Conférence Microsoft E3 2007 : le petit coup de mou
Une tension vite retombée
Le show avait débuté à l’heure à Santa Monica. 20H31 heure locale : un groupe entamait une reprise rock du thème de Halo, pour chauffer la foule. Soirée rythmée en perspective, du moins le croyait-on. C’est le moment que choisit Peter Moore pour faire son apparition et asséner la nouvelle : tous les jeux de la soirée arriveraient d’ici la fin de l’année. Conséquence directe : on ne verrait que peu de nouveautés ce soir. Pourquoi ? Tout simplement parce que les grosses productions Xbox 360 de fin 2007, on les connaît depuis un bail. Repoussés ou prévus depuis longtemps, les blockbusters tels qu’Assassin’s Creed, Bioshock, Halo 3, Lost Odyssey, Mass Effect, Naruto, PGR 4 ou encore Splinter Cell Conviction ont tous déjà été disséqués par la presse. Pire : tous avaient fait l’objet de présentations ou d’annonces l’année dernière, lors de… l’E3 ancienne formule, mais aussi du X06 espagnol. L’impression de redite a donc été relativement forte au cours d’une conférence qui aura duré 1H30, mais qui n’aura rien proposé de franchement nouveau.
La volonté de Microsoft était de prouver que son portfolio était du genre trop large pour passer les portes. En conséquence, tous les secteurs ont été envisagés, de la gamme Games for Windows aux nouveautés grand public censées concurrencer la Wii, en attirant les casual-gamers peu habitués à prendre une manette en main. Le plan made in Microsoft pour mieux vendre la 360 à ce type de public, c’est Scene It ?, un soft inspiré du jeu de société éponyme mais qui est accompagné d’une nouvelle manette, qui reprend le principe de la télécommande, déjà exploré avec la Wiimote. Orné d’une splendide boule de couleur vive, l’engin ne devrait pas faire exploser le prix du jeu, puisque ce dernier sera commercialisé au tarif habituel des softs 360 accompagné de quatre contrôleurs. Evidemment, on imagine déjà toute une stratégie pour exploiter au mieux ce pad, recette magique pour attirer mémé et papy sur la console. Cela suffira-t-il ? En tout cas, les "plans" dont nous parlaient le constructeur plus tôt cette année ont sans doute été en grande partie dévoilés ce soir, et on attend de les voir en action, puisqu’ils seront déterminants dans l’avenir de la guerre des consoles. Redmond mise également sur plusieurs nouveautés XBLA, même si, jusqu’à présent, l’expérience à montré que le service ne suffisait pas, à lui seul, pour faire pencher les casuals. Naruto serait aussi un outil de cette manoeuvre de réconciliation avec le grand public. Soit. Le jeu d’Ubisoft ne pourra pas non plus, à lui seul, changer la situation, mais il a du potentiel. Il sera aidé dans sa tache par un nouveau Viva Pinata, orienté Party Game, comme on s’y attendait.
Dans l’ensemble, on a bien vu que Microsoft mettait les chances de son côté pour se faire une place dans le monde des consoles qui n’attirent pas que le hardcore gamer des familles. Pour Redmond, il faudra assurer niveau communication pour changer les idées reçues et mettre en valeur ses productions. Ce n’est pas gagné d’avance, vu l’ambiance dans laquelle s’est effectuée l’annonce Scene It ?. Microsoft n’est pas Nintendo, c’est à présent un fait connu.
Passé cette séquence "je m’ouvre à toi, marché de masse", qui, en toute logique, ne passionnait pas vraiment le joueur avide de grands RPG et de jeux d’action, il y avait un autre moment d’anthologie, à savoir le passage en revue des chiffres habituels. Une vingtaine de minutes résumée en quelques points essentiels : 7 millions d’abonnés au Xbox Live, 10 millions d’ici un an. Les licences les plus vendues de la précédente génération de consoles sont toutes sur 360 (Madden, Halo et GTA). La Xbox 360 est la console la mieux installée aux Etats-Unis, c’est elle qui fait vendre le plus de jeux, etc. Bref, rien qu’on ne pouvait deviner avant.
Pour continuer de séduire le public, Microsoft n’a pas uniquement des jeux à proposer, mais aussi son service de VOD, qui marche fort aux Etats-Unis, seule région du monde où il existe pour le moment. Oui, ce service arrivera en Europe (et au Canada) avant la fin de l’année. Oui, l’Elite, la console qui va avec, l’accompagnera, et sortira le 24 août chez nous. Encore une fois, rien de nouveau, tout cela n’est que confirmation. La grosse nouveauté, et là, le coup est joli, c’est que Microsoft a réussi à s’assurer de la présence des grands classiques des studios Disney sur le marketplace, un atout d’importance dans sa poursuite de popularité.
"Tout part des jeux"
Il a raison, Shane Kim : tout part des jeux. Malheureusement, dans la nuit de Santa Monica, Microsoft s’est contenté de montrer un peu plus de choses que ce qu’on avait déjà vu : des séquences – fort jolies – de gameplay de Project Gotham Racing 4 et Call of Duty 4, des trailers inédits de Mass Effect (bizarrement montré au début), Lost Odyssey et Resident Evil 4 (tiens, un jeu de 2008, le seul sans doute), une démo d’Assassin’s Creed avec Jade Raymond, décidément dotée du don d’ubiquité (notez le jeu de mot) ces derniers temps. Du nouveau donc, et du bon, mais en même temps, toujours cette curieuse sensation de retenue, un sentiment d’un rythme inégal, d’une conférence qui se cherche. Au milieu de tous ces jeux déjà annoncés, Cliffy B tentait de nous faire envie avec du gameplay pour Gears of War PC et ses quelques missions inédites, reste que le soft est maintenant sorti il y a neuf mois et qu’on savait son portage imminent.
Déjà la fin. Comme à son habitude, Microsoft terminait le show avec une vidéo Halo. C’était le trois, cette fois-ci, dans ce qu’on appellera un medley de cut-scenes et séquences de gameplay, malheureusement un peu trop mou pour s’en contenter. Du gameplay mené sur scène par quelques développeurs aurait sans doute eu beaucoup plus d’impact, d’autant que le jeu, à deux mois de la sortie, doit à présent être parfaitement jouable.
Dans l’ensemble, le programme aura donc été léger, par rapport à ce qu’on aurait pu attendre d’une conférence E3. Il n’y a qu’à voir ce que Microsoft proposait l’année dernière pour s’apercevoir qu’on tourne, un an après, toujours autour des mêmes projets : les deux extensions pour GTA, Halo 3, Assassin’s Creed, Mistwalker, etc. Et quand Peter Moore, presque penaud, proposait de revoir le trailer de GTA IV déjà disponible depuis plusieurs jours, on réalisait qu’on assistait plus à la présentation d’un catalogue plutôt qu’à une conférence spectaculaire et sexy. Des trailers de qualités inégale, un rythme peu soutenu et une terrible sensation de déjà-vu, Microsoft nous avait habitués, les années précédentes, à des prestations plus enlevées, moins fouillies et davantage portées vers l’avenir.
C’est un jeu dangereux que joue le groupe américain. Par rapport à Sony notamment. L’éditeur nippon a encore beaucoup de choses à montrer, et sa conférence risque fort d’être bien remplie. De plus, la PS3 garde pour l’instant ses deux colossales exclusivités (Metal Gear et Final Fantasy) et diminue son prix de 100 dollars aux Etats-Unis. A cela, Microsoft n’a apporté aucune réponse.
Comment expliquer le choix du constructeur américain ? Tout d’abord, l’importance cruciale de la fin 2007 pour le marché du jeu vidéo. Les grosses licences sortent, Microsoft dispose sur cette période du meilleur line up qu’il n’ait jamais eu, et se devait de le mettre en valeur. Avec une grosse quantité de jeux à mettre en avant, il restait sans doute peu de place pour les projets en préparation pour 2008, dont certains attirent déjà les regards (Too Human, à priori confirmé pour l’année prochaine, mais aussi Fable 2, Alan Wake et Halo Wars). Il y a aussi la grande réforme de l’E3, qui n’est, il ne faut pas l’oublier, plus ce qu’on a connu. Le show de cette nuit, moins tape à l’oeil, plus tranquille, suit la tendance. Peut-être que, comme Tecmo qui a carrément décidé de ne pas venir cette année, Microsoft a senti qu’il n’était plus nécessaire (ou plus rentable) d’en faire trop face à un public moins nombreux et moins demandeur. Il n’en demeure pas moins que cette stratégie est risquée. Toujours très suivi sur le net, l’E3 est encore susceptible de fournir une tribune aux concurrents Nintendo et Sony, si ces derniers ont dans leurs manches les atouts nécessaires.
Finalement, Microsoft adopte peut-être un plan de bataille à deux vitesses : à l’E3, on capitalise sur 2007 pour mieux mettre en valeur d’autres jeux lors du X07, qui ne manquera pas de se tenir, comme chaque année, quelque part en Europe. Il reste également la Game Convention et le Tokyo Game Show, qui serviront d’étapes importantes entre ces deux événements.
Ces éléments pris en compte, on peut comprendre que Redmond n’ait pas souhaité balancer du scoop à tout va. Le constructeur n’en a foncièrement pas besoin en l’état actuel des choses. La déception relative du moment ne doit pas faire oublier le formidable portfolio de jeux qui arrive dans les mois qui viennent. Et puis attendre constamment des nouveautés et des news fracassantes, c’est tout simplement oublier qu’il devient de plus en plus difficile de préserver des informations, avec la circulation des nouvelles sur le net, qui privilégie les infos quotidiennes au détriment des grands événements. Après tout, Microsoft a montré Halo, Mass Effect et les autres, et l’ensemble a fière allure. Ce qu’on regrette, c’est sans doute que cela a été fait sans grand dynamisme, presque avec retenue, et que dans un marché évoluant aussi vite que celui du jeu vidéo, ne pas parler de l’année suivante, c’est ne pas parler de demain. Microsoft doit s’en rendre compte. La bataille ne s’arrête pas le 31 décembre 2007, loin de là.