Jeux

Coffee Talk

Visual Novel | Edité par Chorus Worldwide | Développé par Toge Productions

6/10
One : 30 janvier 2020
30.01.2020 à 13h57 par - Rédacteur

Test : Coffee Talk sur Xbox One

El gringo chez les hipsters

Quoi de plus doux, réconfortant, qu’un bon café bien dosé et l’écoute attentive et bienveillante de celui ou celle qui place dans ce breuvage toute sa sympathie ? Au diable Georges et ses dosettes polluantes, place au meilleur café du monde et aux cuillères qui teintent dans Coffee Talk, nouvelle mouture confectionnées par les indonésiens de Toge Productions. Qu’il s’agisse de « coffee » ou de « talk », rarement un jeu n’aura aussi bien porté son nom.

Nous sommes en septembre 2020 à Seattle, au Nord-Ouest des Etats-Unis. Evidemment, il pleut et c’est bien là la seule chose à peu près normale qui s’apprête à se dérouler sous vos yeux. Que Coffee Talk ait choisi de vous placer dans la peau d’un patron de café ouvert seulement la nuit et récusant l’idée de servir tout type d’alcool, on peut imaginer cela comme imaginable en 2020, bien que l’on doute qu’un projet de ce type soit capable de faire sourire votre banquier. En revanche, vous serez certainement plus surpris par la nature de votre clientèle. Coffee Talk dépeint un monde dans lequel les humains côtoient elfes, orques, vampires, loups-garous et autres succubes. A la manière de The Wolf Among Us -les meurtres en moins- l’univers de Coffee Talk mêle réalisme et fantaisie, mais c’est exclusivement depuis votre comptoir que vous en découvrirez les dessous.

Coffee Talk test 1

Dans Coffee Talk, « talk » est probablement ce qui définit le mieux 99% de l’expérience proposée. A la manière d’un visual novel dont raffolent les japonais, le jeu vous invite à lire, lire et encore lire la retranscription des discussions de vos hôtes. Coffee Talk ne propose pas de doublages et est par ailleurs disponible uniquement en anglais pour ce qui est des langages occidentaux. Vous pouvez toutefois opter pour le japonais, le chinois ou le coréen mais dans tous les cas, une connaissance convenable de la langue choisie est recommandée pour véritablement profiter d’une expérience qui s’appuie quasi-exclusivement sur ses dialogues. A la fin de chaque journée (il y en a une quinzaine en tout), vous verrez aussi les gros titres des journaux qui donnent un cadre politico-sociétal à cet univers bien particulier ; mais l’essentiel sort bel et bien de la bouche de vos clients.

Coffee Talk se pose alors comme une métaphore de notre société actuelle, mettant en scène diverses sortes de créatures pour créer des parallèles avec le réel. Acceptation des différences de la part des familles d’un jeune couple interracial, questionnement sur le bienfondé du sur-engagement professionnel, respect des droits des homosexuels, répression de l’immigration, état de la planète, rapports parents/enfants et perspectives d’avenir, etc… Tout ou presque est passé sur le grill et l’utilisation de personnages mythiques et mystique est, dans le fond, plutôt intelligente. Même si cela peut donner lieu parfois à quelques axes de réflexion curieux comme le véganisme chez les vampires, l’obsession sexuelle chez un extraterrestre ou l’intérêt potentiel d’un porno BDSM impliquant un loup-garou. Yep. Selon comment on se place, on pourra reprocher à Coffee Talk de trop multiplier les sujets, sans jamais aller finalement très loin dans la réflexion, voire la dénonciation. Peut-être aurait-il été intéressant de resserrer l’objectif sur quelques sujets et les traiter plus en profondeur ? Chacun y trouvera son compte ou non selon sa sensibilité.

Coffee Talk test 2

Coffee Talk n’en demeure pas moins un titre pourvu de textes bien écrits et surtout de personnages forts et attachants. La dizaine d’êtres qui font le va et vient dans votre café sont tous aussi bien imaginés les uns que les autres, avec des histoires, des caractères bien marqués et toujours une certaine dose d’humour bien sentie. Le sentiment de développer des affinités avec ces personnages imaginaires est appuyée par une réalisation graphique très soignée, en pixel art, colorée et animée juste comme il faut. Les expressions faciales sont particulièrement réussies. A aucun moment du jeu vous ne mettrez les pieds ailleurs que dans le café, mais c’est cela aussi qui contribue à l’ambiance douce et chaleureuse de Coffee Talk. La pluie à l’extérieur, les ombres et les voitures qui défilent à la fenêtre, les clopes qui se consument sur fond de jazz et de musique d’ambiance tout à fait adaptée : on s’y croirait.

Et le café dans tout cela ? Eh bien il est là et représente la seule interaction possible avec le jeu, en dehors de la consultation du téléphone portable du barista qui permet d’accéder aux profils des clients, aux histoires courtes du journal local (écrites par la principale cliente du café et parfois très drôles), au jukebox et enfin aux recettes de café/thé/lait que vous avez débloqué. Deux à trois fois par jour de jeu (il y en a environ 15 on le rappelle), les clients passent naturellement leur commande. De votre côté, il vous faudra additionner trois ingrédients parmi ceux disponibles, tenter un latte arte si le cœur vous en dit, et servir. Cela commence facilement, puis viennent progressivement de véritables recettes impliquant des ingrédients tels que du miel, de la menthe, du gingembre ou de la cannelle. Il n’y a rien de compliqué, le tout étant d’être attentif aux demandes et parfois aux indices qui se cachent dans les discussions pour deviner les ingrédients et leur ordre éventuel d’ajout.

Coffee Talk test 3

Cette partie du jeu dédiée à la conception des breuvages semble alors un peu trop légère, même si l’on comprend assez vite que le cœur de l’expérience se situe dans son histoire et ses dialogues. Il faut voir cela comme un petit plus, une action à mener de temps en temps qui a tout de même le mérite de donner une pointe d’immersion supplémentaire. Si toutefois l’expérience vous séduit, sachez que Coffee Talk propose un mode libre sans fin et un mode défi où il vous faudra servir un maximum de bonnes recettes dans le temps imparti. Les recettes débloquées étant les mêmes pour tous les modes de jeu, on vous conseille de faire régulièrement un tour dans le mode libre, entre deux sessions du mode histoire, afin de mélanger tout ce qui vous passe par la tête et tomber sur des recettes valables qui vont ainsi d’ajouter à votre mémo en mode histoire. Dans la seconde moitié du scénario cela peut s’avérer très utile.

Comptez environ trois à quatre heures pour voir le bout de l’aventure Coffee Talk, en fonction de votre vitesse de lecture. Sachez néanmoins que ce premier run en appelle d’autres pour véritablement découvrir tous les secrets de l’aventure.On imagine cependant que rares sont ceux qui auront à cœur de s’y remettre plus d’une fois ou deux. Coffee Talk ne propose pas de choix de dialogues et si l’on apprécie globalement la personnalité de notre barista, les parties successives proposent en substance les mêmes dialogues. Les modifications sont intéressantes mais peu nombreuses et bien qu’il soit possible d’accélérer la vitesse de défilement du texte, cette méthode est régulièrement hachée par les animations des personnages, ce qui a tendance à rendre cette éventuelle nouvelle partie trop longue à supporter. Mais ça sera le prix à payer si vous voulez découvrir entre autres l’intégralité des superbes artworks que propose la galerie du jeu.

La présentation en vidéo de Coffee Talk par Creasy Buscemi

6/10
Coffee Talk est un jeu très singulier qui s’adresse aux lecteurs en général, aux amateurs de visual novel en particulier en dépit du choix de l’unité de lieu qui tranche avec ce que le genre nous propose généralement. Dans ce monde mêlant réalité et fantaisie, l’immersion est grande, forte de l’attachement que l’on ressent rapidement pour une galerie de personnages bien ficelée. On peut repprocher à Coffee Talk de vouloir couvrir trop de sujets sans jamais arriver à pousser très loin la réflexion, mais cela n’enlève rien à la qualité d’écriture proposée. Reste que la partie « café » aurait mérité un peu plus de profondeur et que devoir rejouer plusieurs fois l’aventure pour en découvrir tous les ressorts a quelque chose de rebutant compte tenu du peu de différences qui séparent une partie de l’autre.

+

  • Ambiance très réussie
  • Des personnages attachants
  • Unité de lieu parfaitement maitrisée
  • Bande-son agréable
  • Un aspect chaleureux, réconfortant s’en dégage
  • Galerie d'artworks bien fournie, avec de superbes illustrations

-

    • Beaucoup de sujets évoqués, mais trop peu creusés
    • Partie « café » un peu légère
    • Impose plusieurs runs, mais n’y incite pas vraiment
    • Non disponible en français