Le marché des consoles est actuellement le théâtre d’un affrontement acharné entre deux licences de simulation auto. Forza Motorsport, l’outsider très solide sur Xbox 360, s’oppose au mastodonte Gran Turismo sur Playstation 3. Une lutte pour le titre du jeu alliant au mieux fun et réalisme sans concession. Sur PC, la plateforme reine de la simu, la situation est plus claire. GTR est le titre ultime. Et les fans de sport mécanique ne s’y trompent pas. Si l’on souhaite avoir le plus de réalisme possible, c’est vers GTR qu’il faut se tourner (que les experts le sachent, non, je n’oublie pas R-Factor, mais je n’en parlerai pas ici). Pour Simbin, développeur de GTR, la problématique est simple : à leurs yeux, aucun jeu de course sur console ne propose actuellement une expérience satisfaisante de l’enfer des courses automobiles. La réponse naturelle du développeur suédois s’appelle Race Pro, l’héritier de GTR. La lutte opposant Forza et GT compte donc un nouveau concurrent de poids. Avis à tous les pilotes !
GTR sur PC, c’est la simulation pure est dure. Sans aucune aide active, « jouer » n’est plus le terme approprié. « Piloter » correspond mieux. Pour peu qu’on possède un bon volant, on peut quasiment se targuer d’avoir un bolide dans son salon. Les fans vous le diront, c’est le pied ! Bien évidement, à ce niveau extrême, on est proche de l’élitisme : une accélération trop franche et c’est le tête-à-queue assuré. Un mauvais choix de pneus et la course est terminée. Sur console, ce genre de jeu n’a pas toujours trouvé son public, le fameux compromis fun/rigueur dérivant toujours légèrement du coté du premier des deux impératifs. Et oui, c’est aussi le cas pour Forza Motorsport et Gran Turismo. En fait, sur console, aucune simulation digne de ce nom n’existe. Jusqu’à ce jour du moins. Race Pro compte rétablir les choses et combler ceux pour qui la route est un sacerdoce.
Simbin voulait à l’origine sortir sa série GTR sur 360, mais en raison de problèmes de licence avec THQ, le projet a d’abord pris du retard pour finalement être tout bonnement annulé. Sans découragement aucun, le développement de Race Pro a alors été débuté à la place, et le soft se présente comme l’héritier de ce jeu avorté et de la série GTR PC (la base de Race Pro est GTR Evolution).
La bête était au rendez-vous de la Games Convention dans un stand superbe, et nous avons donc pu tester le jeu pad et volant en mains, avant de nous entretenir avec Magnus Ling, vice-président de Simbin. Afin d’évacuer rapidement le sujet, nous parlerons dans un premier temps des graphismes. Le jeu est beau et fin. Plus qu’une grosse claque technique, ici, les graphismes sont au service de l’immersion. Pour quantifier la chose, le rendu est peu ou prou équivalent à celui de Forza, en plus coloré (avis à nuancer, les écrans n’étant pas toujours bien réglés sur les bornes). La version démo n’est cependant pas d’une fluidité exemplaire et tourne à première vue à 30 images par secondes. Les voitures sont très bien modélisées même si nous n’avons pas pu juger des déformations dues aux chocs (non implantées, mais promises pour la version finale). Au moins cinq caméras sont proposées dont trois internes, avec la fameuse vue cockpit qui nous est si chère depuis PGR.
En termes de contenu, le jeu dispose des divers modes classiques : course simple, carrière (permettant d’évoluer au sein des différents championnats, probablement le cœur du jeu pour débloquer l’ensemble des voitures à travers l’argent gagné), l’habituel contre-la-montre et le mode championnat simple. Le multijoueur online permet pour sa part d’affronter jusqu’à 11 autres joueurs. Par contre, pas de mode écran partagé (Simbin ne « croît pas au jeu splitté » selon Ling), mais un mode nommé Hot Seat où deux amis pourront s’affronter, l’IA prenant le relais à tour de rôle. Treize pistes seront disponibles à la sortie, toutes réelles. Notons ainsi la présence de classiques déjà connus des joueurs de Forza comme Road America, Laguna Seca et d’autres plus originales comme le très technique circuit de Macao. Au niveau des véhicules, c’est la profusion, 350 voitures différentes regroupées en 98 modèles et 20 constructeurs. Diverses catégories sont présentes : WTCC, F3000, GT et autre modèles de série. Pas plus de détails pour le moment.
Un bon jeu de course repose avant tout sur un équilibre fragile entre l’accessibilité et la rigueur du réalisme. Plus une simulation est précise, plus elle demande un apprentissage long et difficile. Pour autant, il ne faut pas sacrifier le plaisir de jeu. Forza Motorsport parvenait à convier fun et réalisme grâce à un système d’aides diverses comme l’ABS (aide au freinage), l’ESP (contrôle sur survirage, sous-virage), le TCS (atténuation du patinage) ou encore les trajectoires et zones de freinage. Race Pro veut aller plus loin en termes de simulation tout en gardant à l’esprit la physionomie du public qu’il vise. Il se doit d’être pédagogique et progressif dans sa difficulté. A ce titre, la simu de Simbin reprend presque à l’identique le système d’aides de Forza. La démo présente à la GC nous permettait d’essayer le jeu avec toutes ces béquilles activées afin de ne pas brusquer les visiteurs.
Les premières sensations de conduite sont agréables. On est en terrain connu. Pour être clair, on a l’impression de jouer à Forza, ce qui est loin d’être une critique. Néanmoins, Race Pro est plus exigeant : une roue dans l’herbe et le fautif est immédiatement pénalisé par un tête-à-queue. Une accélération trop franche, même sanction. Il faudra être plus rigoureux, le ton est donné, mais le jeu donne des chances de progresser. De même, les suspensions et transferts de masse se font mieux sentir et les voitures paraissent plus lourdes, sans pour autant sacrifier les sensations de vitesse. On se rappelle que Forza développait toute une physique très réaliste au niveau des pneus, ce qui gommait probablement certaines de ces sensations. Au final, toutes aides actives, que ce soit au pad ou au volant, Race Pro est, on peut le dire, meilleur que son concurrent américain, car plus technique mais pas moins fun. Une réussite que je considérais, à titre personnel, très improbable compte tenu des qualités de Forza à ce niveau-là.
En clôture de la présentation de Magnus Ling, nous avons pu juger le jeu avec aides désactivées. Est-ce impossible à jouer ? Clairement pas. Et à ma grande surprise, le jeu reste même plutôt accessible. Bien sûr, les premiers tours sont délicats, mais avec un minimum de rigueur, on peut enchaîner des tours sans faute. Là où Forza pouvait être crispant à cause d’une mauvaise gestion du freinage sans ABS, Race Pro permet de freiner progressivement sans être pris en traitre. Attention, on ne parle pas de faire des chronos une heure après avoir pris le jeu en main. Race Pro reste une simulation, n’en déplaise aux fans de Mario Kart. Mais les joueurs devraient pouvoir prendre du plaisir à jouer dans des conditions de jeu réalistes assez rapidement, quelques heures tout au plus.
Une question reste en suspens : quid des réglages ? Ils seront présents, aussi importants et nombreux que dans GTR selon Ling, mais nous n’avons pas eu la chance de les voir.
Race Pro est une simulation, une vraie, c’est indéniable. Toutefois, elle fait preuve d’une pédagogie exemplaire, et c’est ce qu’il faut pour convaincre un plus grand nombre de joueurs, sans pour autant vexer les férus du genre. Simbin est en bonne voie pour réussir son pari, imposer une alternative plus qu’intéressante aux deux autres cadors du genre que sont Forza et Gran Turismo. Quelques précisions restent à apporter, notamment à propos des possibilités de réglages. Quelques problèmes sont aussi à éliminer, par exemple les saccades et le framerate, assez bas comparé aux 60 fps constantes de Forza. Mais l’essentiel est bien là : un jeu à considérer avec grand intérêt.