Test : Dreamfall Chapters sur Xbox One
Les amoureux des aventures créées par Ragnar Tørnquist sont forcément des joueurs ouverts et patients. Il leur avait fallu non seulement attendre sept ans pour voir débarquer la suite de The Longest Journey mais aussi s’adapter à une orientation toute autre : le point’n’click traditionnel laissait alors sa place à une aventure en 3D dans des lieux semi-ouverts. Mais qu’importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivraie. Dreamfall : The Longest Journey était un titre enchanteur dépeignant à merveille une aventure où se mêlent modernité et magie alors que le joueur découvre successivement l’un et l’autre. De Casablanca jusqu’en Arcadia, Dreamfall : The Longest Journey était un titre qui avait quelque chose d’envoûtant et qui méritait bien sa suite. Sorti en plusieurs épisodes de 2014 à 2016 sur PC, Dreamfall Chapters arrive gonflé à bloc sur Xbox One pour une aventure qui occupe facilement 20 à 25 heures de jeu.
Dreamfall Chapters est la suite directe du titre sorti en 2006 sur Xbox et PC. On retrouve d’un côté Zoë Castillo là où on l’avait laissée, plongée dans un profond coma. Elle qui avait révélé les sombres agissements de la société Wati Corp puis voyagé vers un autre monde ne tarde pas à s’engager ici dans une enquête toujours plus passionnante… Et dangereuse. De l’autre côté, c’est de nouveau un visage connu qui apparait, celui de Kian Alvane. L’Apôtre du peuple Azadi croupi dans les geôles de la ville en attendant sa sentence pour trahison. Tour à tour, pendant les cinq livres de l’aventure Dreamfall Chapters, le joueur incarne Zoë et Kian. Si vous êtes totalement étranger à l’univers Dreamfall, il y a évidemment des références qui peuvent vous échapper mais vous ne serez pas totalement perdu puisque les développeurs ont pensé à proposer dans les extras un résumé des précédents épisodes. Quoi qu’il en soit, le point de départ des deux destinées est suffisamment « neutre » et les raisons rapidement claires pour permettre à tout un chacun de profiter de l’aventure sans craindre d’être totalement perdu.
« Malgré son côté sombre et son ambiance oppressante, loin de la chaleur marocaine du second épisode, la ville servant de théâtre aux pérégrinations de la jeune femme n’en demeure pas moins attirante »
On a beau être dans le futur, quelques deux cents années après notre époque, il y a quelque chose dans la ville de Propast qui a de sérieux relents de XXème siècle. Des relents oui, parce qu’en ces temps d’élections décisives pour l’avenir du monde, celui-ci tend à s’enfoncer de plus en plus vers le contrôle de la vie des habitants à tout prix, au mépris des libertés individuelles comme collectives. Au cœur de tout cela, on retrouve les fameuses machines à rêves et les leurs dérives. A mesure que l’aventure aux côtés de Zoë avance, Propast plonge toujours un peu plus dans la répression ; à elle d’en découvrir les véritables raisons. Malgré son côté sombre et son ambiance oppressante, loin de la chaleur marocaine du second épisode, la ville servant de théâtre aux pérégrinations de la jeune femme n’en demeure pas moins attirante. Sa taille est modeste mais on remarque à chaque coin de rue le soin apporté par les développeurs aux détails. Il y a ces quartiers qui ont chacun leur influence et puis on remarque des affiches parfois très drôles, des passants aux multiples facettes, de la vie. Il ressort de tout cela une unité, une cohérence qui permet au joueur de s’embarquer immédiatement dans l’arche de Zoë. Dans un registre tout autre, la ville parcourue par Kian ne manque pas de charme non plus. D’inspiration médiéval-fantastique, la cité est elle aussi sous le coup de la violence, de la ségrégation envers les peuples dits magiques, jusqu’aux déportations et autre actes de barbarie. Dans un univers comme dans l’autre le parallèle fait avec notre histoire est évident mais il demeure suffisamment contenu pour ne pas verser dans l’utilisation bête et méchante des faits historiques.
L’univers fonctionne bien, mais il le doit beaucoup plus à son fond qu’à sa forme, exception faite des doublages anglais de très bonne qualité. Techniquement, Dreamfall Chapters accuse une bonne génération de retard : éléments en panne de détails, parfois vraiment grossiers (les locaux du journal, pour ne citer qu’eux), modélisation des personnages inégale notamment pour les visages et animations un peu raides font de Dreamfall Chapters un titre qui aurait pu avoir sa place sur Xbox 360. A tout cela s’ajoutent quelques petites baisses de framerate constatées à des endroits précis de la ville. Il y a bien quelques points de vue intéressants, une Zoë qui sort du lot mais dans l’ensemble on navigue dans des eaux pas forcément très claires. Reste que la magie opère tout de même, à la force de dialogues nombreux, bien écrits, tantôt sérieux et parfois drôles, enrobés d’une belle couche de choix. Le chemin emprunté par les deux personnages varie ainsi de manière plus ou moins importante selon les réponses que l’on donne, allant jusqu’à ouvrir vers des événements inédits d’une partie à l’autre. Dreamfall Chapters atteint néanmoins les mêmes limites que ses pairs adeptes des QCM puisque l’on finit tôt ou tard par en arriver à des conclusions similaires.
« Comme pour le second épisode, on regrette avec Dreamfall Chapters une certaine lourdeur dans le gameplay proposé. Mais de la même manière, on peine à lâcher la manette une fois l’aventure débutée… »
A tout cela s’ajoute un pan du gameplay tout droit hérité de l’épisode fondateur, un point’n’click. Il faut faire marcher son cerveau pour permettre aux personnages d’avancer avec des objectifs qui prennent la forme d’énigmes. Pas de coffres à combinaisons ou de statues à faire tourner mais plutôt une recherche de la bonne parole avec la bonne personne qui pourra faire apparaitre une solution à un problème insoluble en apparence. Si l’on avance tranquillement la plupart du temps, certaines actions sont tirées par les cheveux ; on manque un peu d’explications et les échecs successifs ne sont pas toujours à mettre sur le dos du joueur. Une certaine lourdeur peut s’installer, confortée par la propension du titre à nous faire multiplier les allers-retours ; la petite ville semble s’agrandir jusqu’à l’infini. Du coup, le manque d’interactions possibles avec l’univers qui nous entoure (surtout aux commandes de Kian), assez décevant pour un jeu du genre, devient tout relatif : qui aurait envie de multiplier les zones de recherches quand il tourne déjà en rond depuis plusieurs minutes ? Comme pour le second épisode, on regrette avec Dreamfall Chapters une certaine lourdeur dans le gameplay proposé. Mais de la même manière, on peine à lâcher la manette une fois l’aventure débutée…
+
- Univers riche et passionnant
- Ambiance vraiment à part
- Très bonne durée de vie
- Doublages en anglais réussis
- Zoë toujours aussi attachante
-
- Techniquement à la traine
- Beaucoup d’allers-retours
- Une certaine lourdeur dans le gameplay
- Trop peu d’interactions avec l’environnement