Radiant Silvergun
Le XBLA, c’est quand même plus facile à atteindre que Saturn
La rencontre entre la Sega Saturn et le public n’est pas la plus grande histoire d’amour qu’ait connu le jeu vidéo. Rapidement distancée par l’inarrêttable Playstation, la console au nom de planète a tout de même marqué son époque, plus particulièrement au Japon. Ceux qui l’ont possédé parlent avec passion des titres issus des bornes d’arcade, du grand tactical RPG Shining Force III, de l’original Burning Rangers ou du sublime Panzer Dragoon Saga. La Saturn, c’est aussi l’objet d’un fantasme, d’un jeu qui faisait briller la plus vilaine des collections : Radiant Silvergun. En 1998, la France ne se rappelle déjà plus de l’existence de la Saturn et au pays du soleil levant, la fin est réellement proche. Le moment pour Treasure, déjà à l’origine de l’excellent Guardian Heroes sur cette même console, de porter depuis l’arcade et en très peu d’exemplaires ce shoot’em up. La machine s’emballe rapidement et voit les copies d’occasion tarifés au double du prix d’origine ; pour se procurer Radiant Silvergun tout neuf, il faut encore aujourd’hui débourser environ sept fois le prix de base. Certes, il existe sur Saturn et sur bien d’autres machines des titres qui explosent ce score mais pour Radiant Silvergun un détail fait la différence : il est connu pour être une des références du shoot’em up. Difficile de vérifier cela jusqu’à ce jour, béni pour les amateurs du genre, voyant le titre de Treasure arriver sur le Xbox Live Arcade. Et d’un coup, les 1200 points Microsoft demandés paraissent une broutille… Enfin, si le jeu est réellement à la hauteur de sa réputation.
Radiant Silvergun nous laisse le choix entre jeux solo ou à deux, sur un même écran ou via le Xbox Live. Seul comme un grand, on pourra faire notre sélection entre arcade et scénario. Une histoire dans un shoot’em up ? C’est la première particularité du soft. Il s’agit là de la version parue sur Saturn et qui enrobait la progression classique de dialogues entre les personnages, donnant ainsi un sens à ces affrontements. Les voix sont en japonais mais on notera la présence des sous-titres en français, une première pour le soft. Le design des personnages se révèle quelque peu surprenant car s’ils sont fidèles à la marque de fabrique Treasure, leur aspect très coloré tranche avec l’ambiance futuriste et ses environnements tout de métal vêtus. Le mode arcade s’affranchit de tous ces détails scénaristiques et ne laisse parler que les armes. Quelque soit le mode de jeu sélectionné, les environnements demeurent identiques et, treize ans après sa sortie, Radiant Silvergun s’offre quelques légères retouches. Ne vous attendez pas à une refonte graphique, le lifting est doux et se borne à rendre la chose plus agréable à regarder. Plusieurs niveaux de filtres peuvent être appliqués, sur l’ensemble et sur les effets de lumière et d’explosion, pour un résultat convaincant mais qui ne saurait totalement masquer l’âge d’un titre naturellement très austère. Dernier détail qui fera une fois de plus rager les puristes : pas d’option pour adapter l’affichage à un écran 4:3, le portage est pensé pour le 16:9. Radiant Silvergun n’est certes plus aussi sexy qu’il pouvait l’être au siècle dernier mais qu’importe, tout ce qui se greffe autour a de quoi à en mettre plein les yeux… et torturer quelques esprits.
Un peu de couleur dans un monde de chaines
Shoot’em up à scrolling vertical, Radiant Silvergun surprend dès les premières secondes de jeu par une chose : le nombre d’armes disponibles. Certains jeux du genre favorisent le changement d’armes à l’aide d’items, d’autres se basent sur un même armement offrant un pattern différent suivant le vaisseau sélectionné. Radiant Silvergun s’articule autour de trois types de tirs, eux-mêmes disponibles en deux patterns bien distincts ; et comme si cela ne suffisait pas, une septième arme, l’épée, vient enrichir les possibilités d’approche du combat. Lorsque l’on est habitué à jongler entre laser, auto-shoot et bombe, comme c’est le cas dans de très nombreux shoot’em up de cette génération, utiliser sept boutons est quelque peu déroutant au début. Tir avant ou arrière, étendu, à tête chercheuse… tout est là. Cette spécificité n’est pas la seule et Radiant Silvergun joue également la carte de l’originalité en intégrant un système d’expérience pour les trois genres d’armes. Comme dans un RPG, chaque niveau atteint augmente les statistiques de l’armement en question ; en mode scénario, il est possible de sauvegarder son expérience d’une partie sur l’autre et débuter ainsi la nouvelle en étant plus fort. En mode arcade par contre, il faudra démarrer de zéro et tailler en pièces les ennemis pour booster sa puissance. Vraiment excellent, ce principe de levelling a une face cachée qui ne le reste pas très longtemps : elle rend encore plus difficile un titre qui est déjà, pour de nombreuses raisons, terriblement exigeant. Vous connaissez peut-être le principe de chaines du fils spirituel de Radiant Silvergun, Ikaruga (nommé dans un premier temps et pour la petite histoire Project RS II). Dans ce dernier, il faut abattre les ennemis par trois d’une même couleur. Ainsi, on peut faire trois noirs, trois blancs, encore trois blancs, etc… ce qui est plus évident à dire qu’à faire. Dans Radiant Silvergun, on passe de deux à trois types de couleurs à enchainer et surtout, le multiplicateur augmente si l’on cumule les morts d’une même couleur. Et pour corser un peu plus le tout, l’expérience engrangée sera plus importante en accumulant des chaines correctement exécutées, sans quoi l’armement se révèlera rapidement trop faible pour faire face aux -nombreux- boss.
Tout cela sous-entend une connaissance parfaite des niveaux, chose d’autant plus difficile ici, Radiant Silvergun étant plus long que la moyenne du genre. En résumé, et contrairement à de nombreux shoot’em up, score et capacité à survivre sont intimement liés. A noter que si l’on possède Ikaruga et que l’on y a déverrouillé un succès, il est possible de modifier le système de chaines vers un "trois par trois". Le level design, dans ce mélange de 2D et de 3D, intervient lui aussi sur la progression en obligeant à quelques slaloms (notamment lors d’un combat de boss dantesque) et un doigté parfait dans des passages étroits. Alors oui, on pourra toujours tenter de traverser le mode arcade en choisissant le plus facile des cinq niveaux de difficulté, en accumulant des crédits au fil des heures, en chargeant le stock d’une dizaine de vies. Encore faut-il pouvoir supporter l’accumulation d’échecs. Et ce ne sera même pas possible en mode scénario qui, s’il permet de sauvegarder son expérience, ne peut se finir qu’en un seul et unique crédit ! Exigeant, difficile, Radiant Silvergun l’est, peut-être trop. Même à deux sur un Xbox Live qui offre une expérience à vivre de préférence avec un joueur d’un pays voisin (ou gare au lag), rien n’est gagné d’avance. Puisque l’on évoque les fonctions online, on appréciera comme c’est d’usage maintenant la possibilité de télécharger les vidéos des autres joueurs, idéal pour observer et progresser. Et en dépit de la difficulté et une fois prit dans l’engrenage, on ne peut résister à l’envie d’y revenir et d’essayer d’avancer. Peut-être à cause de ce gameplay riche et évolutif, de cette ambiance particulière portée par des musiques de Hitoshi Sakimoto (Vagrant Story) qui le sont tout autant, de la mise en scène de certains affrontements qui fait mouche encore aujourd’hui… Peut-être parce qu’on a beau jouer à de nombreux shoot’em up et si certains sont aussi bons, voire meilleurs dans leur registre, aucun ne ressemble à Radiant Silvergun.