Test : Alan Wake 2 sur Xbox Series X|S
En pleine lumière
Comme l’attente des joueurs, Alan Wake 2 nous propulse treize années après les événements du premier épisode. Autant le dire tout de suite, cette suite fait partie de cette catégorie de jeux au contenu scénaristique riche en surprises, et qui oblige à effleurer simplement la narration pour éviter le spoil. C’est particulièrement le cas avec Alan Wake 2, et cela dès l’introduction. Une entrée en matière qui a le mérite de donner clairement le ton, laissant présager d’une ambiance absolument dantesque. Histoire d’assurer la filiation avec son prédécesseur, on y retrouve déjà une partie de ce qui faisait le charme du premier épisode, avec ses teintes bleutées et sa forêt source de bruits inquiétants. Pas de doute, Sam Lake a décidé de nous retourner une nouvelle fois le cerveau avec une intrigue savamment ficelée de bout en bout, en profitant au passage pour inscrire ce nouveau titre dans ce qu’il appelle le «Controlverse».
Pour ne pas nous laisser l’ombre d’un doute, le scénariste Sam Lake ne tarde pas à faire le lien entre l’univers d’Alan Wake et celui de Control, le dernier gros titre de Remedy. Que ce soit le Bureau Fédéral de Contrôle ou les personnages de Mr. Door, Casper Darling et même Ahti, tout est fait pour faire un lien direct avec le jeu de 2019, d’une manière ou d’une autre, mais toujours de manière inattendue. De quoi pousser le joueur à se poser de nombreuses questions, à condition évidemment d’avoir précédemment accompagné Jesse Faden dans sa délicate mission de sauvetage. Si les références citées ne vous parlent pas, il parait assez évident que vous passerez à côté d’une partie de l’histoire, Alan Wake 2 ressemblant finalement plus à une suite de Control que du premier Alan Wake. L’écrivain avait d’ailleurs déjà fait une réapparition anticipée dans Control, par le biais du DLC nommé AWE. Une extension dispensable pour le coup, mais qui avait permis de préparer le joueur au retour de l’écrivain torturé dans une aventure dédiée.
Ici pourtant, il faut patienter pour se retrouver dans la peau d’Alan. Car les premiers chapitres nous embarquent aux côtés de Saga Anderson, une agent du F.B.I. chargée de résoudre un meurtre perpétré à Cauldron Lake, un lieu iconique de la franchise, situé à quelques kilomètres de Bright Falls et à deux pas de Mirror Peak. De quoi offrir quelques repères à ceux qui ont fait le premier épisode, qui retrouveront avec plaisir des endroits marquants, à commencer par le Oh Deer Diner et son jukebox. L’ambiance de cette toute petite ville fictive placée dans l’Etat de Washington est très bien retranscrite, rappelant des petits villages ruraux aperçus dans Life is Strange: True Colors ou Tell Me Why, avec un soin du détail impressionnant et une modélisation des bâtiments et des véhicules hautement satisfaisante.
C’est ce que l’on constate dès les premiers instants en compagnie de Saga Anderson. En vue à la troisième personne, comme l’était le premier jeu, on emprunte les chemins pentus qui mènent au Lake Cauldron pour se rendre sur le lieu du meurtre. Là aussi les détails sont abondants et offrent une petite balade en forêt qui invite clairement à explorer chaque petit chemin de randonnée à portée. Chaque lieu visité prend la forme d’une petite zone ouverte qu’il est très agréable de parcourir, tant qu’il y fait jour en tout cas. Avant même d’avoir à sortir la lampe torche, Alan Wake 2 nous invite à profiter de l’une de ses principales nouveautés, qui tirent pleinement profit des qualités d’enquêtrices de Saga. La scène du crime devient alors un endroit où il faut rechercher des indices, pour ensuite les répertorier dans l’Antre Mental. L’esprit de notre agent du F.B.I. remplace alors le menu du jeu, puisqu’elle peut y consulter ses preuves, la carte et étudier la psychologie des différents protagonistes de l’affaire. Attention toutefois, cela ne met pas le jeu en pause et il est nécessaire de se projeter sur un temps calme pour éviter de se faire agresser durant ce laps de temps. Une idée qui renforce l’immersion du joueur tout en approfondissant la psychologie du personnage principal par le biais de ses réflexions, et certains pans de sa vie personnelle. Il est important de bien comprendre que ce menu revisité est un passage obligatoire pour y réaliser des déductions qui font avancer la progression du joueur.
Un choix qui sert complétement le propos, et d’autant plus lorsqu’on en vient à contrôler Alan. Car concernant l’écrivain, l’Antre Mental se transforme en Antre Noir, la Dark Place. Sur le même principe, il peut alors consulter les cartes des lieux visités, tout en travaillant sur l’intrigue de son prochain livre en regroupant diverses informations inspirantes sur le terrain. Bright Falls et ses environs laissent alors la place à un New York tiré de son imaginaire, aux rues sombres et inquiétantes, où les rares points de lumière sont d’une importance primordiale. La célèbre lampe torche est évidemment de retour, mais l’auteur bénéficie également d’un nouvel équipement capable de changer la configuration d’un lieu. Ainsi, en présence de lumière, il est possible de modifier la disposition de certains éléments et de s’ouvrir des passages inaccessibles autrement. De quoi apporter un peu d’originalité au level-design avec des situations qui forcent parfois à se creuser un minimum la tête. Dans la même veine, l’intrigue imaginée par Alan permet aussi de suivre différentes trames scénaristiques, avec là aussi des changements apportés à la configuration du décor. C’est malin, tout en renforçant cette impression géniale de nous perdre un peu plus dans les méandres des pensées d’Alan.
Des séquences évidemment entrecoupées de combats à mener face aux ombres et aux possédés. Selon vos envies, et votre niveau de jeu, Remedy laisse la possibilité au joueur de choisir entre trois niveaux de difficultés. La première permet de profiter pleinement du scénario, tandis que la troisième transforme le jeu en un véritable survival-horror. D’ailleurs Alan Wake 2 ne cache absolument pas ses inspirations pour le genre, bien plus proche d’un Resident Evil 4 avec la nécessité de bien compter ses munitions avant d’aller au charbon (on retrouve d’ailleurs le demi-tour rapide et la boite à chaussures qui fait office de coffre pour stocker les objets de l’inventaire). Les balles sont précieuses, tout comme les piles capables de recharger la lampe torche. Car si vous n’avez pas eu l’occasion de faire le premier jeu, on rappelle qu’il est absolument indispensable de charger votre lampe sur un ennemi pour lui retirer son enveloppe d’ombre et ainsi pouvoir lui coller un peu de plomb dans le buffet. Chaque personnage dispose de ses propres capacités, puisque Saga peut récupérer des armes plus puissantes que son pistolet de service, tandis que Alan rencontre quelques difficultés à recharger son revolver, ce qui peut lui porter préjudice lorsque l’ennemi met la pression.
Et mettre la pression, c’est peu de le dire. En mode difficile, la tension est omniprésente dans certains chapitres, laissant apparaitre une certaine lourdeur de nos personnages qui possèdent toutefois la possibilité d’esquiver. Heureusement, le scénario permet de souffler de temps en temps, avant de repartir de plus belle vers de nouveaux moments d’angoisse. Les ennemis ne sont généralement pas très nombreux, mais leur vitesse de déplacement et leur puissance de frappe obligent à y aller avec précaution, quitte à mourir pour mieux réessayer, les ennemis étant toujours positionnés aux mêmes endroits. D’ailleurs, les points de sauvegarde, manuels ou automatiques, sont souvent situés juste avant des rencontres critiques, ce qui permet de ne pas générer trop de frustration. Les possédés rencontrés par Saga sont plus résistants, tandis qu’Alan est submergé d’ombres, dont certaines sont inoffensives, ce qui obligent à être constamment sur la défensive, la confusion entre les deux types étant facile. Autre différence entre les deux personnages, notre agent du F.B.I. peut augmenter la puissance de ses armes avec un système assez classique, tandis qu’Alan doit récupérer des «Mots de Pouvoir», des inscriptions qui s’illuminent à la lumière de sa lampe-torche et qui permettent d’augmenter certaines statistiques comme le taux de vie récupérée dans les salles de repos ou les chances d’économiser une balle en tirant par exemple. Un concept qui pousse à explorer en profondeur les niveaux, même si cela implique forcément quelques rencontres désagréables. A noter que, après quelques chapitres, le jeu propose de choisir d’incarner Alan ou Saga sur leur trame respective, pour continuer de déroulé l’histoire comme le joueur l’entend.
Techniquement, le jeu est une franche réussite qui parvient enfin à montrer de quoi la nouvelle génération de consoles est capable. Les décors sont très détaillés, tandis que les effets de lumière sont absolument parfaits, et capables de sublimer l’ensemble un peu plus encore. En dehors de l’introduction, le titre abandonne les teintes bleutées qui ont collé au premier épisode, pour offrir une expérience qui parvient tout de même à conserver un vrai cachet. On en prend plein les yeux, et la modélisation très réussie des visages vient concrétiser le travail dantesque réalisé par le studio finlandais. Moins prononcés que dans Control, les défauts de synchronisation labiale sont désormais acceptables, et n’obligent pas à passer le jeu en langue originale comme c’était le cas avec la précédente production du studio. Les doublages sont d’ailleurs très réussis dans l’ensemble avec un jeu d’acteur digne de certaines productions cinématographiques. Dans la même idée, à l’image d’un Quantum Break, le studio Remedy renoue avec le live-action et intègre directement certaines séquences en jeu, pour un résultat convaincant.
Et on sent d’autant plus la volonté du studio, et de Sam Lake, de s’inspirer du septième art et des séries, par un rythme, une mise en scène et un découpage qui n’ont rien à envier à ces deux industries. Le scénario est bourré de rebondissements, soutenus par une écriture absolument géniale qui parvient à corriger la complexité des trames du premier Alan Wake et de Control. Cela n’empêche pas le lore d’être consistant, avec toutefois beaucoup moins de documents à lire que dans Control, tout en proposant des extraits audios, des programmes télévisés et d’autres éléments à récupérer pour approfondir l’expérience pour qui le souhaite. Rien à redire sur la partie sonore, toujours aussi juste quand il s’agit d’une production Remedy, et sa capacité à faire monter la tension un peu plus encore sur les épaules du joueur. Quelques bugs ont quand même réussi à nous faire tiquer, avec un peu d’aliasing et surtout des bugs de sous-titres qui défilent trop vite ou qui restent affichés, et de dialogues qui passent parfois en anglais. On imagine sans mal qu’un patch viendra corriger cela prochainement. En l’état, Alan Wake 2 tourne remarquablement bien sur Xbox Series X, notamment dans un mode Qualité qui ne fait aucune concession, ni sur la résolution en 4K, ni sur le framerate.
+
- Tension palpable en combat
- Level-design ingénieux
- Ambiance totalement dingue, littéralement
- Enquêtes appréciables
- Effets de lumières et d'ombres très réussis
- Ecriture passionnante, le meilleur de Sam Lake
- Univers riche, maitrisé et cohérent
- Scénario plein de surprises
- Psychologie des personnages travaillée
- Impressionnant graphiquement
- Visages et animations faciales réalistes
-
- Déplacements un peu rigides
- Quelques bugs