1st Look : Vigor
Vigor d'Hossegor
Imaginez que les choses aient dégénéré au début des années 1990. Qu’elles soient suffisamment parties en vrille pour déclencher une guerre nucléaire à l’issue de laquelle le royaume de Norvège serait le dernier bout de terre apte à accueillir le peu de misère qu’il reste au monde. C’est le cadre de Vigor et à partir de là ne cherchez plus aucun élément scénaristique ou historique : le jeu de Bohemia passe rapidement aux choses sérieuses pour ne plus les lâcher. Vigor est un jeu exclusivement multijoueur, jouable de 8 à 16 autour d’un concept mélangeant Survie et Battle Royale. Mais que ce dernier terme vous fasse bondir de joie ou au contraire tressaillir, sachez dès à présent que Vigor n’est ni Fortnite, ni PUBG ; il est lui. Certes dans un état encore incomplet au regard de ce qu’il entend proposer en termes de gameplay, mais les éléments identitaires, eux, sont là.
Après un bref passage par la case personnalisation de l’avatar et un tutoriel permettant de se familiariser avec les contrôles, on est propulsé dans une maison partiellement en ruine : c’est notre base, le point à partir duquel on organise les expéditions à venir. Différents points de la carte permettent de lancer une action, comme la gestion du stock, celle des améliorations de la base, la création d’objets ou encore l’ouverture de la carte des zones à explorer. On dispose également d’un stand de tir pour se faire un peu la main. Les menus sont relativement agréables malgré un certain manque d’explications ; rien ne vaut l’apprentissage par l’action finalement. C’est donc ici que l’on développe progressivement de quoi survivre toujours plus facilement. Par « survivre » on entend dans Vigor -à ce stade du développement- le fait de se donner la capacité de mener ses expéditions armé comme il faut et doté des bons objets pour se soigner. Tout peut se fabriquer avec les bonnes pièces. Et comme le fait de disposer de ressources en quantité suffisante permet de développer des moyens de produire mieux et plus vite des objets, la réussite ne repose finalement que sur une chose : trouver les éléments qui permettent de mettre la machine à améliorations en marche et maintenir à partir de là un cycle vertueux. Mais pour initier cela, il faut sortir le nez de la base et s’engager dans l’une des six cartes disponibles. Il n’est par ailleurs possible d’accéder qu’à deux cartes simultanément, la rotation se faisant tous les trois-quatre jours.
Dans un petit village de pêcheurs, une zone militaire à l’abandon, dans une forêt enneigée ou une bourgade typiquement norvégienne, Vigor déploie une série de cartes esthétiquement bien sentie, agréable à regarder pour un jeu du genre. Si l’on n’échappe pas à pas mal de clipping et des intérieurs pour lesquels le copier/coller est de rigueur, le rendu graphique propre (sous la neige en particulier) couplé à la beauté singulière de la « touche » scandinave rendent la découverte des six cartes particulièrement intéressante. Nombre de joueurs restreint oblige, on évolue dans des environnements aux dimensions qui le sont tout autant. L’ensemble est bien construit et après quelques heures de jeu, on commence à savoir se repérer. C’est une condition de la réussite d’une sortie dans Vigor : la préparation et la capacité à s’adapter à la situation dans ce jeu qui place le joueur en état de danger permanent. Pour chaque expédition, on est envoyé sur un point aléatoire de la carte et l’on dispose seulement de trois informations de base : la position des points de sortie, la zone au cœur de laquelle se fera à un certain moment de la partie un largage de ressources ; enfin, on sait dans quelle direction arrivera le nuage radioactif. Oui, pour chaque partie, il arrive au bout de dix minutes un nuage radioactif qui vient troubler la vue du joueur, baisser son niveau d’énergie vitale et peut entrainer la mort s’il ne se décide pas à filer vers la sortie. En connaissance de ces éléments, on part donc à la chasse aux ressources sous haute tension, sachant que l’emplacement des objets n’est jamais le même d’une partie à l’autre.
On fouille alors les maisons, les voitures, les boites abandonnées à la recherche de quelque chose d’utile. On tombe sur des munitions, des objets prêts à l’emploi mais aussi et surtout sur des éléments servant à l’amélioration de la base et diverses créations à emporter. Parfois on a un coup de chance et on tombe sur une belle réserve d’armes. Avec la menace de l’arrivée du nuage radioactif, il ne faut pas trainer et la tension est au rendez-vous. C’est qu’il faut garder quelque chose de très important à l’esprit en se lançant dans Vigor : en cas de décès, le joueur perd tout ce qu’il porte sur lui. C’est valable pour les objets lootés sur le moment, comme pour l’équipement avec lequel il a quitté sa base pour venir. L’erreur coûte très cher. Alors on peut la jouer le plus « safe » possible quand on connait un peu les lieux : on définit mentalement un périmètre autour des points de sorties, on passe à une fouille rapide et taïaut. C’est une façon de faire qui rapporte peu. Mais peu, c’est toujours mieux que rien. Cela dit, le véritable nerf de la guerre, c’est le beau pactole que promet la récupération de la caisse de ressources larguée à chaque partie. Il n’y en a qu’une, elle rapporte un maximum. L’ennui, c’est qu’elle attire forcément les convoitises, le regard et les armes des autres joueurs et sauf concours de circonstances favorable, il est impossible de partir avec ces ressources sans combattre.
L’essentiel du temps, on ne dispose d’aucune information sur la présence ennemie. Pas de point sur la carte, pas d’indice particulier. On évolue dans un silence assourdissant, troublé seulement par le son des coups de feu : au mieux ce sont deux joueurs qui s’entretuent et l’on arrive alors à avoir une idée de leur position pour peut-être mieux les éviter. Au pire, on a été repéré. Dans ces conditions difficiles forçant le joueur à observer avec attention son environnement, tenter de récupérer la caisse de ressources spéciale rajoute une dose importante de tension. Certains joueurs convergent vers la zone de largage tandis que d’autres vont peut-être tenter de tendre une embuscade près d’un point de sortie. Au risque de ne pas être au bon endroit, mais c’est le jeu. Une fois qu’un joueur a récupéré les ressources larguées, sa position va alors apparaitre ponctuellement sur la carte, faisant du camping prolongé pour celui-ci une option à mettre tout de suite à la poubelle. Il faut fuir, brouiller au mieux les pistes en changeant régulièrement de direction et à un moment donné peut-être devoir sortir les armes.
Le combat n’est pas toujours une obligation dans Vigor et c’est plutôt une bonne chose car on touche ici à l’aspect du jeu qui est pour l’heure le plus rebutant. Avec ses pistolets, fusils d’assaut, à pompe et autres mitraillettes légères typés années 1990, Vigor assure l’essentiel du côté du choix de l’armement. Avec les bonnes ressources on peut rapidement se mettre à la conception de munitions et d’armes, chose essentielle lorsque l’on a peut-être perdu une bonne partie de l’équipement gracieusement mis à disposition au début du jeu. Mais que ce soit en vue TPS classique ou en passant par l’option FPS d’une simple pression sur le stick analogique droit, les gunfights manquent à l’heure actuelle de précision, d’impact. Bref, de fun. Assez rigides, les contrôles comme les animations de Vigor donnent lieu à des affrontements difficiles à manœuvrer et débouchant sur un résultat qui, favorable ou non, laisse une impression étrange, le sentiment que ce fut la loterie. Puisque l’on traverse le rayon des reproches, on peut parler (en gardant à l’esprit que le jeu est en cours de développement) des nombreux bugs de collision qui nous ont amenés plusieurs fois à être coincés dans un meuble à peine fouillé ou à ne pas pouvoir escalader un petit obstacle, l’animation ne voulant pas de mettre en marche. Il est également urgent de revoir le pointage des objets qui force à placer sa vue au millimètre près pour pouvoir interagir avec une porte ou un meuble. On est déjà bien assez stressé comme ça.