Jeux

Fable II

RPG | Edité par Microsoft Studios | Développé par Lionhead

4/10
360 : 24 octobre 2008
23.10.2008 à 23h57 par |Source : http://xbox-mag.net

Test : Fable II sur Xbox 360

Fable, ou l’un des jeux le plus controversés de la génération précédente : Etait-ce un excellent action-RPG enchanteur à souhait, à l’expérience unique, ou le Project Ego mutilé qui a déçu beaucoup de monde suite aux promesses faramineuses mais non tenues de Peter Molyneux qui nous ont fait longtemps rêver ? La suite est enfin entre nos mains, et cette fois-ci avec des promesses plus mesurées que le designer anglais a tenu à respecter de bout en bout, afin de faire de ce Fable 2 ce qu’aurait dû être Project Ego au départ. La Fable peut (re)commencer. Sera-t-elle belle ?
Molyneux : « Jouez à Fable 2 avec une personne qui n’est pas un hardcore gamer, juste pour voir comment elle réagit »

Attention, spoilers sur le début de l’histoire dans les deux premiers paragraphes

Dès le début de Fable 2, on se rend compte que la volonté de Molyneux de simplifier le jeu à outrance n’était pas un nouveau coup de bluff. Sitôt arrivé sur le menu du jeu, peu d’options sont accessibles. Un petit coup sur « Nouvelle Partie » et nous voilà lancés, à travers une très belle cinématique en images de synthèse, dans un Albion qu’on survole aux côtés d’un moineau avant d’atterrir sur l’une des nombreuses maisons de Bowerstone. Là, une sublime transition au parfum de guano introduit le héros, ou l’héroïne, immédiatement affublé du surnom « Moineau ». On fait la connaissance de Rose, notre grande sœur dont on est visiblement très proche. Mais la vie n’est pas rose, justement : nos deux enfants sont des mendiants aux rêves inaccessibles. Soudain, une mystérieuse et sombre bohémienne surgit et laisse entrevoir un futur plus douillet. Y accéder serait aussi simple que d’activer une petite boîte à musique. Les choix qu’on effectue alors pour obtenir l’objet sont déjà décisifs. C’est le destin et il est irréversible, tellement qu’on ne pourra même pas y revenir, étant donné que Fable 2 ne propose qu’un seul slot de sauvegarde. Peter Molyneux nous l’avait confié : il veut qu’on ne joue à Fable 2 qu’une seule fois. Les conséquences des décisions prises doivent être assumées jusqu’au bout. Un choix de design ingénieux, qui incite à vivre le jeu au jour le jour, comme le souhaite son auteur, ou bien une gêne pour qui voudrait changer son destin ? Comme souvent, il y aura polémique.


De fil en aiguille, on se retrouve avec la fameuse boîte musicale dans les mains, et effectivement le miracle s’accomplit. Mais il est de courte durée. Un destin funeste attend Rose, dont le seigneur Lucien nous sépare brutalement, contre toute attente. Grièvement blessé, on est emmené en lieu sûr par la mystérieuse bohémienne. L’enfance, grand didacticiel, s’arrête ici. Les années passent… On se retrouve dans un campement gitan, une dizaine d’années après les malheureux événements de Bowerstone. On est désormais devenu un adulte robuste, prêt à défier le monde et surtout se venger de Lucien, dont les ambitions sont devenues de plus en plus démesurées et nuisent à Albion. Dès ses premiers pas, on remarque le soin particulier accordé aux détails : le petit campement de gitans grouille de vie, entre les poules qui caquètent, les gitanes qui se déhanchent au coin du feu sous les applaudissements des hommes charmés par le spectacle, les feuilles et les herbes qui s’agitent au gré du vent, les champignons, les fougères qui parsèment le sol, les arbres gigantesques que l’on croirait plantés là depuis toujours, les roulottes travaillées dans le bois. La touche Lionhead, que l’on avait plus qu’appréciée dans le premier Fable, est toujours omniprésente, de même que la sensation de vie qui se dégage du soft. Voir tout ce petit monde vaquer à ses activités est plaisant, tout comme la nuit qui finit par tomber, pour peu qu’on ait pris le temps de tout voir, tout entendre. Malheureusement, on ne peut pas rester indéfiniment dans ce charmant cocon, il faut déployer ses ailes de moineau et parcourir les chemins escarpés du pays.

Fable 2 ou Nintendogs ?

Sitôt les portes du foyer d’accueil franchies, il faut se rendre une nouvelle fois à l’évidence : le travail de Lionhead sur les décors est monstrueux. On découvre une zone immense, assez similaire à celle que l’on pouvait découvrir dans Oblivion une fois sorti de la prison du début du jeu. Une impression toutefois assombrie par retards d’affichage de textures parfois violents, et un effet de flou un peu envahissant. Mais qu’importe, on commence à s’ébattre aux côtés de notre meilleur compagnon : le chien. Une nouvelle fois, on est en pleine phase d’émerveillement et d’admiration. Voir comme il réagit à nos expressions, il s’élance et il court est un pur bonheur. Ce petit animal n’est pas juste là pour décorer et faire le beau, il est parfois très utile et s’avère être un allié de poids (pour guider, dénicher des trésors et aider au combat entre autres).

Monde riche ou limité ?

Comme toujours, les bonnes choses ont une fin. Au moment même où l’on souhaite commencer à explorer ce petit monde, qu’on croirait sorti d’un conte de fées, on commence à se heurter à des murs invisibles. Pas moyen de franchir la moindre petite marche de quelques centimètres de hauteur. Bref, on est libre, mais pas tellement, souvent guindé dans un univers qu’on peut contempler mais avec lequel il est parfois dur d’interagir. Et ce sentiment est encore plus flagrant quand on emprunte des sentiers dont il est impossible de s’écarter. Regrettable que l’on n’ait pas davantage de carrefours, de petits sentiers, de terrain explorable. Des zones comme ça, il y en a, oui, mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Le monde d‘Albion, aussi charmeur soit-il, n‘est pas aussi vaste que l‘on pouvait l’espérer.


Mais qu’importe, on continue l’épopée, le sourire aux lèvres. Tiens, des bandits patibulaires surgissent du petit bois tout proche. Prenant son courage à deux mains, on dégaine épée et pistolets pour s’élancer dans la mêlée. Le touche X sert aux attaques au corps à corps, Y est assigné au tir à distance et B invoque la magie. Le système inventé par Lionhead est tellement instinctif que les coups sortent immédiatement, sans effort. Mais, et c’est important, on remarque rapidement qu’il est aussi très évolutif. Pour les armes de mêlée, on peut débloquer des parades, coups puissants (avec une pression sur X) ou même des roulades. Pour ce faire, il faut accumuler les petits orbes d’expérience qui sortent de vos victimes en appuyant sur la gâchette droite. Des petites boules lumineuses qui se décomposent en quatre catégories : l’expérience générale (vert), la force (bleu), l’adresse (jaune) et la volonté (rouge). Si on privilégie les combats à distance, on a plus de chances de progresser en adresse, et il en va de même pour les autres secteurs de compétences. Dommage qu’il faille toutefois attendre la fin du jeu pour enchaîner les combos dévastateurs, les magies surpuissantes et les tirs de précision qui égayent des combats d’une facilité parfois déconcertante (tout comme dans le premier Fable), étant donné l’IA faiblarde et l’impossibilité de mourir. Au pire, on perd l’expérience que l’on n’a pas encore ramassée au sol. On a vu pire comme punition : Fable 2 est un soft qui offre un « challenge » (si on peut parler de challenge) très différent de ce dont on a l’habitude.

Magnat de l’immobilier ou crapule ?

Nous voici devant les « portes » de Bowerstone, cette ville chargée d’histoire et de tristesse. On s’avance en pensant pouvoir admirer la ville de près, tout en étant impressionné par les murailles qui se font de plus en plus menaçantes en se rapprochant. Que nenni ! Bonjour le chargement d’une quinzaine de secondes (présent lors de tous les changements de zones, lesquels sont plutôt fréquents). Dommage pour le dépaysement et surtout pour le confort de jeu. Mais qu’à cela tienne, Bowerstone, une fois atteinte, regorge de possibilités. On doit gagner des sous ? Pas de problème, le forgeron embauche, de même que le barman. Et c’est parti pour des mini-jeux façons QTE. Plus on accumule les heures de travail productif, plus le multiplicateur d’or augmente, et plus on s’enrichit. Simple, très simple même, mais bizarrement très addictif.

Allergique aux travaux manuels ? On peut aller jouer aux cartes et à la « roulette » locale. On rêve de devenir magnat de l’immobilier ? Il est possible de racheter et louer l’intégralité des bâtiments, puis de percevoir des loyers qui tomberont même quand la console sera éteinte. Et pour les plus fourbes, tuer les occupants d’une habitation en toute discrétion (après leur avoir discrètement volé leurs plus précieux biens, évidemment) permet de diminuer la valeur de celle-ci et de la racheter pour une bouchée de pain.


Quid des habitants du bourg ? Ils permettent de parvenir à ses fins, qu’elles soient honnêtes ou au contraire diaboliques. Une âme angélique se démènera pour enthousiasmer la foule avec des expressions qui les feront mourir de rire ou qui les épateront. Mais le meilleur moyen de se faire une réputation dans Albion, c’est de faire des quêtes, secourir la veuve et l’orphelin en détresse pour que son surnom résonne dans toutes les villes du pays ou que sa statue s’érige sur toutes les places. Plus on est reconnu, plus on est couvert de cadeaux par les habitants qui offrent des réductions à tout va sur leurs produits. Les fans s’accrochent, à tel point qu’il est parfois difficile de s’extraire de cette marée humaine, telle une rock star qui veut échapper à ses groupies en délire.

Il est évidemment aussi possible de massacrer tout ce beau monde, et de devenir le seigneur d’une ville sans aucune populace. Le règne de la terreur peut aussi être gratifiant, à sa manière. Le jeu laisse entièrement le choix. Fondamentalement, le monde de Fable 2 ne change pas selon nos actions, ou seulement lors de moments spécifiques et scriptés. C’est surtout l’univers qui modifie sa perception vis-à-vis de notre héros, et c’est déjà suffisant pour être, parfois, admiratif de ce dynamisme peu commun dans un jeu vidéo.

Testeur sévère ou permissif ?

Dans cette foule de choses à faire, on n’oubliera pas le coop, peut-être un peu moins central que prévu (il n’y a pas tellement de choses incroyables à faire à deux), mais bien intégré et plaisant, malgré quelques limitations (caméra, utilisation de son personnage). Le plaisir vient surtout de la découverte de l’univers de l’autre.

Le message a été longuement martelé : « Vos actions auront des conséquences ». Des choix qui peuvent parfois transformer Albion, il y en a, certes. Mais ils sont loin d’avoir la portée que l’on imaginait. Pour faire court et concis (et sans spoiler), à certaines périodes de la vie du héros, dont le passage de l’enfance à l’âge adulte, des « coupures » se font et le monde se transforme, en votre absence, selon les décisions prises auparavant. Aider la justice à se débarrasser de certains bandits a ainsi un impact. De même pour le développement d’une ville délabrée qui peut devenir agréable et paisible. Mais pour ceux qui imaginaient un monde vivant, qui se transforme en temps réel, la redescente sur terre est assurée. Les changements restent très agréables, mais trop peu nombreux pour réellement en profiter. C’est certainement un des points qui aurait gagné à être développé, tout comme le côté vestimentaire et armement.

Malgré la richesse de Fable 2, on a tendance à en vouloir toujours plus : les régions sont peu nombreuses, l’équipement limité, de même que l’aspect technique du jeu, qui est loin d’être un mètre-étalon en la matière sur Xbox 360 (inutile de lister les problèmes, il y en a beaucoup, plus ou moins acceptables). Toutefois, de telles carences s’envolent comme les feuilles qui tombent des arbres en automne à Oakfield, bercés par le vent. Fable 2 est l’une de ces aventures qui prend aux tripes et dont on profite du début à la fin et même après, puisque après la fin – plus que surprenante d’ailleurs – on peut toujours se balader à loisir et profiter du monde, avec de nouvelles quêtes et celles qu’on aurait manquées, tellement pressé de connaître le mot fin de l’histoire.

Fable 2 n’est pas le Project Ego sur lequel nous fantasmions et sur lequel on continue de fantasmer, mais il est, à l’instar du premier dont il reprend les grandes lignes, une aventure prenante et unique en son genre. On se balade dans Albion de la même façon qu’on lisait plus jeunes les romans « dont vous êtes le héros », en étant émerveillés de la réactivité du héros et du monde qui l’entoure. Ceux qui ont adoré Fable plongeront à nouveau dans ce conte numérique, au point de s’y immerger totalement et de chercher chaque détail pensé par Lionhead. Les autres risqueront d’être une nouvelle fois déçus. Reste que Fable 2 est un jeu particulier, qui, bâti sur une tonne de petites choses à priori sans intérêt, se forge un vrai fond, et devient vraiment attachant. Peter Molyneux et son équipe n’ont pas forcément atteint leur but, mais une quête si ambitieuse mérite qu’on s’y intéresse, aussi imparfaite soit-elle.

+

  • L’idée du coop
  • La quantité et la cohérence des fameux à-côtés à la Fable
  • L’interaction avec les personnages non joueurs
  • Les combats très prenants et évolutifs au fil de l’aventure
  • L’idée du chien en guise de compagnon
  • Un design toujours aussi unique
  • Un monde féerique, enchanteur au possible
  • Musiques et dialogues

-

    • Trop peu de tout (villes, quêtes, armes etc.)
    • Une technique parfois franchement à la ramasse
    • Quelques options pas vraiment pratiques
    • Les limites du gameplay, très particulier