Jeux

Espresso Tycoon

Simulation | Edité par PlayWay | Développé par DreamWay Games

5/10
One : 28 August 2024 Series X/S : 28 August 2024
10.09.2024 à 13h20 par

Test : Espresso Tycoon sur Xbox Series X|S

Graine d’indolence

Inspiré des divertissements traditionnels tels que le célèbre Monopoly, le jeu de gestion a connu son heure de gloire dans les années 1990 avec SimCity, Caesar, Theme Hospital ou Railroad Tycoon. Si le genre est désormais moins en vogue, à l’exception de dignes représentants comme Frospunk ou a évolué vers le roguelite avec Cult Of The Lamb, certains titres font de la résistance et c’est exactement le cas d’Espresso Tycoon auquel nous allons goûter aujourd’hui.

L’arôme de l’aventure vous émoustille ? Vous rêvez secrètement de troquer votre panoplie de cadre supérieur aux journées harassantes et souvent insipides contre celle de l’autoentrepreneur qui ne doit sa réussite qu’à son talent et ses heures sup’ à sa passion ? Eh bien le destin frappe à votre porte, puisque vous venez de remporter un concours qui vous envoie partout dans le monde afin de développer votre société de vente et de création de café ! Voilà le point de départ un peu convenu du mode Campagne et du tutoriel de Espresso Tycoon — à moins que vous optiez d’emblée pour le jeu libre (ou Sandbox). En revanche, la suite ne manque pas de saveur puisque vous atterrissez illico dans un Volkswagen Combi aménagé en troquet ambulant au beau milieu d’un parc public du Cap en Afrique du Sud, le tout sur un air de bossa-nova. Un mélange des genres dépaysant à telle enseigne que l’organisation dudit concours diligente Caroline, une jeune femme très expérimentée, pour vous guider pas à pas dans votre nouveau métier de capitaine d’industrie féru d’artisanat.

Votre première tâche consiste à choisir une icône, une police de caractère et une couleur en guise d’emblème pour votre entreprise. Ce qui pousse Caroline à s’extasier sur votre enseigne éblouissante : « Je parie que votre établissement va attirer les clients comme les abeilles vers le miel ! Ou comme les pigeons vers… »  S’ensuit une cutscene étonnante dans laquelle un volatile aventureux trempe son bec dans une tasse de café et s’en trouve bouleversé au point de tenter une figure de smurf sur une rythmique typique des années 1980 avant de chuter du comptoir comme s’il était ivre. Pour la finesse, on repassera, mais cet épisode met surtout en relief un aspect technique désuet, avec des animations poussives, des effets rudimentaires, des textures brutes, une distance d’affichage ridicule et des cinématiques atroces. L’ensemble, qui se révèle extrêmement rigide, est en outre desservi par une ergonomie, là encore, d’un autre âge ! Le bouton LS permet ainsi d’alterner entre le basculement vertical et horizontal de la vue et le curseur pour piloter les menus. La translation de la caméra est, quant à elle, gérée par le joystick de droite, sa rotation par les deux gâchettes et son retour à la position initiale par une pression sur RS… Il aurait mieux valu regrouper les actions ou les simplifier à tout le moins, sachant qu’un élément de décor a tôt fait de vous bloquer dans un coin ou au ras du sol tandis que vous essayez d’optimiser le temps pour nettoyer votre lieu de travail ou récupérer une livraison cruciale !

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De toute évidence, le gameplay a été pensé pour le duo clavier/souris : fermer une fenêtre ici, dérouler ou cocher une liste là, déplacer un item d’un côté, pousser un repère sur une échelle de l’autre, renverser la vue d’un clic secondaire et revenir immédiatement à la position d’origine avec une précision de métronome. Dans cette perspective, les approximations techniques et la vétusté du moteur graphique passent au second plan. À l’inverse, avec une manette Xbox c’est abscons et laborieux et tous les défauts nous sautent au visage. Pire encore, les menus sont ceux du PC, c’est-à-dire illisibles du fait de leur taille lilliputienne, et aucune option n’a été prévue pour corriger le tir… À l’heure de l’adaptabilité et du confort tous azimuts, on a donc affaire à un anachronisme ambulant !

Et c’est bien dommage, car Espresso Tycoon prouve qu’il a plus d’une corde à son arc dès la deuxième mission qui se déroule à New York. Vous y récupérez un petit local dans un quartier populaire (et une vingtaine de places assises). Il nécessite une remise en état préalable (murs, sol, meubles), et vous avancez ensuite pas à pas : rédiger un menu, affiner vos préparations de café ou de thé, prévoir un espace snack, gérer vos stocks, embaucher du personnel, aménager des plannings tenant compte des plages horaires les plus chargées et des périodes plus calmes, etc. C’est déjà nettement plus intéressant et au bout d’une bonne heure vous vous retrouvez avec quatre ou cinq employés assurant un service en continu 24 h sur 24. Le titre dévoile progressivement sa richesse et conjugue les dynamiques classiques de contrôle des ressources avec beaucoup de cohérence et d’à-propos. Par conséquent, et avant même d’acheter des éléments de décoration, vous pouvez consulter votre clientèle comme Caroline vous y incite, faire une étude sur le voisinage, les catégories socioprofessionnelles, leurs souhaits, les heures de passage avec les pics de fréquentation escomptés, lancer une campagne marketing ciblée pour faciliter l’ouverture, etc. Suivant une logique identique et plutôt que de vous imposer un personnel parfait, malléable au point d’accepteur n’importe quels horaires, le jeu propose à intervalles réguliers quelques candidats potentiels ayant des préférences d’emploi du temps et des traits de caractère distincts. Certains aiment travailler le matin, d’autres le soir, certains 12 h en continu, d’autres ne feront que des demi-journées. Ils sont extravertis ou pas, charismatiques ou pas, mais vous avez tout intérêt à tenir compte de ces éléments qui influent directement sur vos résultats. La grande force de cette approche est de vous obliger à penser chaque aspect de la gestion de votre entreprise avec soin sachant que le bon compromis est toujours assez simple à définir à condition d’y consacrer un peu d’attention.

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Dès lors, au lieu d’être machinales, vos décisions sont réfléchies et se mettent patiemment en œuvre au gré des demandes de vos clients et des objectifs qui vous sont assignés. Grâce à diverses observations comme l’indice de satisfaction global, vous pouvez améliorer le rendement de votre établissement (aménagement, nombre de places assises, temps d’attente, disponibilité des produits, hygiène), et optimiser vos achats, vos stocks, adapter la formation de vos salariés, veiller à leur bien-être, augmenter leurs émoluments en fonction de vos gains, etc. Ce faisant, le jeu déploie à sa manière, des protocoles très complets que l’on connaît bien et qui pour être exigeants ne sont jamais punitifs. Avec en prime, la liberté de décorer vos locaux et de créer des boissons en fonction du lieu où vous exercez, de vos goûts, des aspirations des consommateurs et de vos impératifs budgétaires. Cette partie est très plaisante et pleine d’humour en dépit des limites imposées par l’interface. De fait, les joysticks manquent cruellement de précision pour ajuster le dosage des quantités avec de petits curseurs et il faut couramment fermer une fenêtre en cliquant sur son bord supérieur droit comme avec l’OS de son ordinateur alors que d’autres éléments repassent au second plan en appuyant sur B…

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Pour autant, et à défaut de révolutionner quoi que ce soit, la mécanique globale fourmille de détails pertinents qui s’enrichissent à chaque étape de votre progression sans vous noyer sous des tonnes de statistiques. Tout repose sur des routines de gestion qu’on a vues mille fois, certes, mais qui sont utilisées à bon escient en fonction des environnements et amenées petit à petit afin de garantir un intérêt constant : nouveaux objets, nouvelles recettes, défis chronométrés, primes…

Du reste, si Espresso Tycoon nous impose peu ou prou les mêmes objectifs que ses concurrents (chiffre d’affaires spécifique, nombre de ventes, fréquentation moyenne), il emprunte des tas de biais amusants pour nous y conduire. Dans la cinquième mission de la campagne solo, on voyage ainsi à bord du Transsibérien et il faut couvrir 2500 km pour passer à la suite. Sauf que le train a besoin de charbon pour rouler et ça coûte cher… À São Paulo, vous travaillez dans le métro auprès d’un public de commerciaux surmenés et vous devez trouver la bonne formule pour qu’ils prennent le temps de s’arrêter et siroter un café. Une problématique que le jeu résume à sa manière : « Les hommes d’affaires sont comme les pilotes de course. Ils sont toujours pressés et ils ont besoin de se ravitailler rapidement. »
À Londres, vous luttez contre un gang de cambrioleurs agissant en plein jour et faites appel à des agents de sécurité. À Mexico, votre arrivée est saluée par la reception d’une facture de blanchisserie imputable à la maladresse d’un de vos baristas ayant malencontreusement renversé du café sur la chemise immaculée d’un client.

De la sorte, tout s’enchaîne naturellement et avec beaucoup de plaisir : un Paris de carte postale vu d’outre-Atlantique, un hôtel de Mexico transformé en galerie d’art, un site subaquatique à Sidney, etc. Tout ou presque, parce qu’au bout du compte, il est bien difficile de faire l’impasse sur les défauts d’un jeu qui irrite autant qu’il séduit, surtout en regard de concurrents récents. À commencer par Frostpunk…

5/10
En effet et malgré une assise très solide, un contenu dense, des routines agréables, subtiles et variées, une tonalité légère et des idées rafraîchissantes, le bébé de Dreamway Games édité par PlayWay peine à convaincre. Il pâtit d’une adaptation à l’emporte-pièce sur Xbox alors qu’il a manifestement été conçu pour l’environnement PC avec un clavier et une souris. Si d’aventure l’option avait été conservée sur console, Espresso Tycoon aurait peut-être pu s’en sortir avec les honneurs à supposer que, par ailleurs, on lui pardonne son indigence technique et ses graphismes datés. Or, manette en main et lunettes sur le nez, la déception le dispute au plaisir et finit par ternir l’expérience de jeu, hélas !

+

  • Mécanique équilibrée et agréable
  • Contenu riche et varié
  • Ton léger et prenant
  • Tutoriel clair et très complet

-

    • Graphismes et animations dépassés
    • Caméra frustrante
    • Interface inadaptée à la Xbox
    • Musiques et bruitages fades et répétitifs
    • Traductions bancales

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