux frontières des consoles, comme un routier devant un portique breton. Mais en ce mois de septembre 2019, il est un jeu qui a osé braver les obstacles. Ainsi est arrivé sur Xbox One Truck Driver de Triangle Studios/Soedesco et c’est avec beaucoup de bienveillance que l’on l’accueille, conscient du poids lourd qui pèse sur ses épaules. Alors, que vaut le premier et pour le moment seul représentant du genre sur Xbox One ?

Si vous avez suivi nos plongées régulières dans le monde du simulator sur Xbox-Mag (sinon, vous êtes plus que jamais à temps d’aller fouiller nos tests plus ou moins récents !), vous savez que nous avons exploré cet univers jusque dans des recoins insoupçonnés. Parfois insoupçonnables, comme avec PC Building Simulator ou Car Mechanic Simulator. Mais en lançant Truck Driver, c’est à une vision encore tout autre de la simulation sérieuse que l’on s’attaque. Si vous avez déjà joué à Eurotruck Simulator sur PC, vous savez qu’il s’agit d’un savant mélange de rigueur manette ou volant en main et pour beaucoup, de plaisir contemplatif. C’est l’expression vidéoludique du bien-être au travers d’une activité qui n’a pourtant rien de reposant dans la vraie vie (il en va de même pour la guerre ou les puzzles géants me direz-vous). En tous cas, c’est bel et bien le parti-pris de Truck Driver que celui de nous inviter à partir d’un point A pour rejoindre un point B aux commandes des géants de la route. Et recommencer jusqu’à plus soif. Avec le jeu de développé par Triangle Studios pour Soedesco, nous avons néanmoins droit à un peu de « background », à un tout petit bout de la raison pour laquelle on s’apprête à avaler l’asphalte. Tonton en a plein le dos et envisage plutôt bien un départ la retraite, qu’importe l’âge pivot. Mais il ne se voit pas pour autant laisser à n’importe qui son camion et le boulot qui va avec. Alors, après quelques essais concluants dans l’exercice de la route et du placement de remorque plus ou moins propre, on part à la rencontre de Charlie pour une première série de missions. Tonton peut faire sa sieste sur ses deux oreilles.

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Loin de l’ambiance Easy Rider, c’est plutôt en mode clope/Picon que l’on roule vers le port et la tanière du Capitaine Haddock local. Lorsque l’on aura accompli un certain nombre de missions pour le loup de mer pas si vieux, il sera possible d’aller rendre service sur le chantier, puis à l’usine ou encore dans une exploitation forestière, pour rencontrer au total une demi-douzaine de personnages « principaux ». Les interactions se limitent à quelques lignes de dialogue sur image fixe, mais ça change tout de même un peu de la liste d’offres Pôle Emploi d’un Eurotruck. Cela confère une certaine identité à Truck Driver, bien qu’il faille préciser d’emblée que l’on n’aura à un aucun moment ici l’occasion de gérer sa propre entreprise. On bosse pour les figures locales. Chaque chef d’entreprise à des besoins très simples et y répondre consiste naturellement à prendre la remorque qui se trouve ici, ou plus loin sur la map, et à la transporter jusqu’au lieu indiqué. Plus tard, une fois les missions principales terminées, il sera possible de revenir pour effectuer des livraisons lambda autant qu’on le souhaite. D’une missions à l’autre le chargement n’est pas toujours de même nature, et donc pas de la même taille. On a parfois quelques surprises (quatre pour être précis) se traduisant par le transport d’objets particulièrement encombrants. Comme un chalutier ou une statue, par exemple. Rouler avec tel ou tel type de camion, être prudent ou encore bien positionner le chargement sur la zone dédiée octroie des points d’expérience et de l’argent. Les premiers servent à gagner encore plus de sous-sous, ou de faire en sorte que le camion consomme moins de carburant par exemple. L’argent permet quant à lui d’acheter de nouveaux véhicules (non licenciés) et de les personnaliser (moteur plus puissant et pour le reste, légères modifications esthétiques). Bref, on est bel et bien dans un simulateur de poids-lourd mais pourtant, tout ne se passe pas forcément comme prévu et les premiers écueils apparaissent déjà lorsque l’on se contente d’observer la structure des missions.

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On en convient, évoquer la répétitivité dans un simulator sonne comme une Lapalissade. C’est pourtant un réel défaut de Truck Driver qui naît de l’absence dans neuf cas sur dix d’une quelconque restriction, d’une obligation particulière qui viendrait apporter un peu de piment aux pérégrinations. Si l’on pouvait imaginer que chaque mission nous imposerait une durée limitée ou une obligation de livrer le chargement dans un certain état de conservation, ou quelque autre type de restriction, il n’en est rien la plupart du temps. Et le peu de fois où l’on se voit imposé un timer, Truck Diver dérape : on a le temps de compter les fleurs sur le bout de la route au départ, puis vient le temps avec le cinquième des six pourvoyeurs de missions des courses (trop) folles, calibrées au poil de moustache. Mais si l’on replace ces quelques moments un peu tendus dans le contexte général, Truck Driver apparaît comme bien trop léger, éminemment dirigiste et cloisonné. Le chauffeur en herbe que nous sommes n’a qu’à rouler en suivant le GPS… Ou pas. Un petit détour ou un grand est souvent possible puisque de toute façon, le péril est quasi-nul. Il faut faire attention au niveau d’essence et penser à faire souffler votre chauffeur sur les aires de repos, et voilà. Mais l’inconsistance de l’offre ne s’arrête pas là. Le gameplay semble lui aussi rouler avec le frein à main tiré. Ne vous y trompez pas, Truck Driver est plutôt agréable à prendre en main, grâce à de nombreux types de caméra (trois intérieures, trois extérieures et une vue aérienne pour faciliter le parking) et une direction à la manette qui répond plutôt bien. Les flèches permettent d’utiliser les clignotants, de couper le moteur ; RB ouvre quant à lui une roue de sélection d’actions, comme l’allumage des feux, l’activation des warnings ou du régulateur de vitesse. Ce n’est pas super pratique, mais ça passe. En revanche, on est beaucoup moins convaincu en se rendant compte que pour utiliser une boîte manuelle, il faut acheter un camion à boîte manuelle. Oui, oui.

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A ce stade, à part pour vous dire où se trouvent l’accélérateur et le frein, il est difficile d’aller plus loin. On est vraiment dans quelque chose de très conventionnel, voire limité, qui nous laisse peu de place pour exploiter les caractéristiques du véhicule que l’on conduit. Mettre à profit le frein moteur, régler le différentiel, retirer la remorque pour se sortir d’une manœuvre difficile sont des actions qui ne font pas partie du champ lexical de Truck Driver. Inutile de chercher les essuie-glaces, puisque de toute façon il ne pleut pas. On parvient bien à ressentir l’effet de l’usure des pneumatiques sur la distance de freinage, mais le frein à main trop permissif est là pour compenser si besoin. Ou alors un petit tour au garage de temps en temps et quelques petits euros plus tard, l’histoire est réglée. Mais ce n’est de toute façon pas bien grave si l’on prend son temps puisque se mettre véritablement en danger est probablement ce qui existe de plus compliqué ici. Donnant la sensation d’être légers comme des plumes, les camions vont vite, toujours vite, pas beaucoup moins vite lorsqu’ils sont pourtant chargés de plusieurs tonnes de marchandises. Retourner le camion est un exercice en soi et à moins de le faire exprès, on a le plus souvent les quatre roues bien vissées au sol (on est arrivé à pencher le camion en prenant un virage à 90° à près de 100 km/h et en serrant contre la glissière de sécurité). Il est une chose de créer un jeu accessible et qui ne se veut pas être un simulator pur et dur ; il en est néanmoins une autre de proposer un gameplay beaucoup trop arcade, voire permissif, qui nuit à l’appréciation. On peut y aller comme un dingo : le trafic est de toute façon léger (et composé uniquement de voitures), les chocs influent peu sur l’état et le comportement du camion, les radars se comptent sur les doigts d’une main. Attention tout de même aux amendes, elles peuvent finir par faire mal lorsque l’on commence à diriger des camions qui permettent de dépasser les 110 km/h.

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Dans l’ensemble on navigue partagé entre le relatif plaisir procuré par une conduite somme toute valable si l’on fait fit de sa trop grande clémence, et le regret de se sentir libre de rouler sur la gueule de tout ce qui bouge comme un Trevor des grands jours (les accidents ne constituent pas un motif d’amende). Le sentiment d’impunité sur la route est accentué par le comportement de l’IA qui est assurément l’un des points faibles de Truck Driver, certainement la première chose que vous remarquerez comme frein à l’immersion. Distribué de façon très inégale, le trafic se compose de gens qui n’ont manifestement cure des règles dictées par le code de la route. Non-respect des priorités, prise en compte aléatoire de nos clignotants, freinage intempestif, vitesse excessive sur autoroute et mode escargot à l’approche du premier virage… C’est loin d’être convaincant, même si l’on s’amuse de voir que même l’IA a tendance à piler un grand coup à l’approche d’un radar automatique, pour mieux repartir tombeau ouvert 100 mètres plus loin. A noter également le comportement des feux de circulation (par ailleurs placés dans des lieux parfois hautement improbables) : leur durée est complètement aléatoire et a plutôt tendance à prolonger l’arrêt pour ne laisser qu’une poignée de secondes au vert. On peut facilement se prendre une prune lorsque l’on est en seconde position ou au-delà sur la file.

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Toutes ces qualités et nombreuses imperfections s’étalent au gré des kilomètres, sur une map qui elle aussi, à l’image de l’angle d’attaque de Truck Driver, mise un peu trop sur la prudence teintée de facilité. Disons-le simplement : la map est trop petite pour ce genre de jeu. Aller d’un bout à l’autre ne prend guère plus de 15 minutes sur un réseau routier majoritairement constitué de grands axes. On a bien sûr droit à des routes traditionnelles et quelques petites zones « urbaines » (des petits villages pour l’essentiel) et c’est d’ailleurs là que l’on prend le plus de plaisir à conduire. Dans ces moments où l’on tente des dépassements tendus, où l’on peut se faire surprendre par un virage un peu trop serré. Tout cela est encore trop léger dans Truck Driver, mais il est important de noter qu’à l’heure où sont écrites ces lignes le développeur a annoncé qu’il travaillerait rapidement sur des mises à jour (avec l’aide d’un studio externe, Kokku), pour des améliorations issues des remarques des joueurs : une map plus grande, des conditions météo changeantes ou encore des missions plus longues sont autant de pistes à l’étude. On croise donc les doigts pour que tout cela devienne réalité et permette à Truck Driver de passer le cap du jeu sympathique qu’il est pour devenir une vraie référence du genre sur consoles plutôt qu’un choix passable, recommandable faute de mieux. Si l’on note enfin qu’il est urgent d’ajouter quelques pistes musicales à un titre bien trop avare et qu’une augmentation du volume sonore à l’intérieur de la cabine serait bienvenue, Truck Driver s’avère être un jeu agréable à regarder. Il n’est certes pas exempt de bugs visuels (clipping en arrière-plan, un peu d’aliasing et quelques petits ralentissements s’observent) mais sa map d’inspiration majoritairement Nord-Européenne/Alpine offre de jolis points de vue, un peu de relief et surtout de beaux moments lors du cycle jour/nuit. Le lever du soleil avec la brume sur les plaines a quelque chose de formidable. Vraiment. Le genre de petit détail que l’on aime dans ce genre de jeu et que l’on espère voir se multiplier à l’avenir pour Truck Driver, jeu aujourd’hui bien trop timide.

4/10
Nous attentions Truck Driver avec beaucoup d’espoir et d’envie. L’espoir de voir enfin se démocratiser ce genre de simulation jusqu’ici chasse gardée du PC, l’envie que cela se fasse d’une façon marquante pour ce premier véritable essai signé Triangle Studios et Soedesco. Nous ne dirons pas que nous sommes déçus avec Truck Driver, mais il est évident que nous sommes encore loin de ce que devrait être un simulateur de poids-lourd, même si celui-ci ne s'en réclame pas à 100%. Plein de bonnes intentions, plutôt joli à regarder et pas foncièrement désagréable à prendre en mains, Truck Driver pèche en proposant une version légère, trop timide, limitée, d’une formule qui ne fonctionne finalement que lorsqu’elle s’exerce, à l’inverse, sur de grands espaces et avec un grand souci du détail. C’est là que trébuche Truck Driver, parce qu’incapable de fournir ce sentiment d’exaltation qui ressort normalement d’un jeu du genre. En sa qualité de seul représentant du simulateur de poids-lourd sur Xbox One, Truck Driver peut avoir sa place dans votre ludothèque si vous êtes ouvert et compréhensif, d’autant que les mises à jour annoncées devraient rendre tout cela plus solide. Si en revanche vous avez déjà expérimenté longuement le genre sur PC, il se peut que Truck Driver n’affiche que bien trop rapidement ses limites à vos yeux.

+

  • Un simulateur de poids-lourd sur Xbox One, enfin !
  • Environnements plutôt jolis
  • Prise en mains aisée
  • Textes en français

-

    • Map beaucoup trop petite…
    • … Pour des missions qui manquent de piment et de stratégie
    • Peu de challenge la plupart du temps…
    • … Trop pour certaines missions chronométrées
    • L'IA a pris le Code Rousseau pour du Lotus
    • Quelques bugs et des légers ralentissements
    • Bande-son archi-limitée
    • Trop peu de tout, d’une certaine façon