Test : Deadly Premonition sur Xbox 360
Greenvale… Mais dans quel genre de coin perdu se retrouve l’agent spécial du FBI, Francis York Morgan ? Et pour être spécial, il l’est. D’ailleurs nous commencerons par l’appeler York, c’est comme cela que tout le monde l’appelle. Le héros de Deadly Premonition est de ces personnages qui mériteraient un article à eux tous seuls. A l’heure où de nombreux jeux introduisent des personnages qui sont là comme de simples avatars, des hôtes pour accueillir le joueur, Deadly Premonition fait tout le contraire en introduisant le héros le plus bavard de cette génération. Jeune, faisant preuve d’un flegme que lui envierait Roger Moore, sérieux, sarcastique et aussi souvent drôle, il est le parfait cliché de l’agent fédéral que la population de cette bourgade sauvage se plait à détester. York a deux compagnons avec lui, et il ne les quitte jamais : il y a sa cigarette, aussi souvent proche de sa bouche qu’elle pouvait l’être de Serge Gainsbourg, et puis il y a Zach. Mais qui est-il ? Difficile à déterminer du début à la fin du jeu. York parle souvent à Zach, lui fait part de ses remarques sur ce qui se passe, n’oublie pas de lui demander son avis sur tout ça et plus encore. Rien d’original si ce n’est que York est manifestement le seul à voir Zach. Un ami imaginaire, un autre York, le joueur ? Zach est partie intégrante du casting. Ces monologues ponctuent le jeu du début à la fin, pendant les phases de jeu principales comme dans les moments de libres pérégrinations à travers le conté de Greenvale. C’est d’ailleurs à l’occasion de ces trajets en voiture que York se lance à corps perdu dans ses discussions avec lui même, évoquant le cinéma, la musique, de manière très détaillée : année de sortie du film, distribution, bande-son… Ces films, connus pour la plupart, se trouvent ainsi disséqués, comme s’il y avait débat avec quelqu’un. C’est là le premier point fort de Deadly Premonition : on est captivé par ces banalités, on finit même par avoir envie de répondre à certaines remarques. Le personnage de York s’impose de suite comme un élément fort du jeu, et ses monologues, en parfait accord avec sa personnalité, y contribuent grandement.
Un personnage tellement passionnant qu’on en oublierait presque la raison de sa présence ici. Un meurtre a été commis à Greenvale : une jeune femme est retrouvée éventrée, dénudée et accrochée à un arbre. York est en route vers la petite ville rurale et sous une pluie battante, en pleine nuit, il perd le contrôle de son véhicule. Plus de peur que de mal mais il doit continuer à pied. C’est alors que vont commencer ses ennuis avec cet étrange lieu qu’est Greenvale, et c’est à ce même instant que se confirment les aspects les plus effrayants du jeu, déjà pressentis à la seule vue de l’introduction. Deadly Premonition est techniquement d’un autre âge, de nombreux jeux de la génération précédente n’auraient pas à rougir face à cette piètre prestation. Le choc est réellement fort : les textures sont hideuses, les décors sans aucune inspiration et grossiers, l’aliasing pique les yeux…Même le principe d’échelle, notamment lorsque cela concerne des personnages dans des véhicules, n’est pas respecté. Le constat est alarmant et à aucun moment Deadly premonition ne saura proposer quelque chose qui puisse être qualifié de graphiquement beau, ou tout simplement passable. Et comme cela va souvent de paire avec les graphismes, les animations des personnages sont elles aussi dépassées, le plus flagrant s’observant durant les discussions entre les protagonistes qui font le classique tour sur eux-mêmes pour se placer avant de parler, ou qui haussent les épaules jusqu’au dessus de leur tête pour montrer leur incompréhension. Tout cela fait vieux, trop vieux. Et ça ne s’arrête pas là, puisque cette première sortie en forêt marque le début d’un autre souci : la maniabilité. York se contrôle peu ou prou de la même manière qu’un Leon de Resident Evil 4, avec le stick gauche seulement donc, sans possibilité de contrôler librement la caméra et, pour que la comparaison soit parfaite, il est impossible de tirer en marchant. Certes il est possible de faire des pas de côté mais cette fonction, idéalement placée sur les gâchettes hautes, se révèlera vite peu pratique et tombera aux oubliettes. Le parallèle entre les deux jeux se retrouve également dans la gestion de l’inventaire, désuète. Et que dire de la carte, aussi embêtante à consulter qu’une vraie. La maniabilité n’est pas réellement mauvaise en soi, mais elle est d’un archaïsme difficile à digérer au jour d’aujourd’hui et d’autant plus ennuyeuse que les combats représentent une part importante de l’aventure.
Les visiteurs en Amérique
Le déroulement de Deadly Premonition peut se diviser en trois grandes parties : l’enquête policière classique, la libre exploration de Greenvale et l’enquête dans l’autre monde, celui du paranormal. Prenons cette dernière car c’est cette phase de jeu qui suit l’accident de York et elle est la principale raison de tous les griefs qui ont pu être cités précédemment. Pour tenter de retrouver l’assassin de la jeune femme, York va être amené tout au long de son aventure à explorer différents lieux à la recherche d’indices. Mais n’attendez pas d’enquêtes basées sur une recherche minutieuse d’éléments, ces phases de jeu sont axées sur les combats. Lorsque York pénètre dans ces lieux, il entre dans un autre monde, sombre et glauque, et peuplé de zombies à qui il devra offrir le repos éternel pour avancer et découvrir les indices lui permettant d’établir un profilage. Nous retrouvons donc les faiblesses de cette maniabilité archaïque : beaucoup de combats, surtout dans la deuxième moitié du jeu, qui deviennent ennuyeux à la longue à cause de ce manque de souplesse des commandes. Mais surtout, c’est la résistance incroyable des ennemis qui rendent ces moments terriblement longs. Ils peuvent encaisser des quantités hallucinantes de balles, plusieurs tirs à la tête, et continuer de se relever comme si de rien n’était ! Un certain ennemi, heureusement très rare, peut demander plusieurs minutes avant d’être abattu. Phases d’autant plus ennuyeuses que ces combats restent paradoxalement d’une grande facilité, les zombies sont très lents et le choix du niveau de difficulté influe seulement sur la résistance de ceux-ci. Vous l’aurez compris, il est plus que recommandé de mettre sa fierté de côté et jouer à Deadly Premonition en mode facile et ainsi s’assurer une progression un poil plus dynamique qu’en normal ou difficile.
Et puis au milieu de ces zombies, qui durant certains passages apparaissent à l’infini et accentuent encore un peu plus la longueur des combats, York rencontrera parfois celui qui semble être à l’origine de ce meurtre et du chaos paranormal qui l’entoure. Les apparitions du tueur à l’imperméable sont synonymes des phases de jeu différentes des combats classiques contre les zombies : des Quick Time Event (aussi court qu’ils sont sournois et signent souvent votre arrêt de mort les premiers temps), des courses poursuites à pied dans lesquelles York est la proie et où le matraquage de stick façon Track & Field apporte encore un peu sa touche d’archaïsme…Et enfin, le jeu du cache-cache pendant lequel York se terre pour échapper au tueur. Ces rencontres sont autant des moments de retour dans le passé d’un point de vue du gameplay qu’ils sont des instants de tension extrême qui dynamisent le rythme bien trop lent de la progression classique dans ces couloirs qui semblent parfois ne plus finir. Mais ces passages dans le monde parallèle de Greenvale sont bel et bien des enquêtes qui feront avancer l’intrigue : trois ou quatre objets clés sont dispersés dans les méandres de ce monde et à chaque fois que York en retrouve un, le profilage, présenté sous forme d’une courte série de diapos, se fait de plus en plus clair. Une fois l’ensemble des indices retrouvé, notre agent très spécial obtient un profilage complet et découvre les évènements qui ont eu lieu ici. On regrette alors que la recherche d’indices n’implique pas plus le joueur, par des énigmes par exemples. Ici il s’agira simplement de ramasser un objet ou d’observer un élément…entouré d’un halo rouge qui le rend immanquable. C’est sur ce monde paranormal que s’ouvre Deadly Premonition, un choix hasardeux qui ferait fuir les joueurs les plus courageux. Mais lorsque York s’extirpe pour la première fois de ce monde et retrouve la lumière, c’est une des plus belles histoires de cette génération qui démarre.
Deadly Twin Wake
Vous êtes en droit de vous demander : pourquoi tant de bruit autour de ce jeu ? Il est techniquement raté, a plus de cinq ans de retard au niveau de son gameplay et puis même sa bande-son ne restera pas dans les annales. Elle peut plaire certes, son thème principal sur fond de guitare acoustique par exemple est agréable…L’ennui c’est que les différentes musiques sont bien peu nombreuses et très étrangement assemblées au reste : il n’est pas rare de passer d’un thème sérieux, caractérisant un instant grave, à une musique beaucoup plus légère sans aucune transition, aucun lien logique. Alors, que reste-t-il à Deadly Premonition ? Tout simplement ce que la trop grande majorité des autres ne proposent presque plus : des émotions. Greenvale est un lieu mystérieux, mystique, où chaque évènement survenu se veut plus étrange que le précédent. Ancienne bourgade prospère, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, vivant avec un certain décalage vis-à-vis du monde qui l’entoure et vous comprendrez dès le début que quelque chose ne va pas. Bien entendu, comment pourrait-on trouver normal un lieu que l’on a découvert comme infesté de créatures d’outre-tombe ? Mais l’étrangeté se situe ailleurs, elle gît dans ce qui d’apparence est censé être le monde normal et l’enquête de York va révéler peu à peu un monde où tout n’est qu’apparence, où la frontière entre le bien et le mal, le mensonge et la vérité ne tient qu’à un fil. La découverte de Greenvale, de ses habitants et leurs drôles d’habitudes, évoquera à de nombreux joueurs l’œuvre de David Lynch, Twin Peaks. Difficile de ne pas voir en Deadly Premonition le résultat d’une passion dévorante pour la série, à tel point qu’on a l’impression au début de jouer son adaptation vidéo-ludique. Le détachement s’opère progressivement et Deadly Premonition s’offre à vous comme un hommage à Twin Peaks et non comme un vulgaire plagiat. Difficile également de ne pas penser à Alan Wake et surtout ce qu’il aurait du être au commencement du projet, une enquête passionnante dans un monde ouvert. Les parallèles sont nombreux mais Deadly Premonition n’en est pas moins unique.
L’univers de Deadly Premonition est en tous points passionnant. On retrouve un rapport à la symbolique très fort, que ce soit dans les objets, l’environnement ou les situations, et déclencheur de mille et une interrogations, qui fait que l’on se demande peu à peu ce qui est le plus étrange dans cette ville : le monde parallèle peuplé de zombies ou plutôt le monde réel et ses habitants ? Tous ces personnages secondaires sont des expériences à vivre à part entière, chacun ayant un trait de folie qui lui est caractéristique, chacun possédant quelque chose qui vous renvoie à ses secrets les plus intimes, ses vices les plus inavouables. Ils sont un élément essentiel du jeu et contribuent à leur manière à une immersion du joueur toujours plus forte. Il y a d’un côté les trois personnages qui vous accompagneront le plus souvent dans vos aventures : le shérif Georges, subtil mélange entre Chuck Norris et Danny Trejo (Machette), la belle adjointe de Georges, Emily, et enfin Thomas, l’archétype du policier débutant, timide et droit comme la justice. Le déroulement de l’aventure, les très nombreuses discussions entre ces personnages et York entrainent des rapports de plus en plus intimes avec certains, alambiqués avec d’autres, et sont un véritable régal. Les doublages sont très bons, les voix collent parfaitement aux personnages en dépit de leur modélisation datée (bien que supérieure au reste du jeu). Au fil de l’aventure, on éprouvera une série de sentiments à l’égard de ces trois personnes particulièrement : de la sympathie, de l’agacement, de la joie et de la tristesse. Et les autres personnages secondaires ne sont pas en reste, chacun menant sa petite vie, chacun étant très différent de l’autre et bénéficiant aussi de très bons doublages lors de discussions concernant l’aventure principale ou les quêtes qui leurs sont propres. Car comme dans tout jeu offrant un monde libre, Deadly Premonition propose sa série de quêtes annexes, d’objets à ramasser et à collectionner, d’activités à faire. Leurs intérêts respectifs sont variables mais certaines quêtes s’avèrent intéressantes car elles permettent d’en apprendre encore plus sur Greenvale et ses habitants et contribuent à l’enrichissement de cet univers.
Et pour pousser encore un peu plus loin le principe de monde vivant, on retrouve des éléments plutôt inattendus comme la gestion de la faim et du sommeil, de la propreté (se raser ou changer ses vêtements), il faut surveiller le niveau d’essence du véhicule (on peut tomber en panne d’essence), tout cela avec une gestion de la durée quasiment en temps réel, une minute dans le monde de Deadly Premonition équivaut à près de 45 secondes de temps de jeu. Tout est fait pour immerger le joueur et accentuer toujours plus le décalage entre monde normal et paranormal. Tous ces éléments se retrouvent au service d’une histoire passionnante qui, quinze heures durant, se dévoile de façon très maitrisée. Les éléments sont distillés peu à peu, ni trop lentement, ni trop rapidement. On se plait à chercher soi même des réponses, à explorer Greenvale en quête d’éléments pouvant nous mener sur la piste du tueur et sur le pourquoi de ces évènements paranormaux. L’aventure ne connait pas de passages à vide, de moments où l’enquête patine dans le simple but de rallonger le jeu ; au contraire, quand certaines réponses se dévoilent, d’autres questions arrivent et le scénario se plait à nous balader. Et puis, les derniers chapitres marquent la montée en puissance de ce travail porté sur l’intrigue, se renouvelant sans cesse, offrant des phases exceptionnelles et que l’on aurait jamais imaginé. Et pendant tout ce temps, on éprouve des sentiments semblables, toutes proportions gardées, à ceux que peuvent nous faire vivre le cinéma et très rarement le jeu vidéo : on croisera des situations où l’on s’écriera avec fierté "je le savais", et d’autres moments qui évoquent une certaine tristesse, qui font battre le cœur, presque comme si notre seule volonté pouvait changer quelque chose aux situations qui se déroulent devant nos yeux. Deadly Premonition propose une seule fin, ce qui dans ce cas précis est parfaitement logique et permet au titre d’imposer son histoire. Une histoire passionnante, belle, à laquelle on repense une fois terminée tant elle a pu surprendre et faire vibrer nos émotions. Et puis lorsqu’un jeu vous présente un personnage qui parle à lui même d’un concert des Ramones, vous savez que vous avez entre vos mains quelque chose de très spécial.
+
- Zach
- York
- Les dialogues savoureux portés par un excellent doublage
- Univers travaillé, envoutant
- Histoire passionnante
- Fort potentiel émotionnel
-
- Réalisation préhistorique
- Maniabilité moyenâgeuse
- Longueur des affrontements
- Mixage de la bande son hasardeux