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30.11.2006 à 00h49 par |Source : Écrans

Affaire Rule of Rose, le jeu vidéo accusé… pour rien ?

Nous vous parlions récemment d’une éventuelle réforme du droit français concernant le jeu vidéo, visant à interdire la vente dejeuxviolents ou pornographiques aux plus jeunes en donnant une base légale au système PEGI(Pan European Game Information. Pour en savoir plus, direction le site officiel), quiclassifie par catégories d’âgetous les titres paraissant en Europe.Ce projet de lois’accompagnait d’un amendement qui, lui, proposait carrément d’interdire purement et simplement certains jeux vidéo sur le territoire français, sur la seule base de leur contenu. En réalité, cet amendement se trouve lié à une affaire bien plus complexe, en lien direct avec un jeu PS2 : Rule of Rose.

Déconseillé aux moins de 16 ans par le PEGI (16+ donc, deuxième classification la plus élevée après 18+), ce soft, développé par les studios Punchline et distribué par 505 Games en Europe, s’est retrouvé au coeur d’une polémique que personne n’aurait pu prévoir. Pour résumer rapidement, c’est tout d’abord un magazine italien, Panorama, qui a publié une critique particulièrement sévère de Rule of Rose, en dépeignant des pratiques atroces (enterrement d’une petite fillevivante, comportements pervers, etc.) que lepossesseur du jeuserait amené à pratiquer. Cela aurait pu en rester là, maisla classe politique italienne s’est emparée de l’affaire,par l’intermédiaire de Walter Veltroni d’abord, maire de Rome, puis par celle de Franco Frattini, vice-Président de la Commission Européenne. Tout deux se sont indignés du contenu "scandaleux" de Rule of Rose.Forcément, la nouvelle s’est étendue. Elle a d’abordatteintl’Angleterre, où deux grandsjournaux,le Daily Mail et le Times, se sontchargés de faire connaître la position des hommes politiques italiens.

En France,trois députés se sont distingués en attaquant également le jeu de Punchline :Bernard Depierre, Jacques Remiller et Lionnel Luca. Le premier des trois aproposé le fameux amendement cité ci-dessus, avec l’appui de ses collègues. Le texte est formulé de façon extrêmement explicite. Morceaux choisis.

"On tire au hasard sur des passants, on massacre des enfants dans des écoles, on écrase des piétons, on viole, on torture, on massacre… voilà à quoi nos enfants jouent sur leurs ordinateurs."

"L’action du jeu Rules of Rose se situe dans un pensionnat anglais dans les années 1930. Le but du jeu incarne un sadisme et une perversion inacceptables: il s’agit de violer dans les plus horribles conditions une petite fille puis de la torturer avant de la tuer dans la pire des souffrances. Celui qui aura fait preuve de l’ignominie la plus infâme, la plus répugnante, remporte la partie."

"Demandons-nous simplement comment un enfant ou un adolescent complètement immergé pendant des heures chaque jour, dans un monde virtuel fait de violence gratuite, de meurtre, de torture, sort-il du jeu? Est-il encore apte à distinguer le réel du virtuel? Le tolérable de l’inacceptable?"

De son côté, Lionnel Luca, connu pour son franc-parler,acarrément lâché, et à plusieurs reprises,dans un entretien donnéà la chaîne LCI,le terme"nazisme".

Ces réactions partent sans doute de bons sentiments (du moins on le souhaite). Seulement, il y a un hic : elles ne sont pas fondées.La polémique semble uniquementprovenir de l’article de Panorama. Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucun des intervenants cités ci-dessus ne semble avoir joué à Rule of Rose, ni même avoir assisté à une partie. Pourquoi ? D’abord parce que selon les critères du PEGI, organisme qui a prouvé son efficacité, le jeu, tel qu’il est dépeint par ces messieurs, n’aurait jamais pu obtenir la classification 16+. Ensuite parce que l’éditeur européen de Rule of Rose, 505 Games, assure dans un communiquéque son titre ne contient aucune des scènes citées par ses détracteurs et menace mêmed’intenter une action en diffamation. Déjà, Bernard Depierre semble avoir fait machine arrière, en retirant certaines des accusations faites au jeu sur son site internet. Par ailleurs, le députéaurait expliquéà un lecteur de GameKult que l’amendement n’avait que très peu de chances d’être entériné et qu’il était surtout destiné à ouvrir le débat sur le sujet desjeux violents. Un sujet qui sera traité au niveau européen en décembre lors d’une réunion extraordinaire des Ministres de l’Intérieur de l’Union, à la demande de Franco Frattini. Toujours à cause de Rule of Rose.

Le plus regrettable n’est, finalement, pas qu’un jeu apparemmenttout justemoyen provoque, sans raison valable,une polémique propre à rendre les studios Rockstarfous de jalousie. C’est surtout le fait de voir la réaction en chaîne et le torrent de critiques infondées quiont suivi la publication de l’article dans les colonnes dePanorama. Des critiques formulées par des gens qui ne maîtrisent visiblement pas leur sujet mais qui sont, paradoxalement, capables d’influer sur la distribution de certains titres. Rule of Rose semble déjà subir de plein fouet les conséquences de l’affaire : le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont refusé sa commercialisation.Lesenseignes françaises semblent, elles,encore hésiter à le proposer dans leurs rayons.

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