Test : Assassin's Creed sur Xbox 360
Altaïr dans les étoiles
Pour remettre les choses dans leur contexte, Assassin’s Creed, ce sont quatre années de développement intenses, un travail de longue haleine abattu par l’équipe de développeurs à l’origine de l’excellent Prince of Persia : Sands of Time. En première ligne, Patrice Desilets – directeur créatif sur les deux projets – sans doute l’un des talents les plus méconnus de l’industrie. Doté une personnalité savoureuse, entre goûts éclectiques et naturel baba-cool à la québécoise, le Montréalais offre aujourd’hui, avec Assassin’s Creed, ce qui constitue sans doute son projet le plus ambitieux. Et ça se voit.
Ca se voit parce qu’Assassin’s Creed est une vraie perle visuelle et sensorielle. Esthétiquement, on se trouve face à l’un des tout meilleurs titres sur console, et même tout court. L’image, traitée par un filtre gris-blanc et un grain sublimant la luminosité, a rarement été de cette qualité, de souvenir de joueur. Les décors sont eux aussi magnifiques, imposants et superbement conçus. Pas de technique tapageuse, de textures ultra détaillées, juste du goût. Situé en Terre Sainte, durant la sombre époque des Croisades, Assassin’s Creed permet de visiter trois immenses cités légendaires : Jérusalem et Saint Jean d’Acre en Israël et Damas, la capitale Syrienne. Trois villes, trois architectures, trois ambiances démentes. Depuis les rues surpeuplées et vivantesjusqu’aux gravures d’or fin sur les toits des bâtiments sacrés, on s’en prend véritablement plein la figure.
Et ce n’est pas avec Altaïr, le personnage principal de l’histoire, qu’on va se calmer. Pour faire simple, le press-kit d’Ubisoft nous parle de plusieurs milliers d’animations pour générer les mouvements de l’olibrius, et très honnêtement, on est prêts à gober ces infos tout rond. Altaïr est en effet un des héros de jeu vidéo les mieux animés depuis la Création, capable de grimper, de courir, de se battre, de chuter, de galoper à cheval, toujours avec des dizaines de nuances possibles et, surtout, une classe et un look démentiels. Le personnage, qui en plus fait partie du clan des ténébreux charismatiques, est bien parti pour devenir une star du medium, et ce serait largement mérité.
Ce paradis pour mirettes est soutenu par une bande sonore impeccable. Jesper Kyd réalise avec Assassin’s Creed une œuvre très stylisée, discrète et intense à la fois, tandis que les doubleurs français se déchirent pour offrir de très bonnes interprétations.
Une immense puissance, c’est ce qu’évoque, tout du long, la réalisation d’Assassin’s Creed. Une vieille terre, déchirée par les guerres de religion, exposant au soleil filtrant au travers des nuages ses trésors et ses murailles. De la pure poésie de pixels.
Retour sur Terre (Sainte)
Le scénario d’Assassin’s Creed cède (volontairement ou non) à la mode actuelle du thriller religieux, avec en toile de fond l’affrontement de grands ordres millénaires. Altaïr, membre d’une guilde d’assassins, va devoir se reforger un honneur perdu à la suite d’un événement tragique, mais, se faisant, en découvrira plus sur lui-même et ira de révélation en révélation. Comme ceux qui l’acquerront le constateront très vite, Assassin’s Creed va au-delà de la simple querelle féodale, et tente, avec cet épisode, de bâtir les fondations d’une saga en devenir. Il paraît évident que de futurs opus suivront, tant certaines questions demeurent floues à la fin de l’aventure. Le jeu dispose d’un mode de narration assez efficace, s’appuyant sur des scènes en temps réel qui ne ralentissent pas ou peu l’action, à la Half-Life, et s’appuyant sur un intéressant dispositif de caméras dynamiques. Néanmoins, il arrive un peu trop souvent que l’on se perde dans l’intrigue, complexe et parfois maladroitement menée, notamment vers le milieu du jeu.
Pour regagner ses galons de maître assassin, Altaïr doit abattre neuf personnalités importantes des deux camps se faisant face en Terre Sainte – les croisés et les musulmans – dans le but de mettre fin au conflit les opposant. Neuf personnes, neuf vies, neuf contrats, un postulat s’apparentant à celui des Hitman. Pour arriver à ses fins, l’assassin doit d’abord recueillir des informations en ville grâce à diverses sous-missions (reconnaissance, espionnage, tabassage, assassinats secondaires, courses, vol de documents), puis éliminer sa cible.
Constituant logiquement l’essentiel du jeu, ces assassinats paraissent au premier abord bien structurés. Cependant, plus on avance et plus on se rend compte que cette structure représente plus un poids qu’un réel atout. Le problème est qu’on se retrouve toujours, du point de vue du gameplay pur, à faire encore et encore les mêmes choses. Bien sûr, le contexte, les lieux où l’on doit remplir les objectifs et le scénario évoluent, tout comme les aptitudes d’Altaïr au demeurant, qui regagne petit à petit ses capacités perdues au tout début du jeu. Mais on reste un peu surpris par le manque de diversité des buts de mission et par leur déroulement, qui ne s’écarte quasiment pas d’un schéma prédéfini et restrictif. Ubisoft a modélisé trois villes immenses, plus un gigantesque terrain faisant le lien entre elles, le royaume. Eh bien on a la sensation que tout cet espace est un peu laissé en friches : il y a très peu de missions secondaires à accomplir, et celles-ci manquent cruellement d’intérêt (collecter des drapeaux, tuer certains adversaires spécifiques, sauver des villageois qui aideront Altaïr en retour). Cela rappelle inévitablement un titre qui finalement ressemble beaucoup plus au titre d’Ubi Montréal qu’on aurait pu le penser au premier abord : Crackdown. Deux softs donnant beaucoup de liberté au joueur, mais une liberté semblant parfois un peu vaine.
Fort heureusement pour l’intérêt du soft, on peut choisir soi-même les sous-missions menant à la cible de l’assassinat. Là encore, il aurait peut-être été judicieux d’injecter un peu de challenge, en faisant en sorte que les échecs obligent à passer à l’objectif secondaire suivant, mais, que ce soit en checkpoints ou en sauvegardes, Assassin’s Creed est du genre très permissif, choisissant de laisser avant tout le loisir au joueur de procéder comme il l’entend.
Permissives, les commandes ne le sont pas trop, du moins d’entrée de jeu. Ubi Montréal a choisi de mettre sur pied un panel de contrôles assez complexe, qui demande un réel temps d’adaptation avant d’être maîtrisé correctement. Les commandes nécessitent souvent d’appuyer sur deux, voire trois boutons à la fois, ce qui n’est pas évident à faire au début. Altaïr a notamment le choix entre deux façons de se comporter différentes : une aggressive et une plus en douceur, que ce soit au beau milieu d’une foule ou au moment de porter le coup fatal. Mais là encore, le système aurait sans doute gagné à être exploité plus en profondeur, ou bien à sanctionner un peu plus durement le joueur découvert, qui bien souvent se sauvera rapidement, du fait du grand nombre de « points d’extraction » dispersés sur la carte et d’une IA pas forcément très rugueuse.
Au delà de ces impairs, il faut bien avouer qu’une des grandes forces d’Assassin’s Creed et de proposer un des systèmes de déplacement les plus aboutis à ce jour. A mi-chemin entre varappe et free-running, le gameplay « plateforme » du jeu est une petite merveille d’ergonomie et procure un plaisir unique, soutenu en cela par toute la force graphique qu’on détaillait au début de l’article. Altaïr peut grimper n’importe où, sauter du haut des tours, prendre la pose sur un rebord de balcon, etc. Difficile de ne pas être conquis devant tant de fluidité.
Une fluidité qu’on retrouve dans les combats, dont la parenté avec Prince of Persia se ressent immédiatement dans le feeling des commandes, basées sur une alternance d’attaques/contres plutôt bien fichue dont il est agréable d’apprendre les subtilités. Cependant, on trouvera là encore de quoi râler, avec un système de visée pas très pratique. Celui-ci sert surtout pour les couteaux de lancer et les assassinats, là où il faut viser la bonne cible. C’est en général dans ce type de situation que le dispositif montre ses limites : on a beau se placer avec minutie à proximité de la cible, il est difficile d’accomplir le geste décisif sans déchet, avec à la clé, souvent, un combat qu’on aurait aimé éviter, ne serait-ce que pour le style.
+
- Design, réalisation artistique de haute volée
- Belle BO signée Kyd, et doublages de qualité
- Le travail sur les animations
- Un terrain de jeu énorme
- Le système de déplacements, grisant
-
- Pas top niveau infiltration
- Beaucoup d’espace gâché (le royaume, pour quoi faire ?)
- Le scénario aurait pu être mieux mené
- S’enferme inutilement dans un schéma de mission unique et redondant