Test : Agatha Christie - Hercule Poirot: The London Case sur Xbox Series X|S
Plus pointilleux sur le fond que sur la forme
Deux ans après Agatha Christie – Hercule Poirot: The First Case, nous retrouvons l’inénarrable détective belge d’Agatha Christie, toujours dans ses jeunes années. Tout comme le précédent volet, Blazzing Griffin nous propose ici une aventure au scénario inédit, non issue de la prolifique production littéraire de l’autrice anglaise. Petite entorse cependant à l’univers originel, le futur détective privé, encore officiellement inspecteur belge, rencontre pour la première fois celui qui deviendra son Watson à lui : Arthur Hastings (les fans sauront que la première rencontre du duo se fait en réalité dans le roman «La mystérieuse affaire de Styles»). Une décision assumée puisque prise avec l’aval de l’Agatha Christie Limited, gestionnaire des droits de la romancière britannique, également créditée au générique du jeu.
L’ aventure débute sur un bateau amenant l’enquêteur tâtillon pour la première fois jusqu’à Londres. La traversée, durant laquelle les mouvements de caméras singent à merveille les mouvements du bateau (attention au mal de mer) est prétexte à une toute première investigation aux allures anodines, pour nous familiariser ou nous faire redécouvrir les mécaniques de gameplay. Ce bon Hercule est donc chargé par la Royauté Belge du transport sécurisé d’un précieux tableau : «La Madeleine Pénitente». Il rencontre dans ce périple certains personnages qui seront les protagonistes de l’entièreté de l’aventure. Car si le jeu se divise en un prologue suivi de neuf chapitres, il s’agit bien d’une seule et même histoire que nous suivons, avec toute sa galerie de personnages divers et variés.
Et là où le jeu est parfaitement réussi, c’est bien dans sa narration, sa mise en place et son scénario. Totalement fidèles aux ficelles de la Reine du Crime, les créateurs nous proposent d’avancer au même rythme que ses romans : une mise en place stratégique et finement ciselée, faisant la part belle à la psychologie des personnages rencontrés. De la jeune et belle femme mystérieuse à l’accent exotique jusqu’à l’actrice américaine au caractère théâtral, en passant par le politicien affable, tout y passe. Les traits de caractères des deux compères sont parfaitement rendus, bien aidé par un doublage intégral en français : le ton obséquieux, l’aspect dandy et les moustaches cirées d’Hercule Poirot sont bien présents, tout autant que la naïveté, la candeur et l’innocence du Capitaine Hastings.
Une fois le prologue terminé, retour sur la terre ferme, pour une escale à Londres où se tient ensuite la totalité de l’intrigue. Faite d’œuvres d’arts, de luttes de pouvoirs et de secrets bien enfouis, celle-ci se termine évidemment en apothéose par la «démonstration finale» pleine d’orgueil de ce cher Hercule. Nous découvrons de ci de là certains chefs d’oeuvres picturaux. Une énigme, proposée par un personnage issu du premier jeu, nous permet par exemple de découvrir de véritables tableaux comme Le Narcisse du Caravage. La Jeune fille à la Perle de Vermeer est, quant à elle, l’occasion de nous entrainer à révéler les manœuvres de certains faussaires. Une progression bien pensée, qui va crescendo, et dont le déroulement est totalement en accord avec les subtilités et tecnhiques de la romancière britannique : Explorer toutes les pistes, mettre à mal tous les alibis pour façonner ingénieusement un récit à rebondissements.
Pour progresser et poursuivre l’hommage fait au célèbre détective belge, le gameplay se base essentiellement sur trois points : l’exploration des lieux avec découvertes d’indices voire la récolte d’objets, les dialogues ou interrogatoires avec les différents personnages et enfin le remue méninges de nos petites cellules grises dans les «cartes mentales». Ces éléments sont facilement accessibles avec X et permettent de relier les différents indices entre eux afin d’aboutir à nos conclusions. Les petites cellules grises du fin limier moustachu - matérialisées sous forme d’engrenages – se mettent alors en éveil à mesure de notre avancée et de nos découvertes.
Ces cartes mentales sont malheureusement peu intuitives. En effet, à la lecture des différents indices, la solution nous apparait parfois limpide comme de l’eau de roche, mais les éléments de liaison à souligner dans la fameuse carte sont eux tellement peu évidents qu’ils nous obligent à plusieurs essais infructueux. Enfin, pour valider nos déductions et histoire d’être certains que la chance ne soit pas la seule responsable, il est parfois nécessaire d’avoir recours au blondinet Hastings qui acquiesce béatement face à nos brillantes déductions et ne cesse de louer notre génie (et ce même s’il nous a parfois fallu moults essais avant d’arriver à une découverte douteuse).
Le gameplay est enrichi par rapport au premier opus. Il propose par exemple une carte mentale à base de «ligne du temps» pour situer les différents suspects face au crime, ou nous offre la possibilité d’interagir avec certains objets récoltés ou des éléments à observer. Accessibles via Y, les éléments récoltés et présents dans l’inventaire ne peuvent pourtant pas être examinés dans l’inventaire… ce qui est bien déplorable et contre-intuitif pour un observateur de la trempe d’Hercule Poirot. Ce dernier évolue ainsi globalement sur quatre à six lieux accessibles en voyage rapide sur une carte. Heureusement que celui-ci est accessible car, même jeune, notre héros ne semble pas doué d’un sens athlétique hors pair : il ne court absolument pas. Et c’est fort dommageable car le jeu nous demande bien trop souvent des allers-retours, qui prolongent ainsi artificiellement la durée de jeu…
Graphiquement, bien qu’optimisé Xbox Series, le jeu dispose d’un rendu propre, tout en paraissant particulièrement daté. S’agissant d’une production d’un studio écossais plutôt modeste, cet aspect est malgré tout excusable tant l’immersion dans l’histoire compense ce défaut. Les animations des visages sont assez pauvres, la démarche de notre héros pas franchement fluide et certaines transitions de lieux sont plutôt brutales. Les étranges capacités de téléportation d’Hastings à nos côtés tiennent carrément de l’irréel. Nous pouvons par ailleurs voir Hercule, et son design rappelant Wayne Rooney affublé d’une moustache, évoluer de plusieurs façons, notamment avec une vue de type 3D isométrique, en changeant l’angle de la pièce par LB/RB afin d’explorer l’endroit de fond en comble (avec son compagnon doué d’un pouvoir de téléportation donc).
Malgré ces approximations techniques qui laissent à désirer, aucun bug n’est à signaler, rien de bloquant dans notre avancée. Respirant l’atmosphère des années vingt des romans et des séries issues de l’univers d’Agatha Christie, les décors et les designs des personnages sont plutôt réussis. La musique, dans les débuts du jeu, est présente et le générique bien raccord avec celui de la série avec David Suchet. Malheureusement, la partie sonore s’éteint à une rapidité folle. Nos explorations et observations diverses se font sur fond d’onomatopées répétitives à base de «Oh», «Ah» et «Hum» contemplatifs un tantinet agaçants. Les allers-retours beaucoup trop fréquents se font sur quasiment aucun fond sonore, ce qui rend la tâche triste à souhait en plus d’être rébarbative.
Enfin, le game-design du jeu nous laisse parfois perplexes, avec sa nécessité de répéter plusieurs fois nos déductions, ou quelques éléments franchement retors qui ont pu nous faire croire à un bug du jeu. Il nous aura fallu ainsi environ huit heures pour venir à bout de cette aventure qui, même si elle n’est pas parfaite, est somme toute amusante. A la manière d’un bon polar, nous excusons les approximations pour venir à bout de l’énigme qui nous tient parfaitement en haleine.
+
- Aventure haletante
- Univers d'Agatha Christie respecté
- Scénario original et bien ficelé
- En français intégral (voix et textes)
-
- Game-design perfectible
- Techniquement daté
- Musique trop peu présente